mardi 29 mai 2007 par Le Nouveau Réveil

Ancien militaire radié des FANCI pour fait de grève, Todé Oulaï Denis a été la cheville ouvrière de l'opération qui a abouti à la désertion de près de 70 éléments des FAFN de Danané. Avec à leur tête, Doua Paul Kango. C'était en 2005. Deux ans plus tard, "le Sergent Oulaï" se dit trahi par celui qui lui a confié la mission, le Pasteur Koré Moïse. Dans cette interview exclusive, il crie sa colère et dit tout.




Vous êtes Todé Oulaï Denis. Vous avez contacté "Le Nouveau réveil" pour selon nous, donner des informations. De quoi s'agit-il exactement et qu'avez-vous de si important à dire?
Je suis effectivement Todé Oulaï Denis. C'est personnellement et librement que j'ai contacté "Le Nouveau Réveil" afin qu'une situation soit décantée, que des informations à mon niveau trouvent une solution. Je ne le fais pas pour avoir de l'argent. Mais il y a des situations qui ont fait que j'ai contacté "Le Nouveau Réveil". Comme je l'ai dit, je suis Todé Oulaï Denis. Je suis de la classe 86 2A. Radié de l'armée en 1990 pour fait de grève. Je me retrouve contrôleur dans une société de la place. En matière de sécurité. En octobre 2003, la société en question a procédé à des licenciements. C'est ainsi que j'ai été licencié. Et mon patron avec qui j'ai travaillé, Sery Tchoro Jules César qui a des relations m'a mis en contact avec M. Dona, responsable du personnel au niveau de Fraternité Matin, où j'ai fait le plan de sécurité. Au moment de l'embauche, il s'est avéré que M. Kébé Yacouba qui était le PCA n'était plus là pour signer ma lettre d'embauche. Il avait été nommé à la RTI. Donc, il fallait forcement trouver quelqu'un qui allait le faire. Je me suis retrouvé à Frat-Mat" dans ces conditions. A ce moment-là Soro Guillaume qui est actuellement Premier ministre était ministre de la Communication. Je n'avais aucune solution. J'étais au chômage. Je devais voir Soro Guillaume lui-même afin qu'il décante la situation. Ainsi, je me suis rendu à Bouaké, avec l'accord de ma femme pour croiser Mobio qui était un ami et un grand frère. Quand je suis arrivé, j'ai expliqué mon problème à Mobio, qui m'a répondu qu'il n'y avait pas de problème, et qu'il pouvait m'aider. Je connais bien les militaires de la rébellion, parce que la plupart d'entre eux ont été formés par moi. Ouattara Morou et moi étions au BCS (Bataillon de commando et service, NDLR) lui, il était plus ancien que nous. Ce n'est donc pas moi qui l'ai formé. Mais la plupart d'eux ont été formés par moi. Les Coulibaly Adam's étaient nos anciens, 85-1A. Donc je suis allé voir tous ceux-là pour qu'ils touchent Soro qui était leur responsable pour que je puisse être embauché, à "Frat-Mat". Mobio m'a dit que cette procédure allait être un peu plus longue. Comme ils étaient en train de former leurs combattants, pour la douane et la police, il me demandait de m'inscrire en tant que formateur. Comme ce n'était pas la raison essentielle de ma présence à Bouaké, j'ai demandé à rentrer sur Abidjan pour en parler à ma femme. Quand je suis arrivé, j'ai un ami qui était chez moi. Il s'appelle Vanié. Le grand frère de ce dernier habitait la même cour avec les hommes de main du Pasteur Koré Moïse. Et celui-ci cherchait des voies et moyens pour faire déserter des éléments de la rébellion afin qu'ils rejoignent la République. C'est ainsi que quand j'ai fait le compte rendu de mon séjour à Vanié, il est allé leur dire qu'il connaît un ami à Mobio qui est présentement à Abidjan qui peut vous aider à faire sortir les rebelles. Parce qu'il dit qu'il a formé beaucoup de militaires qui sont actuellement dans la rébellion. En effet, je connais très bien beaucoup d'entre eux. Zakaria Koné était mon cadet. Vous savez, dans l'armée, si tu pars, tu donnes ton matelas à celui qui arrive et qui est appelé ton cadet. C'est ainsi que j'ai donné mon matelas à Koné Zakaria. J'ai donc rétorqué aux émissaires de Koré Moïse, que je n'étais pas prêt psychologiquement.

