mercredi 1 août 2007 par Le Matin d'Abidjan

Des signes qui ne trompent pas. Les populations de Bouaké ont vivement manifesté dimanche dernier, leur désir de sortir de la crise. Le séjour des patriotes s'est ainsi mué en une foire aux bonnes intentions. A travers des scènes dénuées d'hypocrisie, les partisans du Premier ministre ont donné l'assurance que Soro ne prêche pas dans le désert.

Les grandes retrouvailles à Bouaké ont duré moins de 24 heures. Sans doute insuffisantes pour réapprendre à vivre ensemble. Mais assez, de l'avis de tous, pour estimer que le processus de paix est irréversible. Tous les signaux sont au vert. Et le séjour des populations venues communier avec celles de Bouaké laisse des traces indélébiles qui augurent des lendemains de paix. Premier signe physique de la détermination des partisans de Soro à faire barrage aux rabat-joie : l'accueil des convois venus d'Abidjan et d'autres villes. Aux portes de la capitale de la Vallée du Bandama, une impressionnante haie d'honneur. Les leaders de la galaxie patriotique qui arrivent à Djebonoua, dimanche 29 juillet à 15 h et demi, sont happés par une foule compacte. Les échanges de civilités, la chaude ambiance, les étreintes non feintes, constatées en ces lieux, devraient donner du fil à retordre aux détracteurs du compromis politique de Ouaga. L'euphorie des populations de Bouaké, leur joie, visible, de recevoir les jeunes patriotes en disent long sur la reconversion des mentalités. La très forte intoxication d'avant septembre 2002 et bien après, a vécu, peut-on aujourd'hui affirmer. Tout visiteur qui a fait un détour par le fief central de la rébellion en 2004, est formel. Les choses ont changé, et les partisans de Guillaume Soro l'ont démontré à leurs amis venus de la zone gouvernementale. Eugène Djué, Blé Goudé, Watchard, Anoï Castro, Elie Hallassou et les autres ont vécu d'intenses moments. Sur les tee-shirts qu'arborent les Bouakééns, un message clair : "les amis de la paix vous souhaitent la bienvenue." Au corridor sud de Bouaké, où les visiteurs prennent pied plus tard, le mercure monte d'un cran. Le cortège du Gal Mangou est salué au passage par les jeunes patriotes et FN. Des militaires du MPCI sont de la partie

Réunification avant l'heure
A la demande des populations, les chefs de file de mouvements patriotiques entament une marche pour une entrée triomphale dans la ville. Tout le long du trajet, des faits qui ne passent pas inaperçus. La paix qui sera célébrée le lendemain est sur toutes les lèvres. Blé Goudé et ses compagnons avancent difficilement. Chacun veut les toucher. D'autres écrasent des larmes, tant l'émotion est forte. Des tee-shirts à l'effigie de Gbagbo et Soro, portés par les hôtes de Bouaké, témoignent de la volonté de tirer un trait sur le passé. Moment fort. La procession s'ébranle à pas de tortue. La foule qui s'épaissit au fil du temps, barre la route, histoire de voir ou toucher un membre de la galaxie patriotique. Eugène Djué, Blé Goudé et les autres se prêtent sans hypocrisie au jeu. Puis, à mi-chemin du centre ville, les jeunes des deux bords matérialisent symboliquement le désir commun de vivre dans un pays réunifié. Coulibaly Zié, le président de la jeunesse des Forces nouvelles vient à la rencontre des patriotes. Il est à la tête d'une délégation et tient dans ses mains un objet d'art taillé dans du bois. Il s'agit d'une moitié de la carte de la Côte d'Ivoire, représentant les zones assiégées. De l'autre côté, Charles Blé Goudé possède l'autre partie, la zone gouvernementale. Les deux leaders se croisent et sous les vivats nourris de l'assistance, recollent les deux parties séparées depuis le 19 septembre 2002. La foule est en extase, face à cette initiative de haute portée. Il était alors 18 heures et demi. Déduction : la promesse de Guillaume Soro de faire aboutir le processus de paix est soutenue par sa base. A tout le moins à Bouaké, où les jeunes, vieux et femmes semblent s'inscrire dans l'accord de Ouaga, chaudement salué à travers la ville. C'est sans doute fort de ce soutien populaire qu'à la cérémonie de ''la flamme pour la paix'', et bien avant, le Premier ministre s'est voulu sans ambages. "Que chacun comprenne que ce processus est irréversible", a lancé Soro lors de la cérémonie, invitant les pourfendeurs de l'accord de la paix à " tourner le dos aux intrigues, aux assassinats et aux attentats. " Au demeurant, insiste-t-il, se référant à la forte affluence au stade de Bouaké, " face à tant d'engouement et de ferveur, nul n'a le droit de ramer à contre courant du processus de paix. "

Wattao héberge Blé Goudé
En tout état de cause, croit fermement Soro, les poches de résistance ne peuvent prospérer. Car " il y a un temps pour faire la guerre, un temps pour faire la paix, un temps pour se battre, un temps pour se réconcilier, un temps pour prendre les armes, un temps pour les déposer. " Mieux, le Premier ministre qui ne veut laisser planer l'ombre d'un doute sur le processus, tient un pari : " j'offre aux Ivoiriens ma détermination, mon engagement. J'irai jusqu'au bout de la paix de façon acharnée. " On peut le dire, les populations sont de cet avis. A la séance de réunification du pays version jeune qui a précédé d'un jour l'incinération des armes, s'ajoutent d'autres faits plutôt encourageants : la communion totale au détour des routes ou encore les railleries dans les débits de boissons, entre deux verres et les points chauds de la ville en général. En sus, les militaires FDS et FN qui prennent un pot en se remémorant de vieux souvenirs, confortent les signataires de l'accord. Dans la foulée, les FN donnent des gages de bonne foi. Ainsi Issiaka Ouattara dit Wattao a tenu à héberger Charles Blé Goudé. Le patron en second de l'aile militaire des FN a offert l'hospitalité au président du COJEP qui a saisi la balle au bond. Il s'agit pour l'invité de contribuer à la levée de toutes les barrières, redonner la confiance à tous, et aider à faire barrage à ceux qui combattent l'accord de Ouaga, in fine, les pourfendeurs du processus en cours. Autre indice du retour progressif à la normale : le déclin des chantres des clivages religieux et ethniques. Ils n'ont plus pignon sur rue, chacun exigeant des hommes politiques, un programme de gouvernement.

Guillaume N'Guettia

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023