mercredi 27 juin 2007 par Nord-Sud

Figure emblématique de l'ex-rébellion ivoirienne, le commandant Chérif Ousmane du quartier général des Forces nouvelles est de plus en plus discret au moment où se profile la paix à l'horizon. Dans cet entretien, il s'en explique et se prononce sur les rumeurs qui entourent son effacement.

Commandant, vous êtes silencieux et même devenu plus discret, est-ce parce que vous ne croyez pas au processus de paix?

Oui, je suis silencieux. Parce que depuis un certain temps, au niveau de notre organisation, on ne peut plus parler de guerre. Nous avons décidé de laisser l'autorité seule, le secrétaire général des Forces nouvelles parler. Il est devenu le Premier ministre du gouvernement. C'est pour éviter une anarchie dans la communication que vous ne m'entendez pas. Cela est également valable pour la plupart des ex-chefs de guerre.

Récemment, vous avez formé 117 commandos. Cela n'est-il pas aux antipodes du processus de paix ?

Non! Notre lutte impose des combattants bien formés. Si aujourd'hui, nous avons la chance d'avoir ces commandos, c'est pour aider le processus. Lors du match Côte d'Ivoire-Madagascar à Bouaké le 3 juin, ils se sont déployés pour sécuriser les hautes personnalités et les populations. Dans la réunification des armées, ce sont les soldats bien formés qui vont intégrer la nouvelle armée. Moi, je serai très mal à l'aise d'avoir des soldats qui ne sont pas bien formés.

L'opinion doit-elle s'attendre à d'autres promotions? Autrement dit la formation se poursuit-elle ?

Nous sommes dans un processus de paix mais lorsque les discussions dans le cadre du dialogue direct ont débuté, les commandos auxquels vous faites allusion étaient déjà en formation. J'ai donc demandé au secrétaire général la permission d'organiser la sortie de ces commandos. L'apport sera décisif dans le redéploiement des forces dans nos zones et également dans l'ex-zone de confiance gérée par le Centre de commandement intégré (Cci).
Pour la poursuite de la formation, je ne peux pas me prononcer car nous sommes dans une dynamique de paix.

Charles Blé Goudé, leader des jeunes patriotes s'est rendu récemment à Bouaké, votre QG. Comment avez-vous apprécié cette visite ?

Il s'agit de la décrispation de la situation politique. Les populations ivoiriennes ont beaucoup souffert de la crise. Des personnes ont toujours soutenu qu'il règne dans nos zones une totale insécurité. Blé Goudé qui draine un nombre important de journalistes donne l'occasion d'interpréter positivement cette visite. Elle permet en outre aux populations de savoir qu'elles peuvent se déplacer partout, sur toute l'étendue du pays, sans crainte.

Mon commandant, il se raconte qu'entre le chef suprême de votre armée, Guillaume Soro et les ex-chefs de guerre, ce n'est pas le grand amour. Qu'en savez-vous ?

Il s'agit d'une campagne d'intoxication grave. Vous dites que des gens affirment, pouvez-vous me montrer quelqu'un qui a eu une conversation avec un chef militaire qui soutient une telle position? Chacun est libre de faire ses interprétations. Si on veut s'en préoccuper, on n'avancera pas.
Nous avons eu une réunion avec le secrétaire général et c'est au cours de celle-ci que nous lui avons demandé de prendre la décision qui va aider la Côte d'Ivoire en ce qui concerne la question de la primature.

Ces mêmes rumeurs font état d'un processus de destitution du secrétaire général des Fn, Guillaume Soro.

Destitution? C'est avec vous que j'apprends cela. Par qui passera cette destitution? Nous lui avons toujours apporté notre soutien. Le secrétaire général connaît notre engagement dans le processus de paix.
Nous n'allons pas reprendre cette lutte. Cela fait 5 ans que nous luttons. A quoi servirait une destitution de notre secrétaire général. Ça va être difficile, les Ivoiriens ne sont pas prêts à faire marche arrière, vu toutes les souffrances que chacun d'entre nous a endurées.

Il se raconte dans cette entreprise de destitution que, vous aurez été contacté par des politiciens.

Moi, je n'ai aucun contact avec les politiciens. Le secrétaire général Guillaume Soro sait que les amis de mon chef ne sont pas mes amis. Je ne me permettrai pas d'appeler une autorité politique.
C'est par vous que j'apprends que j'ai été contacté par des politiciens.

En clair, vous n'avez jamais été contacté ?

Je n'ai pas de contact avec les hommes politiques. A quoi cela servirait ?

Doit-on en conclure que Guillaume Soro est en phase avec ses militaires ?

Evidemment. La preuve en est qu'il revient une fois par mois rencontrer les chefs militaires. Quitte à ces derniers de relayer la bonne information afin que tout le monde soit au même niveau d'information.

Les débats sur vos grades sont en cours en ce moment à Ouagadougou

Nous avons donné carte blanche à l'autorité politique pour prendre la décision qui sied dans l'intérêt de ses soldats. Nous avons participé à plusieurs réunions de dialogue militaire qui n'ont jamais abouti.
Dès que vous avez mandaté l'autorité pour aller parler de cette question, il faut attendre qu'elle vienne vous faire le compte rendu de sa mission.

Cette question ne nourrit-elle pas les rumeurs au sein des Forces nouvelles ?

C'est ce que je disais tantôt, il est nécessaire de relayer l'information à la base. Quand elle est coupée de l'information, il est évident qu'elle s'inquiète.
J'ai demandé à des soldats, il y a eu des rumeurs au sujet des grades, qu'est ce qu'ils en savaient? Ils m'ont répondu on dit, on dit, on dit. Personne ne pouvait me dire quelque chose d'exact. Il faut aller vers l'autorité pour avoir la bonne information.
Toutes les autorités y compris les commandants de zone sont disposées à donner la bonne information.

Mais personnellement avez- vous informé la base ?

Oui. Au lendemain des accords de Ouaga, j'ai fait venir Cissé Sindou, directeur de cabinet-adjoint du secrétaire général des Forces nouvelles entretenir mes éléments sur l'accord de Ouaga et surtout ce que le politique attendait des militaires. Il a donc expliqué la suppression de la zone de confiance, la création du Centre de commandement intégré (Cci) et le déploiement des forces mixtes. Cette sensibilisation, nous l'avons faite au niveau de la zone 3 que je commande.

Quelle est votre vision sur le problème des grades qui tend à freiner le processus ?

On ne s'en sortira pas si on veut demander la position individuelle de chacun. Il y a eu beaucoup de rencontres militaires et nous n'avons pu trouver de solutions. C'est parce que chacun voulait donner son avis que ces rencontres n'ont pas abouti.
D'une seule voix, les militaires ont demandé au secrétaire général de décider du problème des grades.

En tant que commandant de la zone 3 (Bouaké, Sakassou, Béoumi, Marabadiassa), comment entrevoyez-vous votre collaboration avec les autorités préfectorales qui viennent d'être redéployées ?

Je n'ai pas encore de contact avec eux. Un préfet reste un préfet, un sous-préfet reste un sous-préfet. Un soldat bien formé connaît la place de ses autorités. Le soldat, c'est celui qui reçoit les ordres et qui les exécute.

Allez-vous vous mettre à la disposition de ces autorités ?

Si l'autorité politique me le demande, je me mettrai à la disposition des préfets. Je suis un soldat.

Entretien réalisé par Coulibaly Brahima

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