mardi 19 juin 2007 par Fraternité Matin

En attendant l'ouverture du forum international, demain, à l'hôtel Ivoire, le chef adjoint du Programme de la cellule des armes légères de la CEDEAO en situe les enjeux. Le 20 juin, s'ouvre, à Abidjan, le forum sur les armes légères. Que peut-on en attendre?
C'est le Forum de la société civile sur les armes légères en Afrique de l'Ouest. Qui fait partie du Programme de contrôle des armes légères de la CEDEAO (ECOSAP) au profit de la société civile. Au niveau régional, il y a le Réseau d'action sur les armes légères en Afrique de l'Ouest (RASALAO). Il y a un comité exécutif de la société civile qui est mise en place. Son objectif est de réorganiser la société civile ouest- africaine, qui travaille dans le domaine de la paix, dans le domaine du contrôle des armes légères et de petit calibre. Nous voulons à partir de la rencontre d'Abidjan, réorganiser cette société civile, harmoniser son cadre d'action, pour que tout le monde parle le même langage et qu'on coordonne les activités de cette société civile, en ce qui concerne la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre. Le second objectif de ce forum, c'est de soutenir le processus de paix enclenché en Côte d'Ivoire. D'où le choix d'Abidjan. D'ailleurs, par l'organisation de cette rencontre, nous voulons apporter un soutien à la commission nationale de ce pays. Nous voulons également profiter de ce forum pour faire un plaidoyer auprès des autorités ivoiriennes pour qu'elles mettent en place cette commission nationale. Qu'appelez-vous armes légères?
Dans la définition qui se trouve dans la convention de la CEDEAO, parce qu'il y a plusieurs définitions, on les définit comme étant des armes généralement utilisées par un individu ou un groupe d'individus. Mais il faut faire une certaine distinction. Parce que quand on parle d'armes légères, il y a deux définitions. On parle, en ce qui concerne la CEDEAO, d'armes légères et de petit calibre. Ce sont donc des armes qu'une seule personne peut utiliser. Quand on parle d'armes de petit calibre, il s'agit d'armes dont le calibre ne dépasse pas les 100 mm. Ce sont des pistolets, des fusils de chasse, des kalachnikovs, etc. qui sont différentes des armes lourdes. A vous entendre parler de la société civile, on a l'impression qu'il y existe un certain désordre. Je ne dirai pas cela, mais j'insisterai pour dire que la coordination des activités est importante. Parce qu'il y a plusieurs organisations de la société civile. On veut travailler avec des organisations de la société civile qui ont une expertise dans le cadre du contrôle des armes légères et de petit calibre. Nous voulons voir qui fait quoi et avec quelle expérience. Ces organisations pourraient-elles bénéficier d'un soutien au travers de ce forum?
En fait, ce forum est un programme de renforcement des capacités des commissions nationales de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre installées dans les Etats membres, renforcement des capacités de l'unité des armes légères créée au sein de la commission de la CEDEAO, renforcement des capacités de la société civile. L'un des instruments les plus importants de la CEDEAO est la Convention. Elle a vu le jour grâce à la société civile, qui a remis à la CEDEAO le premier projet. Au sortir de ce forum, on veut avoir un plan d'action conjoint sous-régional de mise en ?uvre. Une fois que ce plan est créé, le programme ECOSAP intervient pour le financement des activités qui entrent dans ce cadre. Au lieu de chercher des activités de part et d'autre, on travaille sur un plan d'action sous-régional. ECOSAP sera là pour apporter un soutien technique et financier aux organisations de la société civile, mais dans le cadre du plan d'action. Le thème retenu pour cette rencontre d'Abidjan est:Une action de la société civile sur les armes légères pour la paix et le développement.Qu'attendez-vous de cette société civile en matière de lutte contre la prolifération et le commerce illicite des armes légères et de
petit calibre?
Nous attendons de la société civile un grand rôle de sensibilisation parce qu'on ne peut pas efficacement lutter contre les armes légères sans que les autorités, les populations ne soient réellement sensibilisées aux dangers de la prolifération des armes légères et de petit calibre. Mais elle a également un rôle de lobbying très important auprès des autorités, notamment pour la ratification de la convention pour la CEDEAO, mais aussi pour le renforcement des commissions nationales dans les Etats membres. Est-ce que la prolifération des armes légères a atteint la côte d'alerte au niveau de la CEDEAO pour que cela nécessite l'organisation d'un forum?
