vendredi 17 juillet 2009 par Le Repère

La contrefaçon des produits alimentaires est une réalité en Côte d'Ivoire. Pour lutter contre ce fléau, l'Etat ivoirien a créé des structures. A savoir, l'Office ivoirien de la propriété intellectuelle (Oipi) qui a pour mission de protéger tous les titres de propriété intellectuelle tels que définis par l'accord de Bangui et de combattre, en liaison avec les services compétents, toute contrefaçon et fraude dans le domaine. Dans cet entretien, M. Bohoussou Denis, Directeur général de l'Oipi, nous parle de la contrefaçon des produits alimentaires et du forum de lutte contre la contrefaçon organisé récemment à Abidjan.


Qu'est-ce qui favorise la contrefaçon de manière générale sur le marché ?

Une des premières causes de la contrefaçon est l'appât du gain. Tout simplement parce que la contrefaçon rapporte beaucoup, et les produits ne coûtent pas cher. Cela veut dire simplement que les trafiquants de stupéfiants se sont retrouvés dans le domaine de la contrefaçon parce qu'en la pratiquant, les peines d'emprisonnement et les sanctions encourues ne sont pas aussi lourds qu'en matière de stupéfiants. D'un autre côté, la contrefaçon rapporte beaucoup d'argent puisqu'il a atteint un marché plus vaste que le marché des stupéfiants. C'est la principale raison. Une des raisons qui, à notre sens, est une fausse raison est souvent le fait de la pauvreté. Sous prétexte que les produits de contrefaçon seraient moins chers que les produits originaux. Ce qui est faux puisque quand vous achetez un produit original, sa durée de vie est plus longue que celle d'un produit de contrefaçon. En clair, lorsque vous achetez un produit de contrefaçon qui dure un an, le produit original va durer peut-être deux ans. Et donc en fin de compte, sur deux ans, vous allez acheterz deux fois le même produit alors que si vous acheter un produit original, vous le gardez pendant deux ans, donc vous faites des économies sur le long terme.


Récemment, nous avons assisté à un forum de lutte contre la contrefaçon. Quel était l'objectif de ce conclave ?

Il s'agit d'un forum qui s'est tenu à l'occasion de la célébration de la journée mondiale de lutte contre la contrefaçon. L'objectif principal de ce forum était d'attirer l'attention des uns et des autres sur les dangers que représente la contrefaçon. La contrefaçon est un danger d'abord pour les populations elles-mêmes, pour les consommateurs, un danger pour leur santé. Les produits qu'ils consomment peuvent être toxiques. C'est aussi un danger sur leur sécurité. Les produits utilisés ne remplissent pas les conditions de sécurité. Parlant par exemple des pièces détachés. C'est un danger aussi sur leur emploi puisqu'en consommant des produits de contrefaçon, les entreprises qui produisent normalement sont obligées de fermer parce qu'elles n'arrivent plus à vendre. C'est également un danger pour les opérateurs économiques qui font des investissements, qui créent des emplois et qui paient des impôts. Malheureusement, du fait de la contrefaçon, ces entreprises ne peuvent pas écouter leurs produits. Elles sont obligées de fermer ou de réduire leur personnel. L'état perd également de l'argent puisque quand une entreprise ferme, ce sont les impôts en moins. Lorsqu'il y a résistance par rapport à une maladie parce qu'on a pris des médicaments de contrefaçon, ce sont les hôpitaux qui vont se remplir. L'Etat va dépenser plus. Il va y avoir une force de travail en moins parce que les fonctionnaires sont en arrêt maladie. C'était pour attirer l'attention de tout un chacun sur la nécessité d'agir de façon prompte de sorte à faire reculer la contrefaçon.


Au terme de ce forum, quelles sont les résolutions qui ont été prises ?

