mardi 10 novembre 2015 par Rue 89

Pour le New Inquiry, le sociologue Nathan Jurgenson, prolongeant sa critique du fétichisme IRL ( in real life , dans la vie réelle), explique que le mouvement déconnexionniste ne vise pas tant à se retrouver soi-même qu'à étouffer le désir d'autonomie que la technologie peut inspirer.

Jurgenson passe en revue les innombrables discours sur la panique provoquée par l'addiction aux technologies. D'où viennent ces juges autoproclamés qui viennent faire la morale à notre connexion immodérée ?

Plaisir malsain

Chez eux, la connexion est décrite comme quelque chose visant à nous avilir, quelque chose de contre-nature. Elle est dépeinte comme un désir dangereux, un plaisir malsain, une toxine addictive qui met en danger notre intégrité humaine elle-même.

Elle décrit une tension entre le soi comme produit d'une construction individuelle et le soi comme produit d'une construction sociale. Or, nous avons du mal à admettre que nous sommes le résultat d'interactions sociales.

Le discours de la déconnexion, pourtant, propose surtout de revenir à des interactions sociales réelles (IRL), plus que de s'en défaire.

Solutionnisme

L'inauthenticité semble le nouveau problème technologique que la déconnexion propose de résoudre, réduisant par là même la complexité de l'authenticité à son degré de connexion numérique.

Mais ne sommes-nous pas là face à un réductionnisme, à un solutionnisme un peu facile qui rappelle la responsabilisation néolibérale décrite par la chercheuse Laura Portwood-Stacer visant à transformer les problèmes sociaux en problèmes personnels auxquels le marché saura toujours apporter des solutions ?

Certes, les médias sociaux changent les performances identitaires , rendant les processus plus explicites :

nous sommes désormais conscients d'être un objet aux yeux des autres ;
mais cela ne devrait pas pour autant nous aveugler sur le fait que le théâtre identitaire ne date pas de Facebook et ne se termine pas quand on éteint son téléphone
Obsédés par l'authenticité

Le journaliste Paul Miller qui avait fait l'expérience d'une déconnexion durant un an avait d'ailleurs reconnu que l'abstinence numérique ne rendait pas plus réel. Reste que plus nous soutenons que la connexion numérique menace le soi, plus le concept de soi s'impose .

Mais d'où vient et que veut dire cette obsession de l'authenticité ? D'où vient ce désir de délimiter le normal , le sain ?

Les propos prônant l'austérité numérique passent par la pathologisation des comportements. La connexion est en passe de devenir une maladie, un problème de santé. Ostracisée comme l'a été la folie, la délinquance ou la sexualité ? comme l'a montré Foucault ?, la connexion et son remède, la déconnexion, sont en train de devenir le nouveau concept pour organiser le contrôle et la régulation des nouveaux désirs et plaisirs sociaux. ... suite de l'article sur Autre presse

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