lundi 3 septembre 2007 par Fraternité Matin

La production cacaoyère dans le département connaît de façon drastique une chute imputable à l'exportation frauduleuse.
À défaut de chiffres officiels fiables sur la quantité exacte de cacao qui sort du département d'Aboisso pour le Ghana, l'on se réfère au différentiel dans le tonnage, pour évaluer, à chaque campagne, l'ampleur des dégâts. Le trafic, de par sa nature, ne se soumet pas à la mesure des services compétents en la matière. La direction régionale de l'Agriculture note toutefois que la production de cacao à Aboisso a régressé de façon vertigineuse ces dernières années. Alors que de 2001 à 2003, cette production dépassait les 30 000 t, depuis 2005, l'on a connu une chute notable pour se situer à 18 000 t. L'on a beau avancer comme principales causes, les aléas climatiques et le manque d'entretien des exploitations, il reste que la raison principale réside dans le phénomène du trafic. Un phénomène qui, au fil des ans, draine vers le Ghana, des quantités de plus en plus importantes de fèves de cacao. C'est conscient du phénomène de la fuite du cacao ivoirien vers les pays voisins et soucieux d'en limiter les effets néfastes sur l'économie nationale, que des comités de suivi café-cacao ont été installés sur le territoire national. Des structures officielles de lutte présidées au niveau des régions productrices par les préfets. Malheureusement à la pratique, ces comités pour la plupart n'existent que de nom. Tant les problèmes d'ordre matériel entravent le fonctionnement effectif de ceux-ci. Car même s'il a usé de son autorité pour rallier à la lute, la quasi- totalité des acteurs sociaux et des opérateurs économiques au niveau d'Aboisso, M. Jacques Obouo, le préfet d'alors, n'a eu de cesse de regretter le dénuement logistique dans lequel évoluait son comité. Avant de lancer son cri du c?ur, l'administrateur indique : N'ayant pas de moyens de déplacement à notre disposition, nous avons responsabilisé au niveau de chaque village les chefs. Le préfet s'est alors tourné vers les structures officielles de la filière. Elles dont les ressources sont tributaires de la quantité de produits livrés à la vente. En toute logique, estime l'administrateur, celles-ci doivent aider matériellement les organisations locales de lutte sur le terrain. Aussi, émet-il le v?u de voir le comité de suivi d'Aboisso doté d'un véhicule 4X4 pour sillonner le département et mener avec efficacité le combat contre le trafic. Dans la foulée, un camion pour la collecte des produits saisis ferait l'affaire de ces volontaires du département. Mieux, ils seraient plus motivés pour la lutte, s'ils étaient intéressés en nature ou en espèces. Les raisons avancées par les producteurs impliqués dans la vente illicite du cacao ivoirien au Ghana, vont du prix d'achat, jugé bas, au taux de réfaction qu'ils jugent trop élevés à la livraison. L'on note également les tracasseries dont sont l'objet les acheteurs sur les routes. Pendant que l'on nous prend le kilo à 350F, parfois même à 300 bord-champ, soutient Assémien N'Datchi, nous livrons le même kilo à 400F sinon plus, de l'autre côté. Cette pratique désavantageuse par rapport au prix fixé au producteur, est due, estiment les acheteurs et exportateurs aux nombreuses pertes subies par ceux-ci. Pertes occasionnées par les charges supplémentaires auxquelles ils doivent faire face, une fois le produit acquis. S'ils devaient prendre les produits bord-champ au prix indicatifs de 400, les acheteurs craignent qu'ils ne s'en sortiraient pas. Vu les charges qu'ils doivent supporter de l'achat à l'exportation. Face à ces obstacles permanents, regrette Madou Touré, acheter de produits nous n'avons pas d'autre choix que d'ajuster les prix pour pouvoir tenir. Des prix qui, après tout, précise-t-il, ne sont qu'indicatifs. Pendant longtemps, les paysans ont fait contre mauvaise fortune, bon c?ur. Ils ont livré leurs produits bon an mal an à des prix bien en-deçà de leur valeur et des efforts fournis. Le malaise a perduré jusqu'aux années 2000, où une lueur d'espoir d'une meilleure rétribution de leurs efforts à travers la filière ghanéenne a été perceptible. Des fils du département, qui régulièrement se rendaient de l'autre côté de la frontière, se sont imprégnés des réalités des prix d'achat qu'ils ont vite jugés à leur avantage. Les premiers contacts établis, ils ont commencé à écouler les petites quantités de l'autre côté de la frontière par des pistes villageoises. Au fil des ans et au regard de l'aisance matérielle qu'étalaient peu à peu les premiers candidats au trafic, de nouveaux adeptes vont y adhérer et de nouvelles vocations vont voir le jour. Quand les acheteurs ghanéens ne prennent pas le risque de se trouver eux-mêmes sur le territoire ivoirien, ils bénéficient dans les villages de représentations locales bien établies. Des personnes qui se donnent les moyens matériels, physiques et financiers pour mener à bien leurs missions. Pour éviter toute sorte d'entrave, la dissuasion, la corruption et parfois même la violence quand cela est nécessaire, sont les méthodes utilisées pour venir à bout de ceux qui leur tiennent tête.
