vendredi 4 décembre 2009 par Le Repère

Disparu de la scène musicale depuis plus d'une décennie, le groupe zouglou "Les salopards" annonce son grand retour. Bloco ou Charles Marc Kradjé, à l'état civil, le porte-parole, s'est confié à nous. Le copain de Soum Bill et De Bengue parle

Après avoir fait les beaux jours de la musique zouglou et acquis à votre cause de milliers de fans, le groupe s'est disloqué. Aujourd'hui, c'est la réunification des "Salopards", 10 ans après. Par qui est venu cette idée de réunification ?
C'est venu de nous-mêmes. Cela s'est fait naturellement. Personne ne nous a demandé de nous réconcilier. On s'est appelé et puis c'est parti. C'est quelque chose qu'on était en train de préparer. Cette initiative date de cinq ans maintenant. Alors, un matin, on s'est appelé, on s'est retrouvé sur paris et c'est parti.

Même si c'est ensemble que vous avez nourri l'idée de la réunification, dites-nous ce qui a favorisé la reconstitution du groupe ?
Je crois que c'est l'amitié. C'est cette amitié qu'on a préservée qui a permis notre réunification. C'est vrai qu'on était dispersé, mais quand on se voit, on se remémore les choses qu'on a faites par le passé. Et donc, je peux dire que c'est grâce à notre amitié.

Chacun allant de son côté s'est fait un nouveau style (pour une carrière solo), un nouveau registre. Voilà que sonne l'heure de la réunification. Serait-il possible aujourd'hui d'avoir à nouveau un groupe qu'on a connu choc en son temps ?
Avant de parler des Salopards, on avait de chaque côté fait des années dans l'ombre et cela ne nous avait pas empêché de faire des albums qui ont plu aux ivoiriens. Dix ans d'absence, je crois que c'est une bonne expérience pour tout un chacun. On a acquis beaucoup de choses, une ouverture d'esprit et sachez que ce ne sont pas dix ans de perdu. Certes c'est trop, mais cela nous a fortement enrichis.

La réunification acquise, dis-nous qui sera le leader des nouveaux salopards ?
Il n'y a pas de leader. Parce que le nouveau salopards, c'est tout le monde.

Même s'il n'y a pas de leader, il y a quand même un chef de groupe et ce sera qui ?
Le chef du groupe, c'est moi.

Pendant le temps de votre séparation, Soum Bill est resté dans le registre zouglou, Bloco a donné dans le coupé-décalé. Comment peut-on concilier ces deux rythmes ?
Je pense que le zouglou, c'est la base de tous les autres rythmes. Tous les autres rythmes qui sont sortis après sont des dérivés du zouglou. La base reste le zouglou, ce sont les pas de danse qui changent, c'est tout. Quand on écoute tout ce que font les Dj, la sonorité est congolaise, mais la rythmique est purement zouglou. Donc, il n'y a pas de problème à ce niveau. On aura a panaché notre musique, beaucoup de zouglou certes mais avec un clin d'?il sur les autres sonorités pour nous permettre de conquérir le marché international.

D'aucuns pensaient que la dislocation du groupe était une conséquence de l'évolution politique après le coup d'Etat de 1999 (Fesci, front républicain) qu'en penses-tu?
Ce sont des choses qui arrivent. La séparation arrive à beaucoup de groupes. C'est vrai que les salopards étaient arrivés à un niveau où ils étaient convoités par tous. Mais, je pense que par le passé on était un peu jeunes, donc on a péché un peu. Mais, il y avait aussi que nous avons été manipulés. Mais cela n'a rien à voir avec la politique. Notre entourage y est pour beaucoup de choses à vrai dire. Mais sachez que cela arrive à tous les grands groupes qui ont du succès et voilà

Explique-nous un peu la manipulation dont vous avez été l'objet en son temps !
Quand tu es jeune, que tu as du succès, si tu n'as pas les pieds sur terre, il y a beaucoup de choses qui peuvent t'arriver.

Toujours sur le chemin de la réunification, l'histoire nous rappelle l'expérience de certains groupe dont la réunification n'a pas été effective. Bloco peut nous donner la certitude de ce que les salopards ne connaîtront pas le même sort ?
Il faut que les ivoiriens sachent qu'après tout ce temps, il y a du boulot qui a été fait par chaque membre du groupe. Ce n'est pas parce que Les Salopards réunifiés feront ensemble des concerts que chacun laissera ses projets dans le tiroir. Ce sera ainsi jusqu'à ce que les activités du groupe prennent le dessus et qu'on en arrive à stopper nos projets personnels. On fera nos projets de groupe parallèlement à notre carrière solo que chacun a entamée depuis longtemps.

Quel est le nouveau visage des salopards.
Nous dénonceront toujours ce qui se passe dont les journalistes ne font pas cas. C'est de cela que parlerons Les salopards. Vous savez mieux que moi ce que vit la population ivoirienne. Nous avons fait un peu le tour pour voir comment vivent les étudiants dans les cités. On a chanté leurs conditions de vie difficiles, dix ans après, les choses s'empirent. Alors voilà le constat est là, rien n'a changé. Des cités ont pris feu et jusque là ce sont toujours des promesses et il n'y a pas que cela. Quand on regarde aujourd'hui les choses dont on a parlé; l'insalubrité, aujourd'hui, c'est pire. Je me souviens qu'en 1996, il y a eu l'opération ville propre au cours de laquelle ils ont décerné des salaires d'or aux maires qui avaient les communes les plus propres. Quand on regarde aujourd'hui les routes, on dira qu'on est dans une période de guerre, certes mais on voit en même temps comment les choses fonctionnent. C'est pourquoi, je dis que vous le savez, vous les journalistes.

