samedi 12 mai 2007 par Fraternité Matin

Le président du Conseil général parle de son département : le plan de développement, les réalisations déjà faites, celles en cours ou en vue. Il n'oublie pas les récentes manifestations pro-Banny qui ont secoué sa localité. M. le président, la position de votre département en zone gouvernementale devait vous permettre d'appliquer beaucoup plus aisément votre programme de développement. Est-ce le cas aujourd'hui ?
Je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue à Toumodi et vous remercier de cette rencontre qui devrait nous permettre de vous faire le point de nos activités. Comme vous le dites, notre département se trouve effectivement dans la zone gouvernementale. Cela devrait nous permettre de mener des actions. Cependant la crise a eu des conséquences sur notre département dans la mesure où les ressources que l'Etat devait allouer aux collectivités n'ont pas suivi. Ainsi, pour le premier budget 2003, nous avons eu un peu plus de 500 millions de subvention pour l'investissement. D'année en année, cette subvention a baissé au point où nous nous trouvons aujourd'hui à 290 millions de francs pour l'investissement, ce qui représente pratiquement la moitié de ce que nous avons reçu en 2003. C'est dire que la guerre a eu aussi des conséquences sur les départements qui sont dans la zone gouvernementale. Dans vos projections, vous avez parlé de 23 milliards de francs pour couvrir les besoins du département. Sur ce montant, combien avez-vous pu déjà avoir ?
Nous avons élaboré un plan de développement avec des objectifs sur une décennie. Nous nous sommes donc dit que sur cette période de dix ans, si nous arrivions à appliquer correctement ce plan de développement, nous devrions pouvoir sortir le département de la pauvreté et du sous-développement.
Les 23 milliards consignés dans nos documents concernent les besoins immédiats de notre département en matière d'amélioration des infrastructures routières, de centres de santé, d'écoles, d'électrification, de logements de maîtres, etc. De façon concrète, pour éviter l'injustice et l'arbitraire, quels sont les critères de sélection des villages dans lesquels vous faites les réalisations ?
Dès le début, nous avons demandé à chaque localité de nous exprimer ses besoins par priorité. C'est sur cette base que nous avons conçu des programmes triennaux. Toutefois, dans les budgets annuels, on ne peut prendre en compte que les besoins pour lesquels nous avons le financement étant donné que les subventions, comme je vous le disais, ont baissé d'année en année compte tenu de la crise que nous connaissons. Si bien qu'il est impossible de budgétiser la réalisation de tout ce que nous avons prévu au programme triennal. Cela a fait que quelques localités n'avaient pas encore eu satisfaction. Ces localités ont été programmées pour la période 2006-2007. Cela dit, il y a des localités où il n'y a pratiquement rien à faire parce qu'elles ont déjà les équipements de base. Nous nous sommes dit que même dans ces localités, il faut prévoir quelque chose pour éviter, justement, de se faire accuser d'injustice. Généralement, nous prévoyons dans ces localités des foyers polyvalents qui apportent un petit plus à la modernisation du cadre de vie de nos parents et surtout des jeunes.Vu la grande pauvreté des populations, surtout rurales, pensez-vous pouvoir venir à bout des besoins exprimés ici et là ?
Ecoutez, la pauvreté n'est pas une fatalité. On a vu, dans les années 50-60, des pays comme la Corée du Sud, Taïwan, etc., qui étaient des pays effectivement pauvres, sous-développés avec un revenu par habitant d'environ 100 dollars. Mais aujourd'hui, Taïwan est à 13.000 dollars de revenu par habitant. Nous voyons aussi la Chine qui est en train d'opérer une percée extraordinaire dans le domaine du développement. C'est dire que le sous-développement n'est pas une fatalité. En réalité, il faut deux choses essentielles pour amorcer le développement : réaliser des infrastructures de base c'est-à-dire les écoles, les centres de santé, les routes, l'électrification, etc. Ce sont là les biens publics ou biens collectifs. Quand nous avons fait le point de ces biens collectifs, il nous reste à réaliser dans le département 13 centres de santé pour qu'au plan sanitaire, nous ayons une couverture à 100%. Ce n'est pas extraordinaire quand nous savons qu'un centre de santé fait à peu près 24 millions de francs. Dans le domaine de l'école, nous savons qu'il nous faut 150 logements de maîtres dans l'immédiat. Ça c'est du point de vue des infrastructures. La seconde chose essentielle qu'il faut pour parler de développement, c'est la promotion d'activités génératrices de revenus parce que, après avoir mis en place les infrastructures, il faut que les populations aient des revenus, les moyens pour subvenir à leurs besoins. Si par exemple, vous électrifiez un village et que la population n'a pas les moyens de faire un abonnement, cela aurait une portée limitée. Il y a donc deux facteurs essentiels pour amorcer le développement : il faut les infrastructures de base d'une part, et d'autre part, la promotion d'activités génératrices de revenus dans le secteurs : l'agriculture, de l'industrie, le commerce, l'artisanat, etc. Avez-vous le sentiment d'être en harmonie avec vos populations ?