Quand le pasteur Koré Moïse vous a contacté qu'est-ce qu'il vous a demandé concrètement ?
Quand ils m'ont contacté, ils m'ont dit, puisque j'avais des contacts ou une affiliation avec la rébellion, il fallait que je les aide à convaincre mes amis de déserter la rébellion, de quitter ce mouvement parce que cela n'avançait à rien. Dans le fond pour moi, ce n'était pas mauvais. Parce que pour moi, la rébellion n'avait pas d'issue. Donc je n'y voyais aucun inconvénient à demander à mes amis de déserter. Puisqu'au bout du compte, il y avait des promesses.

Et quelles étaient ses promesses en question ?
Selon ce que le Pasteur Koré Moïse leur a dit et que je devais répercuter auprès des futurs déserteurs se résumait en ceci : 50 millions et un passeport diplomatique pour chaque chef et chacun devait avoir un passeport diplomatique. Sur place, ils ont appelé le Pasteur Koré Moïse. Qui nous a donné rendez-vous le même jour à son bureau.

Quand vous avez rencontré le Pasteur Koré Moïse a-t-il réitéré les mêmes promesses ?
Effectivement, il m'a posé le même problème. Je lui ai dit que je revenais effectivement de la zone des rebelles. Il m'a demandé si je pouvais l'aider. Et qu'en ce qui le concerne, il était prêt à m'aider à tous les niveaux. Dans un premier temps, j'étais dans les difficultés financières. Donc, j'ai accepté. Et sur place, il m'a remis 500 mille francs. Quelqu'un qui est au chômage depuis deux ans et à qui on remet 500 mille d'un coup, voyez l'effet. En même temps, j'étais prêt à faire le travail. Par la suite, nous nous sommes rencontrés au restaurant BMW. Il a demandé à ses éléments de me loger dans un hôtel.

Le Pasteur Koré Moïse vous a-t-il reçu seul à ce rendez-vous ? Ou avait-il des témoins ?
J'étais avec Vanié, dont j'ai parlé tout à l'heure et des éléments de Koré. L'un se surnomme Roméo et l'autre qui est de nationalité Burkinabé et qui s'appelle Samsoré Laurent dit Kabila. Ce dernier est l'homme de main de Koré Moïse. C'est ainsi qu'il m'a envoyé en mission. J'ai déjà expliqué la mission.

Pouvez-vous nous raconter la mission dans le détail ?
D'abord je suis allé à Daloa. J'ai transité par là-bas pour aller à Vavoua. Où je devais rencontrer Zakaria. Il m'a dit que ce n'était pas un problème, mais est ce que Gbagbo était sincère ? Je ne pouvais pas répondre à cette question parce que ce n'était pas Gbagbo qui m'avait envoyé

Aviez-vous calculé les risques que vous courriez en faisant cette mission ?
Elle était risquée, je le savais. Mais je me disais que je devais m'appuyer sur nos relations vous savez, entre militaires et quand il te reconnaît c'est plus facile. Etant donné que j'étais leur ancien, il n'y avait pas de problème. Objectivement, je savais que c'était risqué parce que des informations pouvaient leur parvenir. S'il mettait la main sur moi, en tant que son ancien, c'était plus facile. Mais étant financièrement démuni, il fallait faire la mission. Puisque c'est pour trouver du travail que je me suis retrouvé dans cette situation. Mais dans l'armée, on dit 1+1=1. C'est la solidarité de corps. Je me suis dit que si je me faisais prendre, il allait me demander de retourner d'où je venais.

Ok, revenons à la mission.
J'ai donc dit à Zakaria que ce n'était pas Gbagbo qui m'avait envoyé, mais Koré Moïse. Je suis donc revenu sur Abidjan pour croiser à nouveau le Pasteur Koré. Mais je voulais préciser une chose très importante. C'est que ceux qui étaient avec moi au rendez-vous avec le Pasteur Koré à savoir les nommés Douané Remi dit Roméo et Samsoré Laurent dit Kabila avaient leurs conditions à eux.