Et avec leur ardeur et l'efficacité de leurs stratégies sur le terrain, les trafiquants ont réussi à chasser de la zone d'Aboisso de nombreux exportateurs agréés qui y exerçaient. De 37 lors de la campagne 2001-2006, il ne reste plus que 4 exportateurs agréés à ce jour. De nombreux pisteurs officiels ont, eux aussi, déserté les lieux. Et à l'image d'un engrenage auquel manquent des maillons essentiels, le système de production, de collecte et de commercialisation du cacao dans le département est grippé. D'où l'incapacité du comité de suivi de fonctionner, encore moins de suivre quoi que ce soit. Puisque, revèle Mme Andoli, la directrice régionale de l'agriculture, ceux-ci contribuaient à la survie de la structure à raison de 20000F de cotisation par pisteur . En dépit de ces insuffisances et obstacles à son fonctionnement, le comité, présidé par le préfet, a usé de volontarisme et de créativité pour être présent sur le terrain. Il a suscité au niveau de chaque village l'installation de comités villageois de surveillance. Ils ont pour mission de dénoncer tout fraudeur. Vu les risques qu'ils prennent, le préfet, en accord avec les autres membres, a décidé d'intéresser ces informateurs à partir des ventes effectuées sur les saisies. L'implication des populations locales dans la lutte contre le trafic ne concerne pas que les jeunes du village. L'administrateur civil a aussi responsabilisé les chefs de village. Pour expliquer tout le sérieux qu'il mettait dans l'affaire, le préfet avait prévenu : si nous apprenions qu'à partir d'un village des produits sont partis au Ghana, alors le chef serait tenu pour responsable de cette fuite . Cette collaboration, en dépit de nombreuses insuffisances, a cependant donné des résultats probants. Ce fut le cas au mois d'août 2006 avec la saisie de 16 t de cacao stockées dans un campement et prêtes à être évacuées sur le Ghana. Sur un appel anonyme en provenance de Dadiesso, le préfet a fait appel aux forces de l'ordre, loué un véhicule pour aller appréhender les fraudeurs et saisir les produits. Face à tant de sacrifices et d'efforts, l'on estime à Aboisso être en droit de bénéficier d'un minimum de soutien. Parce que l'avènement des magasins généraux, qui focalise en ce moment l'attention des premiers acteurs de la filière, ne sera effectif et efficace que si ceux-ci sont approvisionnés en fèves. Or dans le département l'essentiel de la production prend la direction du Ghana. L'objectif des magasins généraux, a dit le président de la BCC, est de sécuriser les revenus des producteurs. En évitant, pensons-nous, les déperditions dans la collecte. Si tel est le but poursuivi, poser le premier acte de sécurisation de ce revenu en luttant contre la fuite du produit vers d'autres cieux serait le plus noble des engagements. Ce qui serait la preuve que les structures officielles de la filière sont soucieuses de l'épanouissement des planteurs, par la mise en ?uvre effective de politiques sectorielles de promotion et de développement de la filière. La lutte contre le trafic du cacao dans le département d'Aboisso est sans aucun doute la bienvenue. Repères
COMITES. Dans le souci de rendre efficace, la lutte contre le trafic du cacao vers le Ghana, des comités locaux ont été installés dans les villages. Ce sont des entités de collaboration pour le comité de suivi et la brigade. Ces comités fournissent des informations sur les opérations de trafic en préparation ou en cours dans les villages. COMPLICITE. Les structures de lutte contre la fuite du cacao dans le département d`Aboisso ont détecté de nombreuses complicités internes. Ce sont des individus ou groupes organisés qui, dans les villages, planifient et organisent le trafic. Pour réussir leurs missions, ces complices fournissent des informations aux trafiquants sur les jours et heures favorables aux sorties.
