vendredi 18 juillet 2008 par Déclic Magazine

Sorti de nulle part, le groupe de rap Garba 50 s`est taillé une réputation, en peu de temps. Aujourd`hui, Oli et Sooh, le duo qui constitue cette formation musicale, représentent le renouveau du hip-hop ivoirien. Déclic Magazine est allé à la rencontre de ceux qui disent être le résultat d`un système. Avec la rage et le verbe acerbe qui les caractérisent, Garba 50 explique son orientation musicale et tance vertement Billy billy.

Cela fait un bon moment, quand même, que vous êtes sur l`échiquier musical. Quel bilan dressez-vous de ce laps de temps là ?
C`est un bilan plutôt positif. Après un premier album et une mixtape, autoproduits, on a réussi à se constituer une base de fans considérables. Le bilan, il est donc bon et

A quoi répond cette idée de mixtape ? Pourquoi avoir opté pour cette stratégie et non pas sortir des albums ?
Les mixtapes font partie de la culture hip-hop. Ce sont des produits qui ne sont pas travaillés à la perfection, comme des albums. Ça permet à l`artiste de s`orienter et de faire des essais. A notre niveau, nous nous disons que c`est à nous d`inculquer cette notion au public et lui faire découvrir cet autre aspect de la production musicale.

C`est quoi le rap de rue ?
C`est le rap des gens de la rue, qui ne sont pas dans un circuit propre de la société. Le rap de rue, c`est le rap qui représente notre vie, qui est celle de la rue. C`est la vie de la débrouillardise, quoi ! Ce n`est pas celle d`un enfant des II Plateaux, qui a tout à sa disposition. Chez nous, quand tu te réveilles le matin, tu sors chercher de quoi te permettre de survivre.

C`est ce rap de la rue qui veut que vous utilisiez un langage grossier ?
Notre musique est faite à l`image de la rue. Elle parle de notre vécu, de notre manière d`être. Ce n`est pas dans un studio qu`on va la travestir. Notre manière de parler, les mots que nous employons, partout où nous sommes, se retrouvent dans nos textes.

Pourquoi êtes-vous venus à la musique ?
La musique, pour nous, est une issue de secours, une bouée de sauvetage

Parce que vous n`avez pas réussi, ailleurs ?
Oli : Non, ce n`est pas qu`on n`a pas réussi, ailleurs. Nous n`étions pas bêtes à l`école ! Quand tu vas à l`école et qu`il n`y a pas de financement derrière, ça ne sert à rien de torturer ton cerveau. Tu essaies d`autres choses pour voir. Et donc, quand tu arrives en Maîtrise de Droit, comme Sooh, ou en Licence de Physique, comme Oli et que tu n`a pas de soutiens financiers, tu vas voir, ailleurs, ce que la vie te réserve.

Sooh : Nous sommes venus à la musique, parce que c`est aussi un moyen pour nous de nous faire entendre. Nous avons l`habitude de dire que nous étions des gens qui n`avaient pas droit à la parole. Mais aujourd`hui, les gens paient pour nous écouter.

Sur votre mixtape ``Echauffement``, ne trouvez-vous pas que les mots employés dans le morceau ``Djandjou``,, sont trop crus?
C`est vrai que les gens peuvent trouver les mots crus. Mais comme nous l`avons dit, c`est notre manière de parler. Donc, quand on veut rapper, on ne se met pas de blocage. Ces mots, que vous trouvez choquants, sont les mots que chacun de nous utilise tous les jours.

Il y a quand même des enfants et des moins jeunes, que vous, qui écoutent vos chansons. Les incitez-vous à parler de façon vulgaire ?
En fait, c`est le rap ! Tu dis ce que tu penses, sans te soucier des effets que cela pourrait avoir. Et puis, une mixtape, à la base, c`est quelque chose de plus cru qu`un album. Maintenant, si on avait grandi aux II Plateaux, dans une famille bien catholique, peut-être que les choses auraient été autrement. Mais depuis que nous sommes enfants, p..., c..., bai, sont des mots que nous utilisons. Et donc, ça ne nous gêne pas.

Un artiste, c`est aussi un éducateur. Alors, quelle éducation donnez-vous à vos jeunes frères qui écoutent vos textes ?
Sooh : La musique qui éduque, franchement, ce n`est pas notre trip. Nous faisons une musique qui nous représente. Ceux qui vivent ce que nous vivons,s se sentent aussi représentés. On ne fait pas la musique pour évangéliser les gens.