L'état de la prolifération des armes légères est très préoccupant. Vous savez que dans la sous-région, on a eu depuis les années 1990, une succession de conflits internes. Ces conflits ont entraîné une très grande prolifération des armes légères dans la sous-région. Ceci est favorisé par la porosité de nos frontières, par la faiblesse en équipements de nos services de sécurité. Il y a tout un ensemble de facteurs favorisant cette prolifération : l'offre et la demande, la pauvreté, le manque d'emploi pour la jeunesse, les droits de l'homme qui sont bafoués, etc. Cette situation a des effets dramatiques sur la stabilité des Etats, la sécurité des populations et le développement économique. Face au fléau, il faut agir. Ainsi, au niveau de la CEDEAO, on a commencé par mettre en place un moratoire à la suite d'un signal fort que le président malien d'alors, Alpha Oumar Konaré, a lancé aux Nations unies sur l'impact des armes légères sur le développement et la sécurité de nos Etats. Mais comme vous le savez, le moratoire est un engagement politique qui n'est pas contraignant. Aussi, pour donner une certaine obligation aux Etats de respecter le moratoire, y a-t-il eu un code de conduite. Puis, la CEDEAO, sous l'impulsion de la société civile, a décidé de transformer ce moratoire en convention. Il faut maintenant que cette convention soit ratifiée par au moins neuf Etats membres pour qu'elle entre en vigueur.
Quel est le nombre d'Etats qui l'ont ratifiée aujourd'hui?
et Combien de pays ont répondu à votre appel pour le forum d'Abidjan?
Je n'ai pas le chiffre exact, mais je sais que le Niger a été le premier à le ratifier ainsi que le Mali. Je crois qu'il y a trois ou quatre pays qui l'ont ratifiée. Tous les pays de la CEDEAO y ont répondu. Pour cette rencontre, on a invité trois délégués par pays, soit deux délégués de la société civile et un journaliste. Il y a une question de lisibilité. Il faut que les activités du programme soient visibles. Que les gens sachent ce qu'on fait, mais surtout dans le cadre de la sensibilisation. Comme je l'ai dit tout de suite, on ne peut pas lutter efficacement contre les armes légères si les hommes ne sont pas sensibilisés aux dangers de cette prolifération. C'est pourquoi nous avons fait appel aux journalistes pour qu'à leur retour, ils puissent travailler dans ce sens, sensibiliser les gens aux dangers des armes légères. Vos actions ont-elles contribué à baisser la prolifération et le commerce illicite des armes légères et de petit calibre dans la sous-région?
La lutte contre les armes légères est une lutte qui s'inscrit dans la durée. On ne peut pas dire, c'est de telle date à telle date. Ça s'inscrit dans la durée. La cible de la prolifération des armes légères, c'est la population qui détient les armes. De sorte que quand on parle de circulation d'armes légères, il n'y a pas une personne définie. C'est la population entière. Il ne faut pas oublier qu'il y a des enjeux financiers. On est en train de mettre pour le moment des bases solides pour pouvoir bien lutter contre ce fléau. C'est pourquoi on a créé des commissions nationales dans les Etats membres et une unité des armes légères au sein de la commission de la CEDEAO. Et aujourd'hui, on est en train de réorganiser la société civile. Tout dernièrement à Bamako, on a organisé un atelier sous-régional d'harmonisation des enquêtes sur les armes légères parce qu'on parle de millions et de millions d'armes qui circulent dans la sous-région. Mais ces données-là ne sont pas fiables parce que personne ne peut vous donner leur source. A notre niveau, on a dit qu'on va s'enquérir de la situation sur le terrain. Et pour ça, il faut qu'on fasse des enquêtes nationales dans tous les Etats membres. A l'issue de ces enquêtes, il y aura un rapport final pour situer avec précision le problème sur le terrain. Il faudra définir l'importance de chacun des principaux fléaux : la pauvreté, le manque d'emploi, la porosité des frontières, etc. dans chaque Etat. A l'issue de ce travail, un rapport sera établi dans chaque Etat. Et ce rapport servira de document de base pour le développement d'un plan d'action national approprié à chacun des Etats de la CEDEAO. En clair, on va désormais trouver les solutions à apporter aux problèmes identifiés sur le terrain. C'est la démarche que nous sommes en train de mener. Vous tenez à associer dans vos plans d'action, la société civile. Est-ce à dire que vous croyez plus en elle qu'aux décideurs, aux hommes politiques ?
