vendredi 22 août 2008 par Le Matin d'Abidjan

A la faveur du colloque organisé par le RIAC à Yamoussoukro, le professeur Paul N'da donné un véritable cours sur les avantages de certaines pratiques de la tradition.

C'est avec beaucoup d'enthousiasme que le normalien Paul N'da, professeur titulaire de sociologie à l'ENS Abidjan, a exposé sur les alliances à plaisanterie dans le cadre du colloque régulation, démocratie et bonne gouvernance qui se tient à la Fondation Félix Houphouët Boigny pour la recherche de la paix à Yamoussoukro. Très passionné du sujet, comme il le souligne lui-même, il n'est pas passé par quatre chemins pour montrer que l'Afrique ancienne a mis sur place des mécanismes pour maintenir la cohésion sociale . Ces différents procédés, on les retrouve dans les relations que les particuliers entretiennent mutuellement ; tout comme à un plus haut niveau : celui de la société. Il affirme en ce sens que si un individu venait à être offensé, pour éviter qu'il ne garde rancune et entreprenne des actions de nature à nuire à la cohésion sociale, on demande pardon en le priant de laisser tout tomber ; comme c'est le cas en pays Baoulé. On se joue du conflit pour ne pas ne pas avoir à rentrer en conflit à travers la thérapie des mots , finit-il de convaincre. A une échelle plus grande, ces pratiques sont monnaies courantes de l'Est à l'Ouest et du Sud au Nord du continent africain. Mais ici, on se sert des jeux à plaisanterie à travers des alliances tissées initialement, souvent sur fond de pactes de sang , fait-il remarquer. De façon concrète, les alliés ont tendance à se dire des énormités qui ne sont en fait que de simples injures, banales du reste. Les différents membres des communautés peuvent se dire des choses dont il serait difficile d'accepter s'il ne s'agissait pas de jeu ou de plaisanterie . Au demeurant, dit-il, ce sont des mécanismes qui permettent de garder la cohésion sociale et prémunir les crises Le jeu de la plaisanterie permet de dire ce qu'il n'est pas permis de dire . En Côte d'Ivoire, au Burkina Faso, au Mali au Bénin, au Sénégal ces pratiques ont pignon sur rue. Elles présentent plusieurs visages. Elles se font entre peuples de divers tribus: ce sont les alliances inter ethniques. Ensuite, entre membres de grandes familles. Ainsi, si chez les Mosse du Burkina Faso, on parle de ?'Rakiré'. Au Mali, ce sont les Sonagouya. Des alliances qui existent entre les Diarra et les Traoré. Idem pour les M'Baye et Niagne au pays de la Téranga, explique le conférencier. Ce sont de véritables moteurs de régulation de la société , conclut-il pour s'inscrire dans la droite ligne du colloque. Et les limites ? Comment se fait-il que de telles choses existent, alors que des guerres de conquête impérialiste, (cas de Samory Touré) ont prospéré et continuent de l'être sur le continent ? , interroge un participant. Là-dessus, le professeur a sa petite idée. Imaginez-vous un instant si ces mécanismes n'existaient pas. Que se serait-il passé alors ?, s'est-il exclamé. Dans tous les cas, la situation se présente comme le mariage et du divorce. Le mariage est bien une institution. Pourtant les gens divorcent: Le tonnerre d'applaudissement qui a suivi était le signe fort : le message des alliances interethniques est bien passé au cours de l'intervention du professeur Paul N'da.

Marcel Appena
Envoyé spécial à Yakro

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