vendredi 13 mars 2015 par Lepoint.fr

Le berceau du Crédit suisse est en Suisse alémanique. Les habitants y parlent un dialecte particulier que même les Allemands ne comprennent pas, alors...
Si la gestion de fortune est une spécialité des Suisses francophones, en revanche, les deux grandes banques, UBS et Crédit suisse, installées à Zurich sont dominées par les Suisses alémaniques. Entre eux, ils parlent le schwyzerdütsch. Jusqu'à présent, très peu de francophones ont réussi à accéder à des postes de direction dans ces institutions.

Une nomination qui bouscule bien des murs...
Cela tient à la langue, mais aussi au peu de considération que les Alémaniques accordent habituellement aux Latins. Pour un Zurichois, un Français, un Italien ou un Espagnol peut être amusant ou sympathique, mais forcément pas très sérieux. La nomination de Tidjane Thiam à la tête du Crédit suisse, la deuxième banque de la Confédération, apparaît bien comme un symbole particulièrement fort.



Sous le titre "Tidjane Thiam : nouvelle fierté nationale", L'Agefi, le quotidien suisse de la finance, y voit "un signe particulier d'ouverture", soulignant qu'"il y a certainement moins d'Africains que de femmes ou d'homosexuels dans ce genre de fonction". C'est aussi la preuve que les dirigeants suisses des grandes entreprises peuvent se montrer plus ouverts que le reste de la population. En effet, la vie politique helvétique est dominée par une formation d'extrême droite, l'Union démocratique du centre (UDC), qui flirte avec les 30 % de voix.

... dans un pays où l'extrême droite est puissante
Ces dernières années, l'Union démocratique du centre (UDC), parti extrême malgré son nom, a imposé l'interdiction des minarets, l'expulsion des délinquants étrangers - même ceux qui sont nés dans le pays - et plus récemment le contingentement des travailleurs étrangers. Le fief de l'UDC est justement le canton de Zurich, avec son million d'habitants, ce qui en fait le canton le plus peuplé de la Confédération. À la différence de son prédécesseur au poste de directeur général, l'Américain Brady Dougan, le patron du Crédit suisse depuis 2007, qui ne parle que l'anglais, Tidjane Thiam maîtrise bien évidemment le français, mais aussi l'allemand, croit savoir La Tribune de Genève. Alors, question : se mettra-t-il au schwyzerdütsch, un dialecte de plus en plus pratiqué ? Il faut dire que l'environnement médiatique est en train de changer. Pour ne pas être écrasées par les médias allemands, les radios et les télévisions de Suisse alémanique multiplient les émissions dans cette langue si particulière qui ne s'apprend pas à l'école.

La couleur de peau de Tidjane Thiam évoquée dans la presse
Dans son édition du jeudi 12 mars, le quotidien de Genève Le Temps a consacré un article à la couleur de peau du nouveau patron du Crédit suisse. Était-il judicieux de l'évoquer dans un titre ("Un Noir à la Paradeplatz", le siège du Credit suisse) ? En tout cas, "la mise en exergue de la couleur de la peau, sans indication aucune des compétences, peut poser problème", a souligné un journaliste. En effet, il peut être nettement plus instructif de révéler que Tidjane Thiam passe pour un proche de Barack Obama, ce qui permettra peut-être d'améliorer les relations du Crédit suisse avec les États-Unis, l'établissement suisse ayant été lourdement condamné pour avoir aidé de riches Américains à frauder le fisc de leur pays. Pas de doute, la venue de Tidjane Thiam à Zurich ne manquera d'en secouer plus d'un dans un sens ou dans un autre.

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