jeudi 19 juillet 2007 par Le Front

Depuis mai 2007, le Pr Saliou Touré a été investi président de l'Université internationale de Grand-Bassam (Uigb). Imminent professeur de mathématiques, anciennement ministre de l'Enseignement supérieur, il rêvait pour l'Afrique d'une université qui répond aux normes internationales. Dans cet entretien, il nous présente l'université qu'il dirige. Une université calquée sur le modèle américain et qui devrait permettre aux étudiants africains de rivaliser avec leurs camarades des autres continents.


Pr. Saliou Touré, vous avez été investi en mai dernier président de l'Uigb. Quelles sont les caractéristiques de cette université ?

Effectivement, le vendredi 18 mai 2007, j'ai été investi président de l'Université internationale de Grand-Bassam. Cette université est de type américain, à vocation régionale qui est chargée de promouvoir la culture scientifique, la formation professionnelle dans la sous-région ouest-africaine. Dans cette université, tous les enseignements sont dispensés en anglais. Actuellement, les principales filières qui sont ouvertes dans notre université sont le ?'business administration'' avec les finances, la comptabilité, la gestion du personnel. Il s'agit également de l'informatique. L'autre filière importante, ce sont les relations internationales. Et pour l'instant, l'école étant dans sa phase de démarrage, nous ne délivrons que le ?'bachelor''. Plus tard, nous allons délivrer le ?'Master'' et après le ?'PHD''.

Vous avez cité les filières que vous y proposez et les diplômes. Alors peut-on faire des équivalences dans le système universitaire ivoirien ?

Les diplômes qui vont être délivrés par l'université internationale de Grand-Bassam sont américains. Il faut que cela soit clair. Il ne s'agit ni du Deug, ni de la licence, encore moins de la maîtrise que nous connaissons dans nos universités ivoiriennes. Ce sont des diplômes américains. Et le système américain demande qu'après le baccalauréat, après 4 ans d'étude universitaire, que l'étudiant passe le bachelor. Puis 3 ans après, qu'il fasse le master en science, en business, en économie ou encore en art, etc. Et après, il a la possibilité de faire le Phd qui correspond à notre doctorat d'Etat. Donc soyons clair, ces diplômes-là n'ont pas d'équivalents chez nous. Mais, celui qui obtient son diplôme à l'Uigb aura la possibilité de le valoriser aux Etats-Unis. Ces diplômes sont reconnus de plein droit aux Etats-Unis.

Quels sont les critères d'accession à l'université internationale de Grand-Bassam ?

La première condition, c'est d'être bachelier. C'est avec le baccalauréat que l'on peut accéder à l'université internationale de Grand-Bassam. Celui qui vient avec son baccalauréat est ensuite soumis à un test d'entrée. Nous avons également l'examen de dossier car, nous voulons être sûrs que l'étudiant qui nous arrive, a la capacité de s'intégrer dans le milieu social qu'il va connaître. Dans ce sens, nous lui faisons faire un entretien avec les enseignants pour vérifier le niveau académique d'une part et, d'autre part, pour avoir une idée du comportement social. Est-ce que l'étudiant qui arrive, est capable de s'adapter au milieu social ? Est-ce qu'il est en mesure de s'intégrer dans l'environnement scientifique qui l'accueille ?

Une université se juge à l'aune de sa recherche, quelle est la place de la recherche à l'Uigb ?

Je dois dire que jusqu'à mon arrivée, il n'y avait pratiquement pas de recherche à l'Uigb. Mais, c'est conscient de l'importance de la recherche pour une université, conscient de ce qu'il ne pourrait y avoir une université digne de ce nom sans recherche scientifique que j'ai fait adopter un organigramme qui donne une place à la recherche scientifique. J'ai donc créé, de toutes pièces, un département de recherche et de partenariat avec les secteurs économique, social et également des entreprises. Donc, le nouvel organigramme de l'université de Grand-Bassam prend en compte la recherche. Ce qui n'existait pas jusqu'à maintenant.

Pour réussir le pari d'une université crédible, il faut certainement un corps professoral motivé et dévoué. Comment ces derniers sont-ils recrutés et de quelles ressources humaines et matérielles disposez-vous actuellement ?

Je dirais que nous disposons actuellement d'un corps professoral de haut niveau. Il y a des Phd, des titulaires du Master et il y a des professionnels, des gens qui travaillent dans des entreprises, des gens hautement qualifiés qui donnent des cours chez nous. Donc au total, il s'agit d'enseignants qualifiés. Il y a plusieurs Phd, il y a des titulaires du Master. Mais, ce que je souhaite, c'est qu'à la longue, tous les enseignants de l'Uigb soient titulaires du Phd. Des gens qui ont le Phd et qui font également de la recherche. Non seulement, les enseignants doivent faire de la recherche, mais ils doivent aussi participer aux activités administratives. Se rendre utiles à la population de Grand-Bassam. A la population ivoirienne d'une façon générale. Voilà la qualification de nos enseignants et, ce que nous attendons d'eux. Il y a une sélection rigoureuse qui se fait sur analyse de dossier et moi-même je participe à la commission de recrutement de nos enseignants.

Quelle est aujourd'hui la capacité d'accueil de l'Uigb ?