Comme je le disais tantôt, nous faisons des efforts pour essayer de réaliser quelque chose dans chaque localité. Nos parents comprennent que nous traversons une période de crise, que nous sommes dans une situation de guerre et que les difficultés touchent tout le monde. Ils apprécient tout ce que nous parvenons à faire pour eux et quand, dans nos visites, nous arrivons dans un village, c'est la joie et pratiquement une fête. Vous savez, les parents sont généreux. Ils disent : Le président est arrivé, voilà un mouton, un b?uf, etc. . Ils connaissent les difficultés mais dans le même temps, ils constatent que nous n'avons pas dormi sur nos lauriers. Nous avons essayé de réaliser des choses pour eux avec le peu qui a été mis à notre disposition. Nous avons construit deux collèges ; ce qui est exceptionnel par ces temps difficiles, notamment à Angoda et Kpouébo. Cela permet aux enfants des villages voisins de se rendre dans les Collèges proches de leurs familles. Nous nous attaquons aux besoins fondamentaux de nos populations et les visites que nous recevons dans nos bureaux de même que l'accueil qui nous est réservé sur le terrain nous permettent de nous rendre compte que nous sommes en phase avec les parents. Une des plaies dans les milieux ruraux c'est l'entretien des routes. Toumodi échappe-t-il à cela ?
Nous essayons d'entretenir nos pistes villageoises, mais le reprofilage n'est pas la solution. Quand on parle de développement, on pense à quelque chose de durable, de cumulatif. Pour les routes, la solution c'est de revêtir les principaux axes qui desservent le département. C'est cela le vrai entretien comme on en voit dans les pays développés. Or nous, nous ne faisons que le reprofilage dans nos régions de sorte que dès qu'il pleut, tout se dégrade et on est obligé de reprendre. Ce n'est pas ça le développement. Or nous ne pouvons pas consacrer le budget que nous avons et qui n'est déjà pas suffisant, à l'entretien du seul réseau routier. Chaque année, nous procédons au reprofilage des routes et c'est ça qui n'est pas intéressant car, en fin de compte, on travaille en pure perte. La solution c'est de bitumer les principaux axes, or les collectivités n'en ont pas les moyens. En votre qualité d'ancien ministre de Félix Houphouët-Boigny et cadre du PDCI-RDA, quel regard portez-vous sur la crise et les incidents enregistrés à Toumodi ces temps derniers?
Toumodi est une région de brassage et non d'exclusion. C'est ce qui explique qu'il y a chez nous de nombreux métis. Toumodi n'est donc pas un lieu de conflit. Il faut considérer les quelques affrontements que nous avons enregistrés comme des épiphénomènes. Malheureusement, ces violences ont fait les victimes que nous déplorons. Cela ne ressemble pas à Toumodi qui demeure une région de paix. S'agissant de la crise, Toumodi a ressenti ses conséquences comme tous les autres départements de la Côte d'Ivoire. Nous avons enregistré 15.000 déplacés dans le département. C'est pourquoi nous pensons qu'il est temps de mettre fin à la souffrance des populations en sortant de cette crise. Il faut redonner à la Côte d'Ivoire son lustre d'antan. Nous qui avons travaillé à l'extérieur de la Côte d'Ivoire, (il a servi à la BCEAO à Dakar et à Paris) qui savons comment notre pays était considéré à l'époque, nous avons mal de constater tout ce qui arrive. Que le pays retrouve la paix. Et pour aller à cette paix, il y a, tout naturellement, des sacrifices à faire de part et d'autre. Félix Houphouet-Boigny disait qu'il est plus facile de faire la guerre que de faire la paix. Il ajoutait que le dialogue n'est pas l'arme des faibles mais des forts. J'encourage chacun à consentir des efforts pour aller à la réconciliation afin qu'on organise les élections. Faisons comme la France, les Etats-Unis, etc., où malgré la multitude de candidats à la présidentielle, les élections se déroulent sans tueries et autres incidents majeurs.