A quand l'entrée dans le bois sacré pour le prochain album ?
On le prépare, il n'y a pas un jour fixe. Dès qu'on est prêt, on rentre dans le bois sacré.

Nous sommes pressés de consommer à nouveau "Les salopards".
Oui, vous allez le consommer et sachez cette fois-ci, ce sera plus fort. On ne va pas dévoiler toute notre batterie. Mais sachez que cette fois-ci, nous allons mettre le doigt sur certaines choses qui sont vraiment défaillantes. Abidjan, on a au moins 200 barrages, on ne sait pas trop pourquoi.

Ce sera donc sans pitié pour le pouvoir en place ?
On n'en veut à personne. C'est ce qu'on voit qu'on dira. Ce n'est pas forcément parce que c'est eux. Ceux qui étaient là avant ,eux, ont eu droit à nos critiques. Alors, on va continuer à le faire.

Comment a été votre récente communion avec vos fans après ce long silence ?
On n'était vraiment très content. On a senti qu'on manquait vraiment aux Ivoiriens parce que 10 ans après, ce n'est pas facile de trouver un public chaleureux. On a fait deux concerts où le public est venu spontanément. Cela nous a fait chaud au c?ur. Qu'il sache que nous sommes avec lui, qu'il continue de nous soutenir, et qu'il sache que nous lui rendrons ce qu'il nous demande.

Maintenant que vous êtes venus occuper la place qui est la vôtre, dites-nous où sera basé le groupe ?
Nous sommes tous basés en France. Cela fait deux ans maintenant que Soum nous a rejoints là-bas et les choses sont plus aisées pour nous. Nous pouvons facilement nous retrouver et travailler. Tout le monde est basé là-bas et c'est bien pour la suite.

Pour vos fans qui sont friands d'informations confidentielles, quelle est la situation matrimoniale de Bloco?
Je ne suis pas mariée, mais je vis avec quelqu'un. J'ai trois enfants et sincèrement je n'aime pas trop parler de ma vie privée.

Bloco pense-t-il au mariage civil ?
Pour bientôt.

Comment Bloco a-t-il réussi sa reconversion au coupé-décalé ?
C'est Dieu qui a permis cela. Quand je suis arrivé en France, je jouais dans un café tous les jeudis et après, comme cela plaisait bien, j'ai commencé à jouer dans un autre café à côté. Après, j'ai fait la connaissance de l'arrangeur par le biais de Son Adam's et entre temps, on n'était en train de préparer une compilation avec Bilé Didier, Charly Yuka, Digbeu dufar et moi. Et puis, on a fait la connaissance de ce dernier qui avait son studio au sous-sol. Il m'a fait écouter un titre et quelque temps après, il m'a fait appel, on a bossé sur le titre. Les choses sont allées très vite après. Quand les gens nous on appelés pour tourner le clip, on n'en revenait pas. Je me demandais si c'était vrai ou pas. On a tout mis dans la main de Dieu et voilà le single est sorti. On a effectué des tournées et en même temps on n'était pas les auteurs compositeurs du titre. On était des interprètes, donc on avait deux singles et un album. Et le producteur s'est pris la tête avec le patron de Sony music. Vous savez, en France, tout le monde mange ensemble. Les propriétaires de grosses boîtes, tous les midis déjeunent ensemble. Donc, cela a créé beaucoup de problèmes et les choses n'ont pas continué.
Si je veux faire de petites choses comme passer sur Trace TV s'est vite fait, mais ce n'est pas cela mon objectif. Moi, je vise la grosse télé M6 sur TF1. Cela mettra le temps que ça voudra, mais j'ai foi que cela portera ses fruits.

Le retour des Salopards coïncide avec une période très tumultueuse politiquement parlant. Aujourd'hui, quel commentaire fais-tu sur l'actualité politique en Côte d'Ivoire ?
Franchement, je n'ai vraiment pas de commentaire à faire à ce sujet. Mon souhait, c'est qu'il y ait la paix. Que pour cette paix, on aille aux élections. Quand tu arrives au pays et qu'on te dit qu'il y a encore un tel groupe à Bouaké, un tel camp, tu te demandes s'il y a réellement la paix. C'est cela le vrai problème. C'est vrai que les gens font des efforts pour réunifier le pays, mais il faut aussi que de l'autre côté, ils comprennent que ce n'est pas la solution.

Comment as-tu vécu ces événements en étant hors de nos frontières ?
Je l'ai d'abord vécu, ici. Quand il avait le couvre-feu à 18h, j'étais là. Où les discothèques s'ouvraient à 10h pour fermer à 16h, j'étais au pays. On dit merci à Dieu que les choses évoluent petit à petit. Mais, il faut que les gens pensent à la population, car elle a faim. C'est important.

Un message particulier à adresser à vos fans.
Je leur donne l'assurance que le groupe est réellement revenu, qu'ils ne se disent pas que c'est juste le temps d'un concert. Franchement, nous donnerons le meilleur de nous-mêmes pour leur faire plaisir parce que nous savons qu'ils attendent beaucoup de nous. Et qu'ils sachent que nous ne les décevrons pas.

Où sont Soum Bill et De Bengue, qui sont absents à cette rencontre ?
Soum va bien, il est présentement aux Usa. Il avait une tournée qu'il préparait depuis longtemps, c'est pour cela qu'il est vite rentré.
De Bengue, vous savez, est en France. Quand le 10 ou le 15 du mois arrivent, il faut payer ses salariés. Donc, il est rentré pour payer ses salariés. En tant que chef d'entreprise et donc voilà.
Interview réalisée par
Dieusmonde Tadé
Coll : Mahi Mikeumeuné

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