mardi 29 mai 2007 par Fraternité Matin

Des changements sont intervenus ces derniers temps. Les usagers de la route apprécient, mais...

Il y a quelques semaines, le 28 février plus précisément, le commissaire du gouvernement, le lieutenant-colonel Ange Kessi Kouamé, excédé par le racket devenu routinier sur nos routes, décidait de prendre le taureau par les cornes. Répression des violations aux consignes édictées par les résolutions de Grand-Bassam ; tel est l'objet du message qu'il fit alors parvenir à toutes les unités sur le terrain. Près de trois mois après, qu'en reste-t-il ? Selon que l'on trouve à Gagnoa, Daoukro, Sassandra, Abengourou, Aboisso, Noé ou Alépé, force est de constater que l'appel est globalement respecté, comme en atteste ce témoignage de notre correspondant dans la région des 18 Montagnes. Il est environ 10 h, ce dimanche 13 mai 2007, lorsqu'il prend la route. Le mini car de transport en commun contenant 18 passagers en provenance de Man et en partance pour Abidjan marque un arrêt à Guessabo. La cause : se soumettre au contrôle de routine des forces de l'ordre.
Les passagers, pièces en main se ruent vers la sortie. Vieux réflexe ! De sa cabine, le chauffeur lance : restez assis. On ne descend plus pour les opérations de contrôle. Surpris un passager s'interroge : depuis quand ? Quelques minutes après, un élément de la gendarmerie nationale impeccablement vêtu, béret ajusté, souliers cirés, treillis fourré, s'avance vers ledit car et y monte. Mesdames et Messieurs bonjour ! Contrôle des pièces d'identité. Le tout dans un langage empreint de courtoisie.
De la première rangée à la dernière, l'agent passe en revue toutes les pièces et confisque celles qui ne répondent pas à son attente. Les concernés doivent descendre pour subir un interrogatoire laconique sous une baraque.
La chose est avérée. Après les entrées et sorties des corridors de Duékoué (zone ouest) et celles de la Gesco (partie sud), les passagers ne descendent plus des véhicules pour constituer une file aux différents postes de contrôle des forces de l'ordre. C'est du moins le constat établi ce jour.
Conséquence de cette situation nouvelle, le voyage pour les passagers en provenance de Man et ses contrées sont devenues moins harassant et le temps de voyage est devenu relativement court. Malgré la distance à parcourir estimée à 650 km. Selon les témoignages des chauffeurs, le mini car de transport en commun qui part de Man à 7h 30 est aujourd'hui à Abidjan à 16h 30 soit seulement 9h de route. Contre 24 heures, il y a quelques mois .
Cependant, si les usagers des véhicules ne vont plus vers les forces de défense et de sécurité chargées du contrôle des pièces d'identité, que chauffeurs ou convoyeurs continuent à se rendre en courant au guichet de fortune des postes de contrôle pour dit-on soulever le barrage . Curieuse expression qui en réalité signifie soudoyer l'agent des forces de l'ordre . 500, 1000 ou 2000 francs CFA selon le type de barrage. Barrage de la police, des eaux et forêts, de la gendarmerie ou de la police anti-drogue.
Au risque de voir le véhicule de transport immobilisé pendant des heures par un agent des eaux et forêts ou de la police anti-drogue. A cause d'un bidon de 20 litres d'huile de palme achetés sur le marché de Man destinés à un parent à Abidjan. Ou de la découverte d'un flacon de comprimés de marque chinoise ou fabriqué en Guinée. Des produits qui pourtant ont inondé les marchés d'Adjamé (Abidjan) et Man. Ici la victime devra payer la somme de 5 à 10 000 francs CFA pour son délit. Nehoun Prince (élève en classe de terminale dans un Lycée de Dabou) en 2006, une victime, rapporte. Au retour des vacances scolaires 2005-2006 de Man, par mégarde, je possédais une plaquette de comprimés Exadan dans mon sac de voyage. J'utilisais ces comprimés parce que je souffrais d'un violent mal de tête. Au cours du contrôle effectué par les éléments de la brigade anti-drogue au corridor nord de Duékoué, ceux-ci ont découvert ladite plaquette. J'ai été traité de trafiquant de drogue en dépit de toutes les explications données. Ma mère, Mme Nehoun Charmes (institutrice à Grand Gbapleu à Man) a déboursé 5 000 francs avant que je ne sois relâché.
Cette pratique est surtout développée dans les corridors nord et sud de Duékoué. Zone de sortie et d'entrée de la région de Man.
Justement ! Aux corridors de Duékoué. Pour des raisons difficilement explicables, tous les passagers en provenance de Bangolo, Logoualé, Kouibly, Facobly et Man sont obligés de verser aux forces de l'ordre la somme de 1000 francs CFA pour franchir le corridor sud et 1000 francs CFA pour le corridor nord. Soit au total 2000 francs CFA. Et ce, malgré les pièces valables. Les choses se compliquent davantage lorsque les pièces que vous présentez ne sont pas ivoiriennes.
En février 2007, un ressortissant guinéen en partance pour Biankouma pour les obsèques de son père à Sipilou a été contraint à payer la somme de 10 000 francs CFA.
A quelques mètres du corridor nord, à Guitrozon, à l'entrée de Duékoué, un panneau stop indique la présence des forces armées de Côte d'Ivoire. Par opposition à celle de l'ONUCI. Déjà dans le car, en provenance de Man l'apprenti informe les usagers. Messieurs, nous allons descendre pour le contrôle au corridor de Duékoué. Préparez vos mille francs . A l'approche des barrages (Duékoué), un agent, arme en bandoulière, accueille les passagers. En ordre, il procède à la récolte des pièces d'identité. Puis les dépose dans un bureau de fortune construit en planches à quelques pas. Deux autres agents se chargent de faire l'appel. Très souvent avec la mention 1000 francs . Les récalcitrants sont retenus et le car ne peut donc partir. Le système est identique à la sortie et à l'entrée du corridor de Duékoué.
A quelques variantes près, le tableau n'est guère différent dans les autres régions du pays sous contrôle gouvernemental. Si l'on en croit notre correspondant dans le Bas-Sassandra, les recommandations du commissaire du gouvernement relatives au contrôle d'identité sont respectées dans le Sud-Ouest du pays . Idem à Abengourou, Alépé et, à un degré moindre, à Daloa où les passagers à bord des cars sont désormais dispensés de la corvée de la descente pour se soumettre au contrôle d'identité, une bonne fortune qui n'est pas partagée par les usagers des minicars et taxis brousse. Pour eux, le calvaire continue.
A Gagnoa, la capitale du Fromager, en revanche, la consigne est restée lettre morte. Les voyageurs restent soumis au difficile exercice désapprouvé par le commissaire du gouvernement. Au corridor de Guessihio ou à celui de Ouragahio, les véhicules de transport sont contraints de déposer leurs passagers pour un parcours du combattant qui n'a d'autre finalité que de permettre de plumer quelques oiseaux , parfois arbitrairement choisis. Un élément des Forces de défense et de sécurité qui a bien voulu s'en expliquer à notre correspondant, sous couvert de l'anonymat, a argué que la cité du Fromager fait exception à la règle édictée par la hiérarchie militaire parce qu'elle est une ville présidentielle qui mérite une vigilance partoculière.