L'Uigb a une capacité d'accueil, pour le moment, d'environ 150 étudiants. Malheureusement, pour l'instant nous n'avons que 50 étudiants. Nous sommes en train de faire le nécessaire pour attirer vers l'Uigb plusieurs étudiants de la sous-région. Raison pour laquelle nous multiplions les sorties dans les organes de communication. Très bientôt, nous allons entamer la construction de notre campus car nous disposons d'environ 60 hectares à Grand-Bassam pour construire un campus qui, je l'espère, sera fonctionnel dans quelques années.

Le montant de votre formation, fixé à 5 millions, semble excessif pour nombre d'Ivoiriens. L'Uigb est-elle une université réservée à une classe sociale donnée ?

C'est vrai que le coût peut paraître assez élevé pour l'instant. Mais, sachez qu'une formation de qualité comme celle que nous donnons à l'Uigb a un coût. De toute façon, comme je le dis souvent, si vous envoyez votre enfant aux Etats-Unis, vous allez payer 3 ou 4 fois plus cher que ce que l'on paie ici. C'est une formation de qualité que nous dispensons. Et si nous voulons que l'Uigb soit une université de référence en Afrique, il va falloir que nous y mettions le prix. Mais, sachez que nous entreprenons des démarches auprès des autorités ivoiriennes et des organismes internationaux afin que nos étudiants, les meilleurs, puissent bénéficier de bourses d'étude. Certains pourront avoir des bourses d'organisations internationales aux Etats-Unis. Et j'en ai rencontré deux quand j'y étais récemment au mois de mars. Les deux sont prêtes à mettre à notre disposition des bourses pour nos étudiants.

Le fonctionnement d'une université de la trempe de l'Uigb devrait nécessiter de gros moyens financiers. D'où provient votre budget ?

Pour l'instant, l'Etat ivoirien accepte de financer nos activités. Le budget de fonctionnement, le budget d'investissement, tout cela vient de l'Etat de Côte d'Ivoire. Mais, nous avons des promesses intéressantes venant de certaines entreprises des Etats-Unis pour nous aider à financer l'ensemble de nos activités. A la fois le fonctionnement et l'investissement. Il faut dire aussi que les frais de scolarité payés par nos étudiants permettent de couvrir certaines dépenses. Pour le moment, le budget n'est pas très important. Mais, nous essayons de faire avec, pour développer, investir dans l'équipement. Par exemple, le service d'information et de technologie a été financé, de même que la bibliothèque. Ce que l'étudiant paie, permet de l'héberger, de prendre en charge sa restauration. Les trois repas lui sont offerts. Je crois donc que nous faisons le maximum pour créer les conditions d'un environnement propice aux études.

Quelle image voulez-vous que l'on retienne de l'Uigb dans les années à venir ?

Je souhaiterais faire de l'Uigb une université de référence comme je l'ai déjà dit. Ça veut dire quoi une université de référence ? Cela veut dire une université où la qualité et la pertinence de la formation sont avérées. Afin de permettre aux étudiants que nous avons formé de trouver de l'emploi dans les entreprises nationales et étrangères. Nous voulons que cette formation soit une formation de qualité parce qu'aujourd'hui il ne doit pas y avoir de complaisance. Les étudiants africains doivent avoir le même niveau de formation que leurs camarades américains, européens, asiatiques. Donc une université de référence, cela signifie également que nous voulons que les enseignants et les étudiants travaillent. Que les exigences internationales soient respectées dans notre université. Nous voulons que l'image que nos étudiants donneront à l'extérieur, soit positive ; de façon à ce que ceux qui vont les recruter après leur formation soient heureux d'avoir avec eux des gens sérieux, des gens compétents. Des travailleurs sérieux qui apportent quelque chose au développement économique et social de la nation. En somme, nous voulons donner à cette université, l'image d'une université du 21e siècle. Nous voulons que l'Uigb soit une université du 21e siècle qui participe au développement de la pensée scientifique. Et qui participe au rayonnement de la Côte d'Ivoire et de l'Afrique toute entière.

Vous êtes, à l'origine de la reforme de l'enseignement supérieur en Côte d'Ivoire. Quel bilan faites-vous de cette réforme une décennie après ?

Je ne voudrais pas m'appesantir sur le bilan. C'est en 95 que nous avons fait les réformes de l'enseignement supérieur. La loi des réformes date de septembre 95 cette réforme avait pour objectif de définir de nouvelles priorités à l'enseignement supérieur et à la recherche scientifique. Je crois que cette reforme a donné des résultats intéressants. La preuve en est qu'à l'époque, les pays voisins ont demandé nos textes et les ont appliqués. Je peux citer le Sénégal et le Burkina Faso entre autre qui nous ont écrit pour demander les textes, les décrets de la loi de reforme. Cette reforme, a donc été faite et elle continue d'être appliquée. Car, conformément à ce que nous avions décidé, aujourd'hui, les universités de Cocody, d'Abobo, de Daloa, de Bouaké comportent toutes des Ufr. Nous avions souhaité associer les étudiants, les personnels techniques, les chefs d'entreprises au conseil de gestion de l'université. Parce que nous estimons que l'université doit se mettre au service du développement. Donc, il fallait permettre à ceux qui vont embaucher les étudiants formés de participer à la vie de l'université. Tout cela, se sont des propositions qui ont été maintenues par les différents ministres qui se sont succédés après mon départ. Bien que toutes ces reformes n'ai pas été encore appliquées, je pense qu'elles étaient nécessaire pour l'évolution du système de l'enseignement supérieur en Afrique.



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