PRIME. Afin d`optimiser l`action des indicateurs dans les villages, le comité de suivi a décidé d`intéresser ceux-ci à travers l`octroi de primes d`encouragement. Il a de ce fait, envisagé de leur rétrocéder 30% de la vente des produits saisis. Question de motiver ces individus qui risquent gros pour ce travail bénévole.
INDICATEURS. Dans la stratégie de lutte contre la vente illicite du cacao au Ghana, les indics constituent un maillon essentiel de la chaîne. Ce sont des personnes anonymes qui dans chaque village suivent les faits et gestes des trafiquants et de leurs complices. Avec des moyens du bord, ils communiquent aux structures de lutte, les informations utiles sur tout projet ou toute opération de fuite du cacao vers la frontière. BRIGADE. La brigade départementale de lutte contre la fuite du cacao en direction du Ghana, a été créée le 28 février 2005. Elle a vu le jour à l`issue d`une assemblée générale constitutive à SIFCA-COOP à Assouba. Plus de 500 personnes dont des chefs de village, les producteurs et autres opérateurs économiques ont participé à la naissance de ce projet. Option : Le bénévolat ne suffit plus
Le phénomène du trafic du cacao ivoirien vers le Ghana est connu et su de tous. Malheureusement cette situation est en train de mettre à mal l'économie cacaoyère dans le département.
Parce que, pendant que les transactions financières qui se nouent et se développent autour du cacao ivoirien, échappent à la douane nationale, des deux côtés de la frontière, des individus qui vivent et prospèrent avec la rente du trafic. La manne est si juteuse, les intérêts si colossaux, que des complicités internes sont nées à tous les niveaux de la chaîne de la fuite. Et la gangrène de la mafia, chaque année s'étale pour pourrir le corps socio-économique départemental. Au plan local, les autorités n'ont pas encore baissé les bras. Puisque par correspondances officielles, à travers la sensibilisation sur place et parfois par la répression, elles n'ont de cesse d'attirer l'attention de la communauté nationale sur le danger de la mort programmée de l'économie cacaoyère dans le département. De toutes les explications que l'on fournit sur les raisons de la baisse de la production nationale, nulle part on ne fait cas du trafic du côté d'Aboisso. La baisse de la pluviosité, les maladies de la swollen shoot ne suffisent pas à endosser les raisons de la chute. Le président de la Bourse du café-cacao (BCC) indiquait, au début du mois de juillet, au cours d'un entretien radiodiffusé, que la campagne précédente a enregistré une perte de 11%. Pour le président Tapé Doh, la sécheresse et la maladie du cacaoyer sont à la base de cette mauvaise passe. C'est d'ailleurs pour cette raison que la bagatelle de 1 milliard a été décaissée au bénéfice du CNRA, pour combattre le mal. Tout en reconnaissant la noblesse de ce combat qui, somme toute, mérite d'être mené, il reste que d'autres causes non moins d'importance et réelles valent la peine d'être défendues. Parmi celles-ci, figure en bonne place la lutte contre le trafic du cacao ivoirien vers le Ghana. Aujourd'hui, dans le département d'Aboisso, la bonne foi et la volonté affichée depuis des années par les bénévoles de la lutte, ne suffisent plus. L'ampleur du phénomène, l'importance des intérêts économiques et financiers en jeu, la radicalisation des complicités internes sont telles que des moyens plus importants doivent être déployés. Le plan de bataille existe déjà au niveau local avec l'avènement des comités locaux. Autorités administratives, services publics et privés directement ou indirectement concernés par le phénomène. Jusque-là, leurs actions n'ont pas véritablement connu l'effet escompté, à savoir réduire le trafic pour en arriver à l'éradication. A cela, il n'y a qu'une raison essentielle: le manque de moyens adéquats, indispensables à la traque des malfrats.
Des complicités favorisent la fraude. Le mardi 7 novembre 2006, deux agents de la direction régionale de l'Agriculture d'Aboisso ont été pris en otages dans le village de Diby. Ils y ont été séquestrés de 20h à 03 heures du matin, soit pendant 7 heures. Leur tort aura été ce jour-là de s'être rendus dans ledit village pour, expliquent-ils, faire échec à une opération de trafic de cacao dont ils avaient eu écho par le canal d'informateurs locaux. En tout cas, les contusions et légers traumatismes avec lesquels ils sont rentrés à leur base, démontrent éloquemment des brimades et violences dont ils ont été l'objet. L'épisode de Diby, s'il n'est pas un cas isolé comme on le reconnaît sur place, est l'illustration à la fois de l'intérêt et du danger que présente le trafic du cacao dans le département. Au risque, bien souvent, de leur vie, les agents de l'Agriculture, les membres du comité de suivi, ceux de la brigade de lutte et parfois les agents des forces de l'ordre, sillonnent villages et campements pour traquer les fraudeurs. Les enjeux financiers qui sous-tendent le trafic sont à Diby comme partout ailleurs à la base du courroux d'une frange de la population villageoise. Majoritairement jeunes, ces gens-là qui gagnent gros dans l'affaire ne peuvent, pour rien au monde, accepter que des individus viennent gâcher leurs business.
