par Soir Info
Le jeudi 29 janvier 2015, la commune de Yopougon, au nord d'Abidjan, a été secouée par des heurts, à la suite du phénomène de ravisseurs d'enfants. Est-il avéré que Traoré Abou, le motocycliste voulait enlever les deux adolescents qu'ils avaient embarqués sur sa moto ? B. S., élève âgé de 14 ans en classe de 6ème , au groupe scolaire Fatima 2, l'une des victimes, a décidé de nous parler de ce jeudi noir , dans cette interview exclusive.
B. S. : Nous étions au cours lorsque notre éducatrice nous a demandé de partir à la maison parce que de folles rumeurs d'enlèvement d'enfants avaient envahi la commune de Yopougon. Nous étions en train de marcher à trois car la consigne laissée par l'école est d'être en groupe, lorsque l'un d'entre nous qui avait sa maison proche d'un hôtel n'a plus voulu continuer. Mais nous avons remarqué qu'une femme était en pleine discussion avec un homme. Dès qu'elle nous a vus, aussitôt, elle s'est empressée de venir vers nous. Sans même chercher à nous entendre, elle a commencé à s'agiter et même à nous dire de ne pas rester là car des ravisseurs sévissent. Nous ayant paniqués un peu plus, elle a décidé que nous attendions un taxi pour plus de sécurité. Aussitôt, un homme à moto s'est présenté pour proposer ses services alors que nous venions d'arrêter un taxi communal.
Pourquoi avoir choisi de monter à moto ?
La dame nous pressait. Mieux, elle nous a même interdit de monter dans le taxi parce que selon elle, il y a des chauffeurs braqueurs. Alors que le taxi que nous avons arrêté est non seulement un taxi communal, mais il y avait déjà une femme et son enfant à bord. Je pense que ces passagers ne constituaient pas de danger pour nous.
Pourquoi alors avoir accepté la moto ?
Nous n'avions pas trouvé d'inconvénient puisque nous étions deux.
Donc ce n'est pas pour traverser la rue qu'il vous a embarqués sur sa moto ?
Non ! Entre l'hôtel Kimi où nous étions et le carrefour Amondji, il y a environ un kilomètre et demi.
Mais connaissait-il votre domicile ou c'est vous qui le guidiez ?
Lorsque nous avons démarré, après une centaine de mètres, il a voulu emprunter une voie détournée. Mais nous lui avons indiqué le chemin que nous empruntons tous les jours. Mais à deux reprises, il a changé de chemin. Lorsqu'il a senti que nous étions très agités et apeurés, il a repris le chemin indiqué qui conduisait tout droit sur le carrefour Amondji. Là, il y a des jeunes syndicalistes qui régulent la circulation et un barrage de la Police juste à dix mètres. C'est ainsi que les éléments de la Police nous ont arrêtés. Ils lui ont demandé ce que nous faisions derrière lui et s'il nous connaissait. Il a répondu que nous étions ses enfants.
Qu'avez-vous dit ?
Nous avons alors dit non et nous leur avons expliqué que c'est une femme qui lui a demandé de nous accompagner. Aussitôt, des riverains ont commencé à s'attrouper. Les riverains et les policiers ont dit qu'ils partaient nous tuer. Nous avons commencé à pleurer. Nous avons commencé à demander à voir nos parents. Un autre monsieur est arrivé en voiture et nous a demandé de monter pour aller au 16è (commissariat de Police, ndlr). La foule qui a commencé à grossir lui a barré la route. Très en colère certains ont commencé à casser sa voiture avec des cailloux et morceaux de briques. Les vitres de son véhicule ont volé en éclats. Alors nous sommes sortis précipitamment pour nous refugier dans une mosquée.
Ce n'est pas pour traverser la rue qu'il vous a embarqués sur sa moto
Non ! C'est à la télévision et dans un communiqué dans les journaux que nous avons su que le monsieur voulait nous aider à traverser la rue à moto. Nous ne sommes pas des enfants pour qu'on nous aide à traverser la route. Et puis comment peut-on aider quelqu'un à traverser la route à moto alors qu'on peut le faire simplement en tenant les bras.
Qu'est-ce que vous avez dit aux policiers au commissariat de Police du 16ème arrondissement ?
Nous avons raconté exactement ce qui s'est passé.
Et la femme qui vous a confié au motocycliste ?
Elle a dit qu'elle a fait cela juste pour nous aider.
Tes amis sont venus te chercher ce matin (lundi 8 février, ndlr) pour aller à l'école. Pourquoi as-tu refusé d'y aller ?
(Un moment de silence.) Monsieur, j'ai peur qu'ils disent que c'est à cause de moi qu'ils ont frappé le motocycliste.
Tu as peur de qui ?
J'ai peur du monsieur et de la dame.
Pourquoi ?
Parce qu'ils sont où je passe pour aller à l'école. C'est là-bas qu'ils s'asseyent.
As-tu dit cela à la Police lorsqu'on t'a interrogé ?
Non.
Qu'est-ce qu'il faut pour que tu puisses retourner à l'école ?
Je veux que les parents paient le car de transport de notre établissement qui me dépose directement dans la cour de l'école et me reprendre après les cours pour me laisser devant ma maison.
Face à ce phénomène, qu'as-tu à dire aux enfants de votre âge ou même aux plus petits ?
Je voudrais demander aux enfants d'être prudents. Si un homme qu'ils ne connaissent pas les appelle, qu'ils n'aillent pas. Ils sont en danger actuellement pour ne pas dire nous sommes tous en danger. Nous étions à un doigt d'être enlevés.
Aux autorités et parents, qu'est-ce que tu peux dire ?
Je demande aux parents de veiller à la sécurité de leurs enfants. Aux autorités, je demande de sécuriser les écoles et les quartiers.
Tu es en classe de sixième. Cela fait plusieurs jours que tu ne vas pas à l'école, n'as-tu pas peur de perdre ton année ?
Effectivement, j'ai peur de perdre mon année. Mais, les gens me font peur, surtout le monsieur. Il me fait peur parce qu'au moment où nous embarquions sur la moto, il y avait trois ou quatre personnes qui semblaient faire de grands signes au monsieur. Donc vous voyez qu'il semble ne pas être seul. Donc, je me dis qu'à tout moment, ils peuvent me reprendre encore.
... suite de l'article sur Soir Info