Oli : Notre musique, elle est à l`image de notre quotidien. On est étonné quand des personnes se sentent choquées par nos chansons. Qu`est-ce que vous voulez qu`on apprenne à un gamin de 13 ans qui regarde des films ou des photos pornographiques sur Internet ? Ou encore qui attend une heure tardive pour se brancher sur une chaîne de télé exclusivement pornographique?

Est-ce une raison valable pour l`enfoncer davantage ?
Oli : Non, pas du tout ! Notre musique, elle ne fait que raconter notre quotidien. C`est tout. Le rap n`est pas une musique d`enfants de c?ur.

Sooh : Au lieu de s`attaquer à nous et à notre musique, je crois qu`il faut aller à la racine. Quand tu vis dans un environnement, tu grandis avec une manière de parler, une manière de penser. Nous sommes plutôt le résultat de tout cela. Ce n`est pas nous qui allons empêcher les petites filles de 13 ans de se faire dépuceler.

Il y a des Ivoiriens qui font aussi du rap sans être vulgaires. Nous avons les exemples de Angélo, Stezo, Almighty ou encore Billy Billy et Raja Anaconda ?
Angélo, Stezo et Almighty n`ont pas notre vécu. Et puis, le rap est un art. Chacun a sa manière de s`exprimer. Si Billy Billy et Raja Anaconda font du rap villageois, ça n`engage qu`eux. Nous, nous faisons un rap urbain. Nous n`avons pas été influencés par Luckson Padaud.

Récemment, au concert de Chantal Taïba, au Palais de Culture, nous avons demandé à Billy Billy, si ça ne l`intéressait pas de faire un truc avec Garba 50. Il a dit ceci : ``Je ne veux pas réveiller un groupe qui est mort. Un commentaire à ce sujet ?
Sooh : Il veut se donner de la contenance. Ça veut dire quoi, un groupe qui est mort ? Nous considérons que, Billy Billy et nous, ne faisons pas la même musique. Nous faisons du rap et lui, du zouglou. Quand il dit qu`il ne veut pas réveiller un groupe qui est mort, je pense qu`il aurait dû nous le dire, il y a six mois, quand il nous harcelait. Il connaissait nos textes par c?ur. Parce qu`aujourd`hui, il a commencé à sortir avec deux ou trois ``Djandjous`` (Ndlr : prostituées), le ``ploucard`` a la grosse tête. Il a fallu que des gars, comme nous, sortent un disque, pour qu`un looser (Ndlr : perdant,) comme lui, soit produit. Les gars, ils ne comprennent pas. On est trop en avance pour eux. Nous avons une vision sur le long terme. On est indépendant, on a créé notre label qui s`appelle le Fumoir et nous venons de signer un bon contrat de distribution avec une maison de la place. Nous avançons donc avec un schéma professionnel, inspiré du modèle américain. On ne veut pas entrer dans les enfantillages des villageois. On considère qu`on n`est pas en compétition avec eux. Chaque jour, des gens nous appellent, pour nous demander de ``clasher`` Billy Billy, parce que c`est n`importe quoi. Si son zouglou peut lui permettre de rouler des voitures et aller en France, c`est son pétard. Mais ici, on sait qui est le numéro un.

Oli : On n`a jamais été mort. D`ailleurs, on disait, comme ça, dans ``Echauffement`` : ``Tu nous croyais mort``. On parlait de tous ceux qui croyaient Garba 50 mort et il en fait partie. Il ne se souvient pas, qu`il nous appelait pour nous sucer ? Il ne se souvient pas qu`il nous appelait, en ayant, en introduction de ses conversations, des phrases de nos premières chansons ?

A vous entendre, on croirait que vous êtes au dessus des autres.
Nous ne sommes pas gonflés, contrairement à ce que prétendent certaines personnes. C`est la compétition. On ne va pas en victime résignée. C`est ça, le hip-hop. C`est le ``game`` (Ndr : le jeu). Il faut faire croire que c`est toi qui est au top niveau. Ça permet l`émulation.

Et pensez-vous que vous êtes les meilleurs ?
Sooh : Mais oui ! Sinon, à part nous, qui fait du rap, ici ? Personne. Il a fallu qu`on fasse notre rap, pour que les gars entrent en studio. Il faut que les gars reconnaissent que c`est notre transpiration qui a fait qu`aujourd`hui, les gens produisent du rap. C`est surtout, grâce à nos efforts, que ce villageois de Billy Billy est allé à Paris. C`est le malheur de l`Afrique. Les gens ne reconnaissent pas le travail des autres.