C'est pourquoi surexistés et proférant des menaces, racontent les agents, ils ont voulu leur faire la peau. Ce fut finalement au prix de moult négociations et conciliabules que les infortunés traqueurs pris au piège furent libérés. Avec en plus des douleurs physiques, les essuie-glaces du véhicule brisés et ses pneus dégonflés. Le trafic du cacao à Aboisso, comme le soutient un officiel ici, est devenu une grosse affaire dans laquelle de plus en plus de personnes y trouvent leur compte. Il s'est, en effet, créé depuis l'avènement du trafic, une nouvelle race de businessmen qui a pignon sur rue. Des complices locaux qui servent de relais aux trafiquants. Leur rôle : sillonner campements et villages à la recherche du produit, en faire la collecte, le conditionner dans des magasins pour ensuite les convoyer jusqu'à la frontière ou même à l'intérieur du Ghana. Ces représentants ou collaborateurs locaux qui bénéficient de commissions très intéressantes sont par conséquent prêts à tout. Avec pour objectif essentiel : assurer la pérennité du phénomène en veillant par tous les moyens au succès des missions à eux confiées. De plus en plus, révèle N.K., un indic de la brigade de lutte, une organisation savamment mise en place opère au vu et au su de tous dans les villages . De nombreux jeunes déscolarisés et désoeuvrés y trouvent un moyen illicite d'enrichissement facile, confie-t-il. Presque rien dans toutes les velléités de lutte entreprises sur place, ne peut contre la détermination de ces nouveaux riches. Le phénomène devient d'autant plus inquiétant qu'il prend d'année en année des proportions importantes. Les trafiquants, au fil des campagnes agricoles, rallient à leur triste cause beaucoup de villages et de paysans. Des personnes qui au départ avaient fait de la résistance ou joué aux indifférents. Tout est, en effet, mis en ?uvre, au plan financier, pour contrer l'action de lutte et de dénonciation. Au point que des scènes populaires de révolte contre les barrages des Forces de l'ordre sur certaines pistes ont été organisées. Au cours de l'année 2006, les campagnes de destruction de certains de ces barrages menées par des jeunes ont rythmé les relations entre villageois et forces de l'ordre. Les Kia et autres camions-remorques chargés de sacs de cacao continuent de sortir des villages, traversent la frontière en passant par les nombreuses pistes de la fraude sans que personne s'émeuve. Une indifférence générale dictée par l'inexistence, justifie-t-on, de moyens adéquats pour traquer les fraudeurs. Mais bien plus, avouons-le, pour traduire un certain dépit, pis, une révolte face à l'inaction ou à la politique de l'autruche pratiquée par les premiers responsables de la filière. La fraude sur le cacao ivoirien, pendant qu'elle fait perdre d'énormes sommes d'argent à l'économie nationale, enrichit des individus. Le business du trafic a fait des businessmen et businesswomen de part et d'autre de la frontière. Des hommes et femmes qui, avec le flair des grands dealers, sont, nous a-t-on confirmé, à la tête de petits empires financiers. Et comme les grandes affaires sont souvent la source de différends économico-financiers, de nombreux cas de détournements, d'abus de confiance ont pu être observés. Ce sont des conflits financiers qui, selon nos informateurs, ont conduit en prison de jeunes intermédiaires ivoiriens, de l'autre côté de la frontière. Mais ces accidents de parcours , comme se plait à les appeler Atta Marc, sont loin de dissuader les volontaires au partenariat dans le trafic.