Quelles étaient donc leurs conditions?
Leurs conditions étaient la suivante. Si je devais commencer la mission, on se partageait équitablement, l'argent qui devait m'être remis. C'est-à-dire que si je disais à Koré Moïse que je pouvais faire la mission et que celui-ci me donnait de l'argent, quelle que soit la somme, ils prendraient la moitié et moi je garderais l'autre moitié ? Comme je vous l'ai dit, je suis rouquin. Je ne peux pas mentir. Parce que les rouquins, ça ne court pas les rues. Dans les premiers instants, je voyais ma situation financière s'améliorer. Je n'ai pas trouvé d'inconvénients à cette proposition. Mais je leur ai dit que si le pasteur Koré Moïse me remet de l'argent, je suis tenu par une obligation de résultat. Parce que c'est moi qui vais faire la mission. Et pas vous. Car si je ne faisais pas le travail, je pouvais me retrouver en prison éternellement. Je n'avais personne pour me libérer. Donc je leur ai dit que "si on me donne de l'argent, je vous donnerai votre part, mais la mienne, je la prendrai pour travailler". Je suis donc reparti à Bouaké. J'y étais quand les mêmes éléments de Koré Moïse, Romoé et Kabila, ont contacté d'autres personnes outre moi au niveau de Daloa pour la même mission. Et celui qu'ils ont contacté se nomme Zogbo Stanislas. Pour une manne financière de 7 à 8 millions selon ce qui m'a été rapporté. Avant de s'engager, Zogbo leur a dit qu'il voulait d'abord discuter avec moi. Il m'a donc appelé. Et je l'ai rejoint à Daloa. Nous avons discuté et je lui ai conseillé d'attendre d'abord. Mais ses éléments qui étaient chargés d'aller sur le terrain à Vavoua avaient déjà perçu chacun 500 mille et plus. Ils se sont donc engagés. Pourtant, je leur avais dit de laisser tomber pour que ce soit une affaire plus sérieuse. Que ceux qui doivent sortir le fassent sur tous les fronts. C'est-à-dire Bouaké (centre), Vavoua (centre ouest) et Danané (ouest). Les éléments de Zogbo Stanislas ont enclenché l'opération. Et ils ont été pris. Au moment où je vous parle, ils sont en prison à Vavoua. Zakaria m'a appelé pour me demander si c'est moi qui les avaient envoyés. J'ai dit non. Parce que si je disais oui, cela allait bâcler ma mission. En même temps, tous ceux que j'avais contactés ont pris peur. Toute chose qui a compliqué ma situation. Face à cette nouvelle donne, j'ai cherché à rencontrer Koré. Mais ses "petits" qui sont autour de lui sont tous armés. Et ils m'ont menacé. Ils m'ont empêché de le voir. Je voulais simplement lui dire pourquoi il m'envoie en mission et il envoie d'autres personnes faire la même mission.

Combien le Pasteur Koré Moïse vous a-t-il remis pour faire la mission ?
Je ne l'ai jamais dit à quelqu'un. Même pas à ma femme. Mais à vous je vous le dit, parce que c'est moi qui vous ai contacté pour parler. Le Pasteur Koré m'a remis 100 millions pour cette mission. Le groupe des Roméo, Kabila, Tchang, un malien et Alain qui est policier ont pris 50 millions, comme ils l'ont dit. Et les jeunes gens que j'ai pris pour m'aider et moi-même, on a pris les 50 autres millions. J'ai demandé à Roméo qui était le chef de mission que Koré a désigné de garder 2 millions pour notre déplacement et les autres courses. Dans ce que j'ai eu, j'ai acheté un véhicule. Parce qu'à chaque fois, le Pasteur Koré appelait les éléments de la GSPR pour nous accompagner. Cela attire l'attention des gens car toujours on quittait à Abidjan à 2h ou à 3h du matin avec des 4x4. La mission a donc démarré. Ils sont allés en mission durant un mois. Et le véhicule a été accidenté. Ils ont pu effectuer tous ces tours parce que nous détenons des cartes qui sont des "laissez passer" délivrés par l'Etat-major. Si quelqu'un présente cette carte, aucun policier ne peut l'arrêter. Si d'aventure on vous arrête, un seul coup de fil de Koré Moïse peut vous libérer. D'ailleurs, même le policier qui nous a arrêté, peut perdre son poste. Il y a eu beaucoup de policiers et de gendarmes qui ont été affectés parce qu'ils nous empêchaient de travailler. Moi, je suis père de famille. Mon grand frère, en mourant m'a laissé 7 enfants et j'en ai moi-même 3. J'ai pris l'argent de Koré Moïse. Il faut que je travaille. Ses éléments eux, ce n'est pas leur problème que la mission réussisse ou pas. Ils sont dans les boîtes de nuit avec l'argent. Ils font la belle vie. Je ne peux pas défier Koré Moïse. J'ai ouvert un compte à la Coopec de Yopougon-Kenya. Ma gérante se nomme Mme Coulibaly. Je vous dis tout cela parce que je vous ai promis de tout vous dire parce que c'est moi qui suis venu vers vous. Quand je leur demande ce qu'on fait, ils me répondent que c'est moi qui ai pris l'argent avec Koré. J'ai des problèmes. Dois-je fuir le pays en laissant mes enfants et ceux de mon grand frère ? Parce que j'ai l'argent. Je peux quitter le pays.