C'est cela l'intérêt de la démocratie qui repose avant tout sur les débats d'idées. Ceux qui gagnent gouvernent et les perdants attendent leur tour mais on ne fait pas la guerre. Que pensez-vous de la nomination de Soro Guillaume à la Primature ? Il a remplacé. M. Banny qui est votre frère de Yamoussoukro et donc votre voisin. Le Premier ministre Banny a dit qu'il ne sera pas un obstacle à la paix. Je crois qu'on ne peut pas dire mieux que cela. Il a fait cette déclaration publiquement. Il faut lui faire confiance. Moi je ne vois pas la vie comme quelque chose de statique mais de dynamique. Elle est faite d'obstacles. Tous les grands pays sont passés par là car les épreuves forment. Les Etats-Unis ont eu la guerre de sécession, la France a connu bien des crises, elle est passée par la monarchie pour être aujourd'hui une référence démocratique dans le monde. Nous ne devons donc pas désespérer. Ce sont des passages obligés et le peuple ivoirien doit savoir se surpasser pour se relever de cette crise. Le pays a été un modèle de stabilité en Afrique et nous devons revenir à cette stabilité qui profite à tous. C'est le conseil que je peux humblement donner aux différents acteurs.
Il faut qu'on arrive à la paix. On gagnera tous à vivre dans un pays stable où règne la paix. Personne n'a intérêt à vivre dans une Côte d'Ivoire divisée. Il faut absolument aller sur le chemin de la paix. Les populations n'attendent que cela car il y va du développement de leurs localités qui connaissent d'énormes difficultés du fait de cette crise.
Interview réalisée à Toumodi
par Abel Doualy
LES CARACTÉRISTIQUES DU DÉPARTEMENT
C'est une lapalissade que de dire que le département de Toumodi a ses caractéristiques, comme d'ailleurs toutes les autres localités du pays. Mais le souci de rendre complète l'interview du président du Conseil général, nous amène à faire un zoom sur les spécificités du département dont il a la charge. Cela portera sur quatre principaux points : la géographie, la population, l'économie et l'organisation administrative. Au plan géographique, le département de Toumodi est situé sur la pointe du V baoulé au centre de la Côte d'Ivoire sur l'axe Abidjan-Yamoussoukro-Bouaké. 198 km séparent Toumodi d'Abidjan dont 143 km d'autoroute. Le département s'étend sur une superficie de 3032 km2 et se veut un grand carrefour limitrophe de Yamoussoukro au nord, de Tiassalé au sud, de Dimbokro et Bongouanou à l'est et d'Oumé à l'ouest. Le relief dominé par des chaînes de collines granitiques, cache un sous-sol contenant de l'or, du diamant et de la bauxite.
Initialement de 105.000 habitants au recensement de 1998, la population est aujourd'hui estimée à un peu plus de 130.000 âmes avec une densité de 40 habitants au km2. 57% de cette population a moins de 20 ans avec un taux d'urbanisation de 35%.
L'économie repose sur la production de cultures diversifiées, à savoir le cacao, le café, le coton, le palmier à huile, l'arachide. A cela s'ajoutent les cultures vivrières : l'igname, le manioc, le riz fluvial et irrigué, la banane plantain. L'élevage avicole, de bovins et d'ovins constitue avec le transport et le commerce trois autres volets de l'activité économique de Toumodi. Quant à l'organisation administrative, elle est axée sur 5 sous- préfectures, 8 communes. 3 sont fonctionnelles et 5 attendent leur ouverture. Les 5 sous-préfectures sont : Tou-modi, Kokoumbo, Djékanou, Angoda et Kpouèbo. Les communes de Toumodi, Kokumbo et Djé-kanou fonctionnent tandis que celles de Kpouèbo, Angoda, Moronou, Loukou Yaokro et Bonikro nouvellement créées attendent leur ouverture. A ces villes et communes sont rattachés 89 villages et 38 campements. Pour mieux couvrir le territoire départemental, le Conseil général a élaboré un Plan de développement du département (PDD) adopté selon la méthode participative associant au comité de pilotage, des services techniques, les autorités, les élus, les services de l'administration, les opérateurs économiques et la population. Objectif visé : sortir le département du sous-développement en créant, d'une part les équipements de base pour le bien-être social, et d'autre part des activités génératrices de revenus pour permettre aux populations d'avoir les moyens de faire face aux frais générés par la modernisation du cadre de vie (électrification, eau potable et diverses autres prestations de services publics)
Discrètement, à l'image de son président du Conseil général et à l'ombre de la capitale politique Yamous-soukro en pleine expansion, le département de Toumodi avance lentement mais sûrement sur le chemin du développement. Mais cela ne va pas sans quelques difficultés liées à la raréfaction des moyens due à la crise que traverse le pays. Et, au plan interne, à l'insuffisance des moyens logistiques et humains par rapport au vaste territoire départemental à sillonner. Vivement la fin de la crise afin que soit versée aux collectivités la totalité des subventions promises par l'Etat. Un souhait partagé par tous.
A. D

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023