Elvis Kodjo
Collaboration:
Honoré Droh, Touré Amidou, Ettien Essan,
Koffi Kouamé, Edmond Konan et Souri Koné


Repères

SANCTIONS. Des sanctions sont prévues pour les agents qui contreviennent aux directives du chef d'état-major. Les commandants de brigade de gendarmerie ont ainsi été requis aux fins de verbaliser, au besoin arrêter et conduire au parquet du commissaire du gouvernement tout agent des FDS contrevenant aux prescriptions du message.

CONTROLE. Un mois après la signature des directives, les magistrats du parquet militaire, garants de l'application des lois et règlements, devaient sillonner les différents corridors pour s'assurer de son application. Ils ont latitude, en compagnie des officiers de police judiciaire, de procéder à des interpellations et arrestations de tout contrevenant à ces consignes.

INFRACTION. Aux termes de l'article 47 du code pénal, le non-respect des consignes est une infraction prévue et réprimée sans préjudice d'autres dispositions connexes.


Option : Mission

Plus de deux ans après sa tenue, que reste-t-il du séminaire sur la cohabitation agents de l'ordre - transporteurs qui s'est tenu à Grand-Bassam ? Les usagers de la route continuent de se plaindre des tracasseries policières que ce séminaire était censé résoudre. Voyager est devenu un véritable parcours du combattant pour les usagers des véhicules de transport en commun qui, à la vérité, effectuent leur périple à pied plutôt qu'en voiture au regard des nombreux points de contrôle à traverser à pied. A l'évidence, les agents des Forces de défense et de sécurité commis aux contrôles d'identité aux corridors se trompent de mission. L'objectif de celle-ci, on le verra à la lecture de ce dossier, est la fouille des véhicules en vue de la recherche d'armes ou autres objets compromettant la défense et la sécurité du territoire , comme le rappelle le commissaire du gouvernement, le lieutenant-colonel de corvette Ange Kessy Kouamé. Que n'est-on pas sidéré par leur obsession à contrôler les pièces d'identité dans un pays où la question reste d'une délicatesse notoire!
Le commissaire du gouvernement en décidant, il y a trois mois, de mettre au pas les agents réfractaires aux consignes édictées par le chef d'état-major des armées depuis le séminaire de Grand-Bassam, se montre sensible aux souffrances des voyageurs. Il démontre, surtout, sa volonté de mettre l'armée en phase avec la population et de créer entre les deux entités une synergie gagnante.
On notera toutefois que le commissaire du gouvernement n'en est pas à son premier rappel à l'ordre du genre. Mais comme une hydre, le vieil homme a, à chaque fois ressurgi, le respect des consignes n'ayant duré que le temps d'une rose. Qu'en sera-t-il de la présente interpellation ? Le respect qui lui est accordé résistera-t-il au temps pour devenir un réel comportement de tous les jours, inattaquable?
Là est toute la question
Dans tous les cas, le commissaire du gouvernement devra se convaincre qu'en voulant nettoyer les écuries d'Augias comme il entend ainsi le faire, il se met un sacré morceau de pain sur la planche comme le démontre cette affaire cocasse, mais hélas trop sérieuse de quittances que réclament les agents de l'ordre sur la voie menant de la capitale économique à la capitale du Zanzan (voir Focus, page 3)

Par Elvis Kodjo

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