Quelles solutions choisissez-vous alors ?
Je choisi de poursuivre ma mission. Je prends contact avec des amis à Abobo qui, il faut le dire, est le fief du RDR, où j'habitais. J'ai fait appel à des amis. Tchétché Durand Panel, un jeune qui est dans les renseignements. Je lui ai dit que j'ai besoin du Pasteur Gammi qui préparait une attaque à l'ouest. Pour moi, ce serait une porte de sortie. En mélangeant ses éléments aux miens. De sorte que Koré sache que j'ai fait quelque chose. C'est ainsi que j'ai rencontré le Pasteur Gammi ici même à Abidjan. Il logeait à l'hôtel Ansonvon de Yopougon. Je lui ai exposé mon problème. Mais, j'avais des pressions parce que Koré a demandé de mes nouvelles à ses éléments. Ces derniers lui faisaient croire que j'étais sur le terrain, alors qu'en réalité je me trouvais à Abidjan. Quand je devais croiser Gammi pour la seconde fois à Ansonvon à Yopougon, je suis parti avec Roméo. Au lieu de parler de notre projet, il parlait plutôt d'une attaque à partir de l'ouest avec Gammi. Pendant que moi j'étais à l'ouest avec les éléments de Gammi. Roméo et Gammi vont donc croiser Koré Moïse qui remet près de 7 millions à Gammi.

Vous confirmez donc que le Pasteur Koré Moïse était informé de l'attaque à l'ouest par le Pasteur Gammi du MILOCI ?
Oui, je vous le dis. Puisqu'indirectement j'y ai participé. J'étais en contact avec lui donc j'avais toutes les informations.

Selon vous, avec quelles armes le Pasteur Gammi et ses éléments ont donc attaqué ?
Les armes de Pasteur Gammi ont été achetées par Douaty.

Le ministre Alphonse Douaty ?
Oui. C'est le ministre Alphonse Douaty qui a payé les armes du MILOCI

Le ministre Alphonse Douaty est ministre de la République. Il est vivant. Il est membre du FPI. Est-ce que vous n'êtes pas en train de diffamer un honnête citoyen ? Avez-vous les preuves de ce que vous avancez ?
Je ne fais pas partie du MILOCI. Il faudrait qu'on soit clair là-dessus. C'est l'information que j'ai reçue avec Gammi. Pour qu'il puisse m'ouvrir son c?ur et qu'on puisse travailler, c'est l'information qu'il m'a donnée. Vraiment, si je dis que j'ai une preuve palpable, comme un papier écrit, ou un chèque qui a été remis, j'aurais menti. C'est cette information que Gammi m'a donnée. C'est la parenthèse que je voulais ouvrir. Il faut que je sois honnête avec vous. Je n'ai pas de preuves palpables en main. C'est ce qu'on s'est dit à deux. Pour m'amener dans son sillage pour que moi aussi je puisse l'amener dans mon sillage, on s'est dit beaucoup de choses. Je pense que Gammi est un grand garçon.

