lundi 19 juillet 2010 par Demain

Elle cache une autre qui nous semble essentielle: la bataille (normale et classique) de succession dans une organisation de masse. Retour sur ces événements du 14 juillet dernier.
D'abord, ramener les choses à leur juste proportion en ne nous en tenant qu'aux faits ; les appréciations et commentaires ensuite.
C'est un Bureau politique qui se tient sur fond de crise larvée: de nombreux militants de ce parti demandent la tenue d'un congrès, conformément aux textes qui régissent cette organisation. Cette exigence est comprise par les alliés du président Henri Konan Bédié (ainsi que par le concerné lui-même) comme un complot visant à destituer ce dernier. Et comme il ne peut y avoir de complot sans comploteur, le coupable trouvé est désigné par la presse de M. Henri Konan Bédié: c'est Charles Konan Banny. Comment amener ce dernier à dévoiler sa scélératesse ? car ici, dans ce Pdci de l'ère bédié, toute expression de pensée non orthodoxe est prise dans le sens d'une offense au chef incontesté et incontestable.
La machine répressive se met alors en marche: interpellation de militants anonymes, mais qualifiés de trop bruyants ? le cas du jeune Bamba Souleymane récemment ??cuisiné'' par M. Henri Konan Bédié en personne et par sa presse
La récente rencontre, à Yamoussoukro, des ??Elus et Cadres du Centre'', une structure dont le parrain se nomme Charles Konan Bédié, se donne pour thème: ?? le soutien à Henri Konan pour sa victoire à l'élection présidentielle''. L'homme s'y rend, ouvre solennellement cette rencontre dans un discours (oral) très habile où il évite astucieusement de se lancer dans les éloges à M. Henri Konan Bédié. En lieu et place de la ??victoire d'Henri Konan Bédié'', Banny parle de la ??victoire du Pdci'' et des conditions à satisfaire pour remporter cette victoire.
Trois thèmes majeurs ressortent de ce discours: le danger de l'exclusion (une pratique qui semble caractériser le Pdci de l'ère bédié; la nécessité de l'ouverture à l'expression plurielle (donc le refus de l'unanimisme) comme moyen de régénérescence et de dynamisation de l'organisation; enfin (et ce fut un point important), le parrain (qu'il était) de cette cérémonie, a tenu à souligner sa légitimité au sein de l'appareil. Il ressortait en effet et clairement, de ce discours, qu'il n'était pas étranger à la ??maison''; mieux: qu'il la connaissait sans doute plus que bon nombre de caciques de ce Pdci, qui se prévalent d'une antériorité (pas toujours évidente) sur d'autres personnalités de ce parti. Bref, ce fut un discours à la fois d'affirmation, de légitimation et de positionnement
On comprend donc le but réel de la récente réunion du Bureau politique: amener Charles Konan Banny à décliner ces ambitions. ??Banny, un rebelle infiltré au sein du Pdci ?'' titre ainsi la presse de M. Bédié.

Climat d'hostilités, pièges et astuces autour du bureau politique

crise au pdci/Autour du bureau politique
Des partisans de M. Bédié chauffés à blanc contre l'ex-Premier ministre; une campagne de dénigrement ouvertement mise en place; des secrétaires de section préparés à dire des louanges à Charles Konan Banny, un silence bruyant
L'événement politique de la semaine qui vient de s'écouler aura été, à coup sûr, la réunion du Bureau politique du Pdci-rda, mercredi dernier, à la Maison du Parti de Cocody. Toute la presse nationale a en fait son sujet ; les titres des journaux, contradictoires à souhait (Bédié hué, Banny ovationné ; Banny Hué, Bédié ovationné) n'ont pas fait que souligner la diversité d'opinion qui fait à la fois le malheur et le charme de notre presse
M. Bédié et à débiter des motions de soutien; une jeunesse ??bédiéenne'' psychologiquement armée pour huer Charles Konan Banny (dont on entendait qu'il prenne la parole lors de ce Bureau politique); des jeunes gens excités et prêts à l'agresser physiquement: ??Je vais déchirer Banny'', hurla ainsi, plein d'insolence et d'égarement de gamin mal formé, un certain Jean-Claude Atsé. Charles Konan Banny est donc sorti d'une salle hostile, comme le bon sens recommande qu'un homme normal le fasse. On s'énerve qu'il n'ait pas pris la parole. Son silence gène.
Tout analyste avisé sait qu'en politique, il est des silences plus bruyants que la parole des plus grands bavards. Charles Konan Banny n'a pas parlé; et son silence est pesant, chargé d'interprétations diverses
Cela fait plus de cinq ans que j'examine l'agir et le discours politiques de cet homme: conférence de presse, interview, discours de circonstance, réflexions sur des divers sujets d'intérêt social. On a souvent dit de lui qu'il est plus technocrate que politicien. Il ne refuse pas cette réflexion; il dit plutôt de lui-même qu'il n'est pas un politicien, mais un politique. La différence ne relève pas d'une simple fantaisie lexicale. A mon avis, s'il y a bien, depuis sa primature, un acte politique majeur qu'il a su poser avec éclat et tact c'est l'attitude qu'il adopte actuellement: la culture du silence. Le silence au milieu des coassements et du tintamarre des vantards; le silence qui dérange; le silence qui interpelle; le silence de la méditation, le silence du sage; le silence qui trouble l'adversaire.
C'est (encore une fois) le Maître Zadi qui a raison: ??La politique se joue sur le mode que la musique ; il faut savoir observer les silences, les pauses; savoir jouer la note au moment où il faut et à la place qu'il faut, dans la mesure, et non en deçà''.
Comme un (bon) musicien, Charles Konan Banny attend le moment qu'il faut pour jouer la note qu'il faut. Il garde ainsi l'initiative, toute l'initiative de l'offensive comme de la contre offensive. Et il a raison: il n'appartient pas aux autres de décider quand, où et comment il doit parler ; c'est à lui, et lui seul qu'il revient de décider du temps de parole. C'est là, une qualité d'homme politique.

tiburce_koffi@yahoo.fr

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