Parce que, selon ses dires, beaucoup de personnes que nous connaissons ici, avec un niveau social peu enviable ont aujourd'hui des réalisations grâces à ça . Voici pourquoi, dès que s'annoncent les campagnes, surtout la grande, c'est la course à la recherche de partenaires de l'autre côté, pour une nouvelle aventure. Des missions de recherche sont conduites là-bas pour appâter et pêcher les meilleurs bâilleurs de fonds, dit-on. Atta estime que le phénomène ne pourra connaître un début de solution que lorsque les prix d'achat bord-champ de la fève seront revus à la hausse. Encore faudrait-il, s'empresse-t-il de préciser, que les tracasseries sur la route lors du transport du cacao vers les ports, prennent fin. Et ce combat, estime-t-il, est le vrai qui vaille la peine d'être mené par les structures nationales. Au demeurant, souligne M. Kassy Kouao, le président de la brigade de lutte, il faut que l'Etat comprenne qu'il perd de l'argent et beaucoup d'argent avec la fuite . Avec le trafic ajoute-t-il, les exportateurs n'auront plus confiance en nous. Il n'y aura donc plus de financement et l'Etat perdra énormément à travers le DUS . A ce propos, le préfet, M. Obouo Jacques, avait en son temps, tiré la sonnette d'alarme et appelé à la prise de conscience et à la mobilisation tous azimuts. Les structures, avait-il déclaré, doivent savoir que leurs ressources dépendent des quantités de produits vendus .
Dans l'immédiat, la dotation des différentes structures locales de lutte en moyens adéquats pourrait contribuer à intensifier sur place la lutte. Dans l'intérêt et pour le bénéfice de tous : producteurs, acteurs économiques et sociaux, pouvoirs publics et structures de régulation.





Focus : La brigade de lutte crie sa déception

Face à la saignée que subissait l'économie cacaoyère à Aboisso, Kassy Kouao, chef de village de Sogan, a décidé d'agir. Il a battu le rappel de tous ceux qui partagent avec lui la foi de la défense des intérêts des producteurs de fèves. Avec pour objectif majeur: la mise sur pied d'une structure de lutte contre le trafic du cacao vers le Ghana. Car, justifie-t-il, au-delà des producteurs et même du département c'est le pays qui perd de l'argent. Emanation de l'Association nationale de lutte contre la vente illicite du cacao et du café ivoiriens, la brigade est née le 28 février 2004. Pour la réalisation de ses objectifs et la conduite de ses actions sur le terrain, l'initiateur va bénéficier du soutien de nombreux chefs de village. Au risque de sa propre vie et de la sécurité de ses collaborateurs, Kassy et sa brigade se lancent dans la traque aux fraudeurs dans le département. Les menaces anonymes et à visages découverts, lui et son équipe en ont reçues à tout bout de champ. A telle enseigne que craignant pour sa vie, il décide à un moment de se mettre sous protection. De fait, explique-t-il, je me suis fait beaucoup d'ennemis, les gens m'en voulaient parce que je constituais un obstacle à leurs affaires.
C'est pour avoir pris tous ces risques sans qu'en retour il ne reçoive la moindre reconnaissance de la part des structures, que Kassy dit Boby Solo et à travers lui, la brigade, crie sa déception. Car depuis que la brigade s'est engagée dans le combat, elle n'a reçu aucune assistance, ni aide de la part des structures censées l'aider. Surtout qu'en dépit de toutes les menaces, la brigade a continué de livrer bataille contre les trafiquants.
Consciente de la portée de son action, la brigade s'est même attachée les services d'indicateurs dans les villages. De nombreux succès ont été enregistrés par ces équipes de veille. Au nombre desquels, la saisie en 2006 de 5 camions et d'un camion à remorque chargé de cacao frauduleux en partance pour le Ghana. Après 3 années d'existence et malgré sa bonne volonté et celle indubitable de ses collaborateurs, le chef a décidé de prendre du recul. Non pas parce qu'il est éreinté par le poids des nombreux sacrifices matériels et moraux consentis. Des véhicules personnels en épave, d'énormes pertes financières, injures et menaces de mort. Par ce recul, sa brigade et lui veulent plutôt crier leur ras-le-bol, leur déception face au désintérêt qui, selon eux, frise le dédain de la part des premiers responsables de la filière. Plusieurs fois, explique le chef, j'ai écrit aux structures, expliqué ce qui se passe, sans que je ne reçoive une moindre réaction en retour.
Gagné par le découragement, le premier responsable de la brigade a fini par prendre la résolution de mettre un terme à son combat.
Toutefois, et comme trahi par sa nature de défenseur des intérêts des siens et de ceux de son pays, Kassy Kouao se dit prêt à reprendre la lutte. A condition, clame-t-il que les responsables nous prennent au sérieux et qu'ils nous donnent les moyens nécessaires à notre action. Parce qu'il s'agit de prendre conscience que la fuite du cacao ivoirien vers le Ghana est une menace réelle pour l'économie cacaoyère. Dès lors, la prise de mesures idoines en vue de son éradication doit être une priorité pour tous: structures de régulation et autorités gouvernementales.

Arsene Kanga
Correspondant régional

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