Votre mission d'infiltration a échoué à Bouaké, à Vavoua, à Bouna, quelle est donc la suite ?
Quand j'ai mis Gammi en contact avec le groupe des Roméo, il y a eu problème. Parce que ces derniers ont dilapidé l'argent qu'ils ont eu avec moi. Donc ils n'avaient plus rien. Parce que c'est comme ça dans leur milieu. Ils ont 30 à 40 millions sur eux. Mais dans les deux ou trois mois qui suivent, ils n'ont plus rien. C'est ainsi qu'après l'attaque du MILOCI, Roméo conduit encore Gammi chez Koré pour une autre attaque. Juste pour avoir de l'argent. Mais Gammi a un secrétaire Général du MILOCI. Il s'appelle Gogou Guillaume. Il m'a dit qu'il peut m'aider dans ma mission. Puisqu'il a des amis qui sont là-bas. Notamment le chef de guerre Eddy de Danané (Com-zone de Danané). Nous nous sommes assis et nous avons parlé. Je leur ai dit que si la mission prend fin, Koré m'a promis 15 millions. Sur cette somme, j'ai promis leur part. Mon objectif premier, c'est de réussir ma mission pour ne pas avoir la République sur le dos. Parce que je vous le dit, Koré Moïse, c'est la République. Quand il dit que vous n'y entrez pas vous n'y entrerez pas. Je sais que de quoi je parle. J'ai essayé. Je suis passé par des hommes de Dieu pour l'amener à m'écouter. J'ai donc remis de l'argent à Gogou Guillaume et à Panel pour qu'ils aillent à l'ouest. Arrivés à Issia, ils ont pris un véhicule. Dans lequel se trouvait une jeune fille qui était la nièce de Doua Paul Kango, le chef rebelle de Danané. Mais elle n'avait pas tout son transport. Elle s'est donc confiée à un gendarme qui a plaidé auprès de l'apprenti pour que celui-ci la prenne dans son car. Mais arrivé entre Guessabo et Duékoué, l'apprenti fait ses encaissements et demande à la fille de régler son transport. Et comme elle n'a pas de moyens, il lui demande de descendre. Il était 24h passées. Guillaume et Panel pris de pitié paient le transport de la fille. Avant de démarrer, je leur avais demandé qu'une fois à Duékoué, qu'ils aillent loger à l'Hôtel Monhésea. Nous rentrons en contact avec Eddy qui nous donne rendez-vous à Zouan Hounien, plus précisément non loin de Téapleu, un jeudi du mois de mars 2005. Pendant qu'on discutait à la paillote de l'Hôtel, la fille qui a suivi est venue dire qu'elle est la nièce de Doua Paul Kango. Imaginez ma joie. Elle a demandé qu'on lui donne le transport pour qu'elle aille à Danané. Paul Kango était en de mauvais termes avec certains chefs de guerre. On voulait le tuer. Donc il s'est replié vers Téapleu. Sa nièce. Je lui ai exposé le problème. Il a dit qu'il est prêt à allé à Abidjan avec mes hommes. Mais à la seule condition que sa s?ur (la maman de la jeune fille) aille croiser Koré Moïse pour vérifier et prendre des garanties. La jeune fille est revenue un lundi pour me faire le compte rendu. Je décide de me rendre à Téapleu qui est la zone de confiance. Mais une zone de confiance plus dangereuse que Zouan-Hounien. Entre temps, la s?ur de Doua Paul Kango réussi à rencontrer Koré qui lui donne 1 million et lui dit de convaincre son frère. Qui accepte finalement de sortir avec ses éléments. Le Pasteur Koré m'avait fait comprendre qu'on allait placer des Sénégalais qui sont avec nous dans la zone de confiance pour qu'on facilite leur sortie. Ceux qui veulent sortir donnent leurs armes aux Sénégalais. Un car les transporterait jusqu'à Abidjan. C'est ce que j'ai dit à ceux que j'ai contactés. Mais jusqu'au début de la mission, il n'y avait pas de Sénégalais. A Brobo, ce sont des Marocains, le reste ce sont des Bengladais. Quand je l'appelle pour lui exprimer mon inquiétude, il me dit que ce sera fait.
Je me rends à Zouan Hounien où je vais chercher Paul Kango. Réellement, il a tenu parole. Il se trouvait dans un petit village après Téapleu avec toute sa garde rapprochée. Il me confirme sa volonté de rentrer sur Abidjan. Je prends contact avec le sous-préfet et le lieutenant Allah, pour qu'ils me donnent un véhicule d'escorte jusqu'à Duékoué. Arrivé à Duékoué, les militaires que j'avais contactés à Bouaké m'appellent pour me dire que leurs épouses se trouvent à Brobo et m'attendent depuis trois jours. Parce qu'ils voulaient que leurs femmes sortent d'abord de Bouaké, et eux, ils allaient suivre. Mais auparavant, j'envoie Paul Kango à Abidjan. J'appelle le Pasteur Koré. Il se trouve au Bénin. Je loge Paul dans un hôtel de la place que je vous montrerai plus tard, comme je vous l'ai promis. Et je retourne à Brobo.

