mardi 4 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Pour la première fois depuis environ deux ans, Jean Claude Kouassi se confie à un journal. L`ex-directeur de cabinet du Premier ministre Charles Konan Banny, parle (pour la première fois) du passage de ce dernier à la primature et explique pourquoi il n`a pas réussi à organiser les élections. En tant que président du conseil général de Bouaké, il parle de ses relations avec les Forces nouvelles, de l`état des lieux dans son département et du député Allou Konan pour la première fois. Monsieur le président du conseil général de Bouaké, vous étiez présent à la cérémonie de la flamme de la paix. Comment avez-vous vécu cet évènement et quel accueil vos populations lui ont réservé ?
Les populations du département de Bouaké et de la région de la Vallée du Bandaman et même de toute la Côte d`Ivoire ont réservé un accueil très chaleureux et très enthousiaste à la Flamme de la paix. J`ai été personnellement heureux de prendre part à cette cérémonie qui, pour moi, était le symbole de la réunification de la Côte d`Ivoire qui retrouve l`intégralité de ses 322.462 Km². Cet évènement a symbolisé également la réconciliation de notre pays avec lui-même, avec ses voisins et avec tous les pays du continent africain. Cette réconciliation a été particulièrement marquée par la présence de six chefs d`Etat africains dont les Présidents Blaise Compaoré du Burkina Faso et Ahmadou Toumani Touré du Mali. Cette cérémonie symbolisait en outre la communion de tous les Ivoiriens et de toutes les populations vivant en Côte d`Ivoire entre elles, dans la recherche de la paix, qui, on l`a très souvent dit, est la seconde religion de notre pays. C`est pour toutes ces raisons que j`ai été heureux et fier d`y prendre part et d`être aux premières loges. Croyez-vous que cette cérémonie a véritablement sonné le glas de la guerre ?
Oui, j`y crois fortement. La guerre est finie. Les deux principaux protagonistes ont déclaré haut et fort ce jour-là que la guerre est finie et toutes les populations présentes y ont cru et continuent d`y croire puisque cette cérémonie continue d`alimenter les discussions tant à Bouaké que partout en Côte d`Ivoire. J`y crois du fait de cela. J`y crois également parce que je pense qu`aucun responsable politique, vu tout ce que nous avons vécu ces cinq dernières années, ne peut résolument penser à nous faire retourner à la situation que nous avons connue. J`ajoute aussi qu`en tant que croyant, je me dis que maintenant que les Ivoiriens, à l`unisson, veulent la paix, même si certains étaient encore réticents, notre Dieu Tout Puissant ne pourrait que nous l`offrir. Je ne suis toutefois pas naïf. La route de la paix n`est pas un long fleuve tranquille. Quelques soubresauts pourraient intervenir notamment au plan social, mais il appartiendra à nos principaux décideurs d`y apporter les solutions idoines pour que la paix soit totale et définitive. Bouaké est considéré à juste titre comme la capitale de la rébellion. Comment collaborez-vous avec les Forces nouvelles pour le développement du département ?
A ce niveau, je dirais que vous vous souvenez qu`en 2003, j`ai été le tout premier élu en compagnie du député Kouakou Akissi Colette, des vice-présidents du conseil général Hélène Attoumgbré et Konan Dongo et quelques cadres du département de Bouaké, à y retourner pour fêter la Pâque avec nos populations. A cette époque, pour aller à Bouaké, il fallait obtenir l`autorisation préalable de l`état-major de l`armée à Abidjan à travers le CCOIA, puis des forces Licorne à Yamoussoukro, et enfin des Forces nouvelles à Bouaké. C`est seulement après avoir obtenu ces trois autorisations que les forces Licorne, à notre demande, mettaient à notre disposition une escorte légère pour nous rendre dans le département et y travailler. Une fois sur place, nos interlocuteurs étaient les chefs de guerre à qui nous devions présenter un calendrier et un programme détaillé de travail. Nous avons été heureux dès les premiers contacts de recevoir en retour de notre volonté de faire notre travail et de notre sens de la discipline, une compréhension des responsables des Forces nouvelles. Toute chose qui nous a permis à chacun de nos passages de bénéficier d`une escorte durant tout notre séjour. Depuis ce temps, les choses se sont améliorées à un point tel que nous n`avons plus besoin de toutes ces autorisations. Nous n`avons besoin de ces autorisations ni à Abidjan, ni à Yamoussoukro, ni à Bouaké. Nous pouvons donc aller et venir et vaquer librement à nos occupations. Quel progrès depuis Pâques 2003 ? Votre question me permet de saluer les progrès accomplis par la volonté de tous et de chacun et de souhaiter comme je l`ai déjà dit, que la paix devienne totale et définitive en Côte d`Ivoire.