Ces résolutions sont toujours classiques à savoir qu'il faut une prise de conscience. Cette prise de conscience doit être partagée par les consommateurs et les décideurs. En ce qui concerne les consommateurs, leur attention a été attirée sur le fait qu'ils doivent se détourner des produits de contrefaçon. Concernant les opérateurs économiques, ils ont été invités à accomplir la démarche de protection. Parce que si on ne se protége pas d'un office de la propriété industrielle, on ne peut pas parler de contrefaçon. Et à l'égard des pouvoirs publics, ils ont été invités à prendre les textes légaux, juridiques permettant de lutter efficacement contre la contrefaçon. Et l'ensemble des acteurs, ils ont été invités à mettre à la disposition des structures de lutte contre la contrefaçon des moyens nécessaires.


Qu'est-ce que vous pouvez dire notamment pour la contrefaçon alimentaire ?

La contrefaçon des produits alimentaires est un grave fléau. Puisque cette forme de contrefaçon constitue un danger aussi bien pour la santé que pour la sécurité des populations. Au-delà de la violation des droits de la propriété intellectuelle pour lesquels nous sommes compétents, la contrefaçon alimentaire pose un problème de santé publique et en cela d'autres structures en dehors de l'office sont compétentes pour agir. A savoir les structures chargées du contrôle de la qualité des aliments qui sont mis sur le marché, les structures chargées de la répression des fraudes qui sont interpellées. Il y a également le ministère de la santé qui est interpellé. Mais, il faut dire que, s'agissant des problèmes spécifiques des boissons non alcoolisées et autres, le ministère de l'industrie est très actif sur ce terrain. Puisque le ministère a pris des textes réglementant la commercialisation des eaux conditionnées, par exemple. Mais, s'agissant des questions de droits de propriété intellectuelle, généralement ces aliments qui sont commercialisés sont vendus parfois sous des marques de contrefaçon. On contrefait la marque originale pour faire des faux produits. C'est en cela que les structures chargées de la lutte contre la contrefaçon sont interpellées. Mais, il faut dire que la lutte dans ce domaine est assez difficile tout simplement parce que notre rôle de structure est de vérifier s'il y a un droit de propriété industrielle qui a été violé. Cela veut dire, si le produit n'est pas couvert par une marque, par un dessin modèle, on n'est pas compétent. Or, en la matière, si le propriétaire de ce produit n'a pas déposé une marque, par exemple, en Côte d'Ivoire, nous ne sommes pas compétents pour lutter contre la contrefaçon de son produit. En revanche, par rapport à la qualité du produit, d'autres structures chargées du contrôle de la qualité, de la répression des fraudes ou chargées de la santé publique peuvent agir pour faire retirer ces produits qui ne sont pas conformes aux normes. Dans ce cas, l'office de propriété intellectuelle n'est pas concerné. On n'est concerné que si le produit est protégé par une marque, un dessin, ou un modèle industriel, un brevet etc.


Est-ce à dire qu'un produit contrefait n'est pas de bonne qualité ?

On ne parle de contrefaçon que lorsqu'un droit a été violé. Mais, cela ne veut pas dire que le produit est forcément de mauvaise qualité. Un produit peut être de bonne qualité, mais pour pouvoir mieux vendre, vous devez le vendre sous un signe qui est déjà protégé. On prend un exemple, vous pouvez coudre de très beaux vêtements, mais puisque vous n'êtes pas connus, vous ne pouvez pas vendre à un certain prix. Et donc vous êtes tenté de prendre la griffe de quelqu'un qui est plus connu. Et donc vos produits peuvent être de qualité, mais commercialisés sous un nom qui ne vous appartient pas. C'est pour cela qu'on parle de contrefaçon. Mais, dans la majorité des cas, lorsque des personnes s'adonnent à la contrefaçon, ce n'est pas pour faire des produits de qualité. C'est pour faire des économies de chaîne donc généralement les produits de contrefaçon sont de mauvaise qualité. Mais ce n'est pas absolu.

Entretien réalisé par Morgan Ekra

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