Ce n'est pas une question de croire plus à la société civile qu'aux décideurs. Sachez que le programme est tout d'abord une impulsion politique. Les décideurs politiques de la sous-région ont voulu transformer le moratoire en convention. La société civile n'est pas le seul acteur avec lequel on travaille. On a déjà les commissions nationales dans les Etats membres qui sont des structures étatiques. Comment fonctionnent ces commissions nationales? D'abord elles ont été mises en place dans les Etats membres. L'approche que nous voulons est que l'Etat s'implique dans le fonctionnement de ces commissions nationales. Les Etats ont déjà beaucoup fait parce que ce sont ses fonctionnaires qui sont mis à la disposition des commissions nationales. Leurs salaires, les bâtiments qu'ils occupent, les factures d'électricité, d'eau, etc., sont payés par les Etats membres. Mais quand les commissions nationales veulent mettre leurs programmes d'activités en ?uvre, à ce niveau, au plan financier, il y a un apport qui peut venir de la CEDEAO à travers ECOSAP. En outre, sur le plan bilatéral, les commissions nationales montent des projets qu'ils soumettent aux bailleurs de fonds. L'approche que nous voulons, lorsque nous allons finir la phase d'enquête, sera de développer un plan d'action national dans les Etats membres. Il appartiendra à ce plan d'action de définir la part de la CEDEAO à travers ECOSAP et celle de chaque Etat dans le financement des activités des commissions nationales. Mais ces commissions pourront solliciter l'aide bilatérale, en allant vers les bailleurs de fonds, pour faire face à d'éventuels déficits budgétaires malgré le financement de l'ECOSAP et des gouvernements. Quels sont les autres grands axes d'action de ECOSAP? Le Programme de contrôle des armes légères de la CEDEAO a été lancé à Bamako le 6 juin 2006. C'est un programme sous-régional qui couvre les quinze Etats membres de la CEDEAO. Il est basé à Bamako. Le personnel est de la sous-région. Le Programme s'inscrit dans le cadre global de la paix et de la sécurité et dans celui de la stratégie de réduction de la pauvreté pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement. Il s'agit d'un programme de renforcement des capacités des commissions nationales pour qu'à terme, elles puissent prendre en charge, la lutte contre la prolifération des armes légères dans les Etats membres. Le programme est également un renforcement des capacités de l'unité des armes légères de la CEDEAO. C'est pourquoi ECOSAP met à la disposition de l'unité des armes légères non seulement des équipements, mais aussi du personnel. On a par exemple un Institut chargé de la communication et du plaidoyer qui est de ECOSAP, mais qui est placé auprès de l'unité des armes légères. Il y a un expert chargé des Affaires juridiques qui est un personnel de ECOSAP placé auprès de cette unité. En termes de réalisation, nous avons la première conférence sous-régionale des commissions nationales au cours de laquelle on a mis un plan d'action de mis en ?uvre en place. Ensuite à Bamako, on a organisé un atelier d'harmonisation de la méthodologie d'enquête. Et à l'issue de cet atelier, on a mis des véhicules neufs à la disposition des Etats membres. Chaque commission nationale dans les Etats membres a reçu un véhicule. L'unité des armes légères a reçu un véhicule tout neuf ainsi que le programme lui-même. Ensuite nous organisons ce forum à Abidjan. Mais auparavant, on a fait une tournée dans les Etats membres pour nous enquérir des capacités réelles des commissions nationales. On a fait une revue de la fonctionnalité dans les Etats membres. D'ailleurs, nous travaillons actuellement sur le rapport de cette revue qui sera envoyée à la CEDEAO pour l'instruire sur l'état de chaque commission nationale sur les armes légères.

Interview réalisée par
Michel Koffi et Pascal Soro

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