Après près de cinq ans de guerre, quel est l`état des lieux dans votre département ?
Nous avons, pour connaître l`état des lieux dans notre département, fait réaliser deux études. La première porte sur l`état des lieux au plan des infrastructures économiques, sociales et culturelles. La seconde porte sur le profil de nos populations. Qu`elles soient demeurées sur place ou qu`elles soient déplacées particulièrement dans les localités comme Abidjan, Yamoussoukro ou Daoukro qui a accueilli le plus grand nombre de ces populations. Tout ceci afin de nous permettre de prendre la pleine mesure de ce qu`il y a à réhabiliter ou à reconstruire et de disposer des données nous permettant de savoir avec qui et au profit de qui nous allons réhabiliter ou reconstruire. D`un mot, je pourrais vous dire ceci que toutes les rues bitumées, les routes et les pistes du département sont fortement dégradées du fait notamment de leur sous utilisation et du manque d`entretien depuis 7 à 8 ans au minimum. Au titre du conseil général, nous avons effectué des travaux de reprofilage léger notamment dans les sous-préfectures de Brobo, de Diabo et de Languibonou. Mais c`est seulement maintenant que nous venons d`engager, avec le concours de l`Ageroute et sous la bienveillance du ministère des Infrastructures économiques, un examen plus approfondi en vue de réaliser un reprofilage plus lourd des routes du département. Par ailleurs, un peu plus de 200 forages de puits étaient non fonctionnels. Environ 170 ont été déjà réparés depuis ce diagnostic. Concernant les édifices publics et les résidences de particuliers dans les quartiers résidentiels notamment celui de Kennedy, on peut observer un état de dégradation avancée de la plupart des bâtiments et même une cannibalisation de quelques-uns d`entre eux. L`exemple du lycée des jeunes filles de Bouaké illustre à l`envi ce dernier point. Y a-t-il un plan spécial de reconstruction de Bouaké ? Une sorte de "plan Marshall" conçu au niveau du gouvernement ?
Non, je n`en ai pas connaissance. Ce que je peux toutefois dire, c`est que la réhabilitation et la reconstruction des CNO (centre, nord, ouest, ndlr) prises dans leur globalité font l`objet d`une réflexion au niveau du gouvernement au sein duquel un département ministériel a même la charge de la reconstruction. Ce que nous faisons donc à ce niveau, c`est d`apprêter les éléments de réponse aux préoccupations qui sont celles de nos populations afin qu`au moment venu, ce que nous n`avons pas pu réaliser en tant que collectivité décentralisée, le soit au niveau de l`Etat central.
Monsieur le président, vous avez été directeur de cabinet du Premier ministre Charles Konan Banny. Quel enseignement tirez-vous des 15 mois de présence de ce dernier à la primature ? Et comment expliquez-vous le fait que l`équipe qu`il dirigeait n`a pas pu conduire certaines réformes notamment les audiences foraines, pour ne pas évoquer la question même de l`élection présidentielle ?
Permettez-moi tout d`abord, en réponse à votre question, de remercier très sincèrement le Premier ministre Charles Konan Banny pour la confiance qu`il a placée en moi en me nommant comme son directeur de cabinet. Ayant