mercredi 6 juin 2007 par Le Front

Le scandale des déchets toxiques qui a fait couler tant de salive et d'encre, connaît un rebondissement ces jours-ci, avec la question de l'indemnisation des victimes. Charles Bauza Dogbo Koré, président du CIHDT, une structure bien engagée dans la prise en charge des victimes, nous en parle. Entretien. ? Monsieur Charles Bauza Dogbo Koré, il semble que l'Etat, à travers la cellule en charge de la question, ne s'entend pas avec les victimes que vous êtes ?
S'agissant de l'indemnisation dont vous parlez, nous au CIHDT, n'avons pas été approchés par la cellule chargée des catastrophes et des questions endémiques. Mais en tout état de cause, cette dernière ne semble plus en bons termes avec la fédération nationale des associations des victimes des déchets toxiques de Côte d'Ivoire (Fenavidet-ci). Pour notre part, nous disons qu'il est urgent que l'Etat entre en contact avec nos avocats. Seulement, nous souhaitons que tout se fasse dans la plus grande transparence. ? Quels sont les rapports qui vous lient avec la Fenavidet-ci ?
Nous avons de bons rapports. D'ailleurs, la Fetanvidet-ci a fait une sortie récemment que nous avons appréciée. Celle-ci continue de nous consulter quand elle l'estime. Pour l'heure, chacun de nous reste sur ses points de vue. ? Toujours relativement à l'indemnisation, il a été dit que l'Etat vous demande de fournir les preuves de vos hospitalisations préalablement. Ce qui est normal. Vu qu'il y a beaucoup d'imposteurs parmi les associations de victimes. Qu'en pensez-vous ?
Je crois que c'est tout à fait normal que nous donnions les preuves que nous sommes des victimes. Pour nous au Cihdt, nous avons déposé depuis décembre 2006, une partie de nos dossiers médicaux à la cellule présidentielle, en plus des contacts de nos avocats. En plus de cela, nous faisons des propositions concrètes à l'Etat concernant cette indemnisation. Premièrement, nous demandons la publication officielle de la liste des 78 hospitalisés et des 15 personnes décédées. Ensuite, celle des personnes consultées. Deuxièmement, nous demandons la liste des entreprises victimes. Troisièmement, nous exigeons 30 millions de fcfa en dommages et intérêts par personne hospitalisée et par personne décédée. Nous exigeons aussi l'annonce d'une date butoir pour l'indemnisation de toutes les victimes. A commencer par les prioritaires que sont les hospitalisés et les familles des personnes décédées. Enfin, nous proposons que les victimes humaines avec preuve à l'appui soient associées officiellement à la commission chargée des victimes, afin d'avoir une idée claire et précise sur le travail les concernant.
A vous entendre, vous n'êtes pas du tout associés à une entreprise dont vous êtes les bénéficiaires. Comment expliquez-vous cela ?
Les mots que vous utilisez ne sont pas forts. Nous sommes véritablement laissés à notre propre sort, depuis notre sorti de l'hôpital. Jusqu'à ce jour, aucune victime des déchets toxiques ne bénéficie d'aucune aide. En proie à des difficultés monstres, nos vies sont aujourd'hui des cauchemars. Et nous savons comment expliquer le fait que ni l'Etat, ni la communauté politique nationale, ni les institutions internationales ne prennent en compte notre cas. Nous n'avons aucun soutien, nous sommes vraiment livrés à nous-mêmes. Est-ce que vous avez cherché à entrer en contact avec la présidence de la République pour lui faire part de vos difficultés, peut-être, n'est-elle pas informée ?
Euh, le président de la République est bel et bien au courant de notre situation. En vérité, nous ne sommes pas du tout contents de son excellence Laurent Gbagbo. Dans la mesure où en tant que président, il n'ait pas pris toutes les mesures et précautions nécessaires afin d'éviter l'entrée du bateau de la mort dans notre port. Revenons à votre hospitalisation, il semble que vous n'y étiez pas entièrement pris en compte. Alors que le gouvernement parlait, quant à lui, de votre prise en charge intégrale ?
Franchement dit, non. Car, il avait un cafouillage et un désordre tel que l'hôpital était débordé. Il a donc fait ce qu'il pouvait, en fonction des moyens dont il disposait. Il est clair que sur 100 malades, l'hôpital a pris en charge 40. Et nous, les 60 restants. Cela s'explique par le fait que certains services de Chu de Cocody sont autonomes et ne dépendent donc pas du ministère de la Santé. Ce qui sous entend que beaucoup d'examens étaient à payer. Autres choses aussi, vous avez, lors de votre dernière conférence de presse exposé, le cas de certains enfants presque condamnés parce que victimes des déchets toxiques. De quoi s'agit-il ?
Il s'agit de personnes vulnérables, des enfants et des nourrissons, atteints par la maladie du fait des déchets toxiques. C'est le cas de ma propre fille dont la croissance est arrêtée. Elle souffre de cortinaire (champignon bassidiomycète dont la plupart des espèces sont toxiques ou mortelles), elle a toujours le corps qui chauffe et la couleur des cheveux qui change très souvent. A 14 mois aujourd'hui, elle donne l'impression d'en avoir 6. Car, elle pèse 6,600 kg aujourd'hui alors qu'elle pesait 5,950 kg à 4 mois. Avec elle, ce sont des centaines d'enfants qui souffrent de splénomégalie modérée de type 1, etc. Aujourd'hui, comment se portent ces enfants ?
Comme je l'ai dit auparavant, ils ne se portent pas bien. Comprenez bien que ces enfants-là sont condamnés. Qu'ont-ils fait ? Rien du tout. Sinon d'avoir choisi de venir au monde dans un pays où la morale et la valeur de la vie humaine ont foutu le camp. Ces enfants-là souffrent continuellement d'anémie, de crise de croissance, de fièvre, etc. Que comptez-vous faire ?
Nous battre, seulement nous battre pour rester en vie. Cela, avec les maigres moyens que nous avons. C'est pourquoi je saisis cette occasion pour en appeler à la compréhension de l'Etat de Côte d'Ivoire et même aux bonnes volontés. Pour que nos enfants puissent recevoir un début d'aide. Nous n'avons pas demandé à être intoxiqués. Nous réclamons donc une indemnisation conséquente.



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