Abidjan - "Pression du politique", "absence criante de preuves" : la défense a fait feu de tout bois mercredi au premier jour de plaidoiries dans le procès de l'ancienne Première dame ivoirienne Simone Gbagbo, jugée avec 82 co-accusés pour leur rôle dans la crise postélectorale
de 2010-2011.
Mardi, le parquet avait requis une peine de dix ans de prison contre Mme Gbagbo, 65 ans, pour "troubles à l'ordre public" et "constitution de bandes armées", une peine relativement mesurée pour celle qui est présentée comme une
protagoniste majeure de violences ayant fait plus de 3.000 morts.
"J'ai mal pour la Côte d'Ivoire et la justice de mon pays", a fulminé Rodrigue Djadjé, qui défend Simone Gbagbo et 7 de ses co-acusés devant le tribunal d'Abidjan : "nous avons des magistrats de qualité qui sous la pression du politique ne peuvent pas rendre le droit".
"Si l'instruction était bien faite, vous n'auriez pas la moitié des personnes ici à votre barre avec des infractions fantaisistes", a-t-il accusé
au lendemain du réquisitoire, lors duquel des peines allant de quelques mois à vingt ans de prison ont été requises contre les co-accusés de Mme Gbagbo.
Le chef d'accusation "d'atteinte à la sureté de l'Etat" a été retenu pour une dizaine d'accusés, dont le général Dogbo Blé, ancien chef de la garde républicaine, contre lesquels les peines les plus lourdes ont été retenues.
82 personnes, presque toutes des soutiens de l'ex-président Laurent Gbagbo, sont jugées aux côtés de Simone Gbagbo depuis fin décembre afin de déterminer
leur rôle dans la crise née du refus du président sortant Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara à la présidentielle de décembre
2010.
La commission organisatrice du scrutin a reconnu M. Ouattara vainqueur, verdict validé par la communauté internationale.
- Crimes contre l'humanité -
"Nous attendons encore les preuves de l'accusation après deux mois d'instruction", a ironisé Me Toussaint Dako, un avocat de la défense, alors que son collègue Me Guillaume Zepe a fustigé "une absence criante de preuves". Les plaidoiries se poursuivront jeudi.
Le procès est entaché de nombreux manquements, aucune preuve matérielle n'ayant été fournie pour confondre les accusés, dénoncent des organisations de la société civile et des sympathisants pro-Gbagbo, alors qu'aucun responsable
pro-Ouattara n'est inquiété.
Laurent Gbagbo est actuellement écroué à la Cour pénale internationale, à La Haye, où son procès pour "crimes contre l'humanité" doit débuter en juillet. La CPI réclame également Simone Gbagbo pour "crimes contre l'humanité", mais la Côte d'Ivoire refuse de la lui livrer, arguant être en mesure de lui fournir un procès équitable.
- Election présidentielle en octobre -
"Vous jugez ici la légitimité des actes accomplis par M. Gbagbo, qui incarnait le pouvoir jusqu'à sa chute le 11 avril 2011", a pour sa part estimé Me André Blédé Dohora, faisant écho aux pro-Gbagbo, qui soutiennent que leur
favori est le vainqueur légitime de l'élection présidentielle de 2010.
Mardi, deux ans de prison avaient par ailleurs été requis contre Pascal Affi N'Guessan, le patron du Front populaire ivoirien (FPI), créé par Simone et Laurent Gbagbo.
Seules les charges de "troubles à l'ordre public" ont été retenues contre M. N'Guessan, qui comparait libre et souhaite représenter le FPI à la présidentielle d'octobre. Si les réquisitions devaient être suivies, la peine
de M. N'Guessan serait couverte par sa détention provisoire.