Oli : Il a fallu, nous, pour que le hip-hop revienne. Quand tu fais le ``game``, tu ne lances pas des paroles en l`air. Nous sommes des bosseurs. La preuve, nous avons été approchés par le professeur Koné, un chercheur au centre suisse, sur conseils d`un autre professeur de Oxford, pour faire une étude sur les lyrics de notre premier album, ``Y a n`en pour les oreilles``. Il faisait une étude sur la vie sociale des jeunes, je crois. C`est la preuve que nous travaillons. Maintenant, si quelqu`un pense qu`il peut faire mieux que nous, qu`il fasse sortir une ?uvre. Mais il ne faut pas faire du folklore et dire, après, que c`est du rap.

Dans l`une de vos chansons, vous dites que vous ne rappez pas sur des beats plats, comme les fesses de Priss K. Qu`est-ce que vous avez contre elle ?
Sooh : Priss K, c`est une go qu`on aime bien. Pour tout vous dire, elle faisait bien b...

Oli : (rire). C`est juste une comparaison. Tout le monde sait que Priss K n`est pas une Bobaraba. Ce n`est pas une injure. C`est, plutôt, une dédicace. Malheureusement, elle n`a pas apprécié. C`est dommage !

Vous prétendez être les meilleurs sur la place, mais les autres sortent et vous êtes encore là.
Ce n`est pas parce que Ibrahima Bakayoko est allé en Europe avant un gars, comme Kolo Touré, et a joué un peu partout, qu`il a eu une brillante carrière ou qu`il est fort que lui. On ne peut pas comparer Billy Billy à Garba 50. Il a écrit ses textes en écoutant notre album.

Avez-vous un problème particulier avec la RTI ?
Non ! Vous savez, la RTI, il faut payer pour passer et ça, ça ne rentre pas encore dans nos plans. Donc, on estime que ce n`est pas encore le moment.

Quels sont vos plans alors ?
Oli : On ne va pas les dévoiler ici, parce qu`on a trop d`ennemis, qui vont nous verrouiller et raconter n`importe quoi sur nous.

Sooh : Et puis, toutes ces personnes du show-biz qui vont voir des marabouts, les féticheurs, pour nous bloquer et qui vont salir notre nom auprès des promoteurs de spectacles, on leur dit qu`on est en ``drap`` de tous leurs manèges. Mais nous, on leur dit que Garba 50 est ``ingbôlôssable`` (Ndlr : incassable), comme les seaux Mipa.

Avez-vous l`identité des personnes qui vous en veulent ?
On n`a pas leur identité. Mais nous savons que ce sont des pratiques qui ont cours dans le show-biz. Et on a fait un morceau qui arrive bientôt et qui s`appelle ``On est en Afrique``. Les gars, quand ils ne peuvent pas faire la compétition avec toi, sur le plan du talent, ils l`envoient sur une autre sphère. Et ils ne se limitent pas qu`à ça. Ils font croire aux gens que nous sommes gonflés et que nous ne venons pas aux spectacles.

A votre avis, pourquoi ils agissent ainsi ?
Sooh : C`est parce qu`on est trop fort. Chez nous, c`est le travail. Il n`y a pas de ``frappeur d`ahoko``, parmi nous (Ndlr : personnes qui se masturbent). Tout ce qu`ils veulent, c`est le copinage. On n`a pas le temps pour ça. On passe notre temps à travailler notre musique et notre stratégie. Si eux, ils prennent leur temps à aller dans les bars, avec les ``Djandjous``, ça ne nous intéresse pas.

Oli : Il ne faut pas qu`ils concluent qu`on est mort, parce qu`ils ne nous voient pas dans les endroits où ils vont se branler.

A quand votre prochain album ?
Après les élections, si la Côte d`Ivoire n`est pas ``décédée``.

Quelle sera sa coloration ?
Nous allons toujours parler de la Côte d`Ivoire. Le titre, c`est ``La Côte d`Ivoire d`aujourd`hui``. Mais en attendant, notre nouveau projet, ``Edition spéciale``, vient de sortir. C`est ce genre de rap là qu`il faut faire.


Réalisée par Mireille Zadi
Coll. : César Gravier

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