Paul Kango est sorti avec combien de personnes ?
Non, à ce stade, il n'était pas encore sorti en tant que tel de Danané. Il était juste venu à Abidjan avec sa garde rapprochée de six personnes, sa femme et ses deux enfants. Pour rencontrer et échanger avec le Pasteur Koré Moïse pour les modalités de son retour définitif. Au moment où j'étais à Brobo, Koré arrive et croise Paul Kango. Et lui promet de le revoir le lendemain. Entre temps, la nuit, Roméo va voir Paul Kango et lui dit de dire à Koré qu'il peut attaquer Danané si celui-ci lui donne 500 millions.

Quelle influence a ce Roméo sur le Pasteur Koré Moïse ?
C'est son homme de main. Tout ce qu'il dit à Koré, il le fait. Et lui-même le dit fièrement devant nous. Je ne sais pas comment cela se fait, mais Roméo a une emprise sur Koré.

Revenons à la question précédente
Ok. Quand Paul Kango a dit cela effectivement à Koré, celui-ci lui a demandé de lui faire le point des armements dont il avait besoin. Avant de partir, le Pasteur Koré remet un million à Paul Kango. Et lui dit de retourner voir ses éléments. Il n'est plus question de rentrer sur Abidjan en désertant la rébellion, mais d'une attaque des positions des Forces nouvelles. Or, j'ai préparé psychologiquement tous ses éléments pour une sortie, pour qu'ils rejoignent la République. Paul Kango a fait croire à Koré qu'il pouvait attaquer Danané et progresser vers Man. Je retourne donc à Duékoué avec Paul à qui je demande quand ses éléments sortent. Et c'est à ce moment-là qu'il va me faire part de son idée d'attaque. Sur la somme de 1 million, Romoé et son groupe ont pris 500 mille francs. C'est comme cela chez eux. J'ai dit à Paul que ce n'est pas ce qu'on s'est dit. Il s'agit de sortir de la rébellion et vous voulez attaquer Danané. Pendant ce temps, Roméo et son groupe prenaient de l'argent avec Koré en mon nom. Or en réalité, à part le partage qu'on a fait où j'ai eu 15 millions, je n'ai plus rien eu de Koré. J'ai pu convaincre Paul Kango de sortir. Il m'a dit qu'il n'y avait pas de problème. Je suis donc reparti à Danané. Parce que l'armement qu'il a présenté à l'Etat major se trouvait à ce niveau-là. Entre le barrage de l'ONUCI et la ville de Danané. Il avait enterré les armes à cet endroit. Il fallait éviter le barrage de l'ONUCI pour venir à Zouan-Hounien. Je l'ai fait. Ceux que j'ai contactés à Bouaké m'appellent pour me dire qu'ils sont eux aussi prêts à sortir. Entre temps Koré avait saisi l'Etat-major qui devait planifier la réception. Ce n'est plus l'ONUCI. Mais il leur fallait se cacher pour éviter le barrage de l'ONUCI. C'est comme ça que Paul Kango est venu à Abidjan avec 68 éléments.

Peut-on dire que votre mission a réussi ?
Oui. Puisque Koré et moi nous ne nous sommes pas imposés un nombre d'éléments qu'il fallait faire sortir.

Si votre mission a réussi, qu'est-ce qui vous oppose donc à Koré Moïse ?
En fait, c'est pour cela que je suis là. D'abord, dans les premiers instants, il m'a dit que les différents éléments devaient avoir de l'argent et quitter la Côte d'Ivoire. Cela n'a pas été fait. Dans sa misère, Paul Kango a quitté Abidjan pour Zouan-Hounien, où il se trouve actuellement. Quand l'Etat-major a reçu les armes, il n'a plus fait signe de vie. On leur a juste donné 1 million pour se soigner. 68 personnes avec femmes et enfants, cela fait pratiquement 100 personnes.

