La liberté ne se limitant pas à un quadrilatère sans côté, il est impossible de s'exprimer dans un espace imposé, aussi flou que mouvant. Depuis quatre ans, nous avons partagé ensemble les mêmes avanies, les mêmes vexations, la résistance ; la vérité dite vaut mieux que la taire. La devise de notre (de votre) journal n'est-elle pas la passion de la vérité, le pari de l'indépendance ? Nous avons avalé les mêmes médicaments et les mêmes couleuvres. Sans être dupes, avec illusions, peut-être même avec naïveté certainement, nous avons cru que cela en valait la peine. C'est la seule raison, le seul motif qui nous ait poussé à écrire depuis tant d'années.
Nous écrivions ce que nous pensions et que nous pensons toujours, ce que vous auriez écrit à notre place. C'est une question d'opportunité et de convictions. Loin de nous enrichir et de nous faire des amis (riches), nous ne nous sommes que fermés des portes et créés bon nombre d'ennemis. La vérité a un prix. L'indépendance aussi. Apparemment, il est moins important que celui des courtisans. Aujourd'hui, non comme récompense, car nous n'en attendons aucune, nous nous trouvons obligés de choisir entre nous taire, nous aligner, trahir ou résister. Ce que nous croyons et en quoi vous aussi croyez, c'est de vouloir écrire ce que nous devons et ce que vous voudriez si vous en aviez l'opportunité. Nous refusons de trahir par complaisance. Le Directeur de publication, mon ami, votre ami, Sylvestre Konin s'est exprimé hier matin à l'occasion d'une conférence de presse sur l'âme qui anime le Courrier d'Abidjan. la ligne éclaire, c'est celle de son quotidien, du nôtre, du vôtre. La racine de Servile est la même que celle de Servir ; mais Servir à quoi ou à qui ? Autant il y a d'honneur à servir un idéal ou des idéaux qui le méritent, quel qu'en soit le prix, ou plutôt les pertes, autant, il est illusoire de n'être Servile que par mercantilisme et affairisme. Aujourd'hui, non déçus ni tristes ni amères, sous ce titre nous vous disons que le combat continue et libre à de nombreuses têtes. Le Courrier d'Abidjan reste et doit rester dans la galaxie patriotique et non se retrouver instrumentalisé, utilisé à des fins obscures par quelques opportunistes en quête de reconnaissance et de visibilité pour ne pas dire de respectabilité. Le Courrier d'Abidjan où nous pouvons nous exprimer en refusant de trahir nos engagements et les vôtres, ceux de tous les lecteurs qui partagèrent et partagent les mêmes valeurs qui les comprennent et les défendent. Tant qu'il restera des patriotes, une galaxie de résistants, et un Sylvestre Konin comme DP à la tête du Courrier d'Abidjan, il nous sera toujours possible d'espérer et de rêver. Nous signons aujourd'hui en Nota bene à la place de Emmanuel Grié qui m'a fait la grâce de me céder son espace et vous comme moi nous ne pouvons que constater que la liberté de lire et d'écrire va de paire avec celle de penser. Sans peur, sans nous vendre, sans vendre notre âme au diable, ou trahir sans regrets, ni remords, je salue ceux qui se sont crus nos maîtres et les vôtres. Sans haine ni amour, sans passion, saluons, respectons leurs fonctions, leurs titres, leurs attributions et leurs alliances. La faiblesse est dans la cupidité comme la compromission dans la lâcheté. Il est donc inutile d'épiloguer sur nos ennemis. Leurs actes, leurs propos, leurs comportements parlent pour eux ou contre eux. Rapportons les faits et uniquement les faits ; c'est largement suffisant pour expliquer et comprendre ce qui, à priori est incompréhensible. Le fait de ne pas accepter l'inacceptable est une preuve de bon sens et d'équilibre mental. Quoiqu'il en soit, le Courrier ne peut être mercenaire. Embarqués dans la même galère, il nous faut bien admettre qu'il n'y a ni mauvais vents, ni mauvais courants, seulement de mauvais ou piètres navigateurs. On peut s'entendre avec des étrangers, les aimer, les intégrer, les assimiler ou simplement les tolérer mais en aucun cas ils ne peuvent nous diviser.
Sylvie Kouamé