Où se trouve à l'heure actuelle les 68 éléments ?
Il y a une quinzaine qui se trouve dans la rue, dans la nature parce qu'à l'Etat major, ils étaient obligés de couper les palmiers, de déboucher les puits perdus pour avoir un peu d'argent. Depuis 2005 qu'ils sont rentrés, leurs enfants ne vont plus à l'école. Et aucun d'entre eux n'a été engagé dans l'armée. C'est moi qui les ai envoyés à Abidjan. Je suis en quelque sorte leur encadreur. Ce n'est pas ce que Koré Moïse m'avait promis. J'ai écrit partout, à la Présidence, pour des demandes d'aide, aucune réaction.

C'est donc parce que le Pasteur Koré Moïse n'a pas tenu sa promesse que vous avez une dent contre lui ?
En partie. Mais vous savez que quand quelqu'un a travaillé pour toi, il faut lui donner ce que tu lui a promis. Que Koré Moïse apprenne à respecter les gens. J'ai travaillé pour lui. L'argent qu'il m'a donné, c'est ce que j'ai pris pour travailler. Au moment où je vous parle, je suis obligé de partager mes habits à ces gens-là. Paul Kango et sa famille vivent dans la misère à Zouan-Hounien. J'ai la documentation, mes laissez-passer, mes ordres de mission, je vais vous le remettre pour les faire paraître dans votre journal. En ce qui me concerne, je lui demande de réparer ma voiture que ses éléments ont bousillée. Comme je vous l'ai expliqué, j'ai la charge des 7 enfants de mon grand frère qui est décédé. J'ai pris 750 mille avec leur mère auprès de qui j'ai garantis ma pièce d'identité et mes diplômes. Cet argent, je l'ai pris pour terminer la mission que Koré m'a demandée. Je dois 575 mille francs à l'hôtel Monhésea. Plus 100 mille francs à un autre petit Hôtel. Vous pouvez rentrer en contact avec l'Hôtel. Koré Moïse n'a rien fait jusqu'au jour d'aujourd'hui. Il n'a rien donné à qui que ce soit jusqu'aujourd'hui.

Et vous pensez que ce sont les dénonciations dans la presse qui vont y changer quelque chose ?
C'est ce que je suis en train de vous dire. Koré Moïse est un homme d'Etat. Quand je l'appelle, il refuse de me rencontrer. Il me dit, on se voit vendredi. Quand je l'appelle le vendredi, il me dit qu'on se voit mardi. Ce qui m'a le plus choqué, je l'ai appelé au moment du tournoi des professionnels ivoiriens. Il se trouvait au Palais des Sports. Il me dit de le trouver à 14h. Je l'attends jusqu'à 2h du matin. Il me voit et il descend, il monte dans son véhicule et s'en va. Je l'ai attendu durant tout ce temps. Je ne lui demande rien. Les 15 millions qu'il m'a promis si la mission réussissait, il peut les garder. Mais les gens que j'ai envoyés, qu'ils s'en occupent. Je dois 575 millions à l'Hôtel Monhésea qu'il les paie. Je dois 100 mille francs à l'hôtel Prestige. Qu'il les paie. Je suis allé voir des hommes de Dieu, en l'occurrence le Pasteur Dion pour le voir. Cela n'a rien donné. J'ai été obligé de louer, pour la mission un véhicule à 20.000F pendant 5 mois. Faites le calcul. J'étais obligé de nourrir tout ce monde. Gogou Guillaume m'a appelé pour me dire que les gens n'ont plus rien à manger. Je lui ai répondu que je n'avais plus d'argent car je n'arrivais pas à avoir Koré Moïse. Il m'a dit qu'il allait appelé Blé Goudé Charles. C'est ce qu'il a fait. Et Blé Goudé nous a envoyé 400 mille francs. Quand Koré a appris cela, il a appelé Blé Goudé pour lui dire que ce n'était pas son problème mais que c'était son problème à lui, Koré. Je n'ai pas voulu voir la presse au début. Mais depuis 2005, cela fait deux ans que ça dure. Les soldats sont arrivés à Abidjan en Juin-Juillet 2005.

Quand avez-vous appelé Koré Moïse pour la dernière fois ?
Je l'ai appelé le dernier férié du mois de mai. C'est-à-dire le jeudi 17. Je l'ai fait appeler par un ami militaire prénommé Frédéric. Il lui a dit qu'il ne me connaissait pas. J'ai demandé au Pasteur Dion de demander au Pasteur Koré Moïse s'il a quelque chose contre moi, qu'il le dise.

Interview réalisée par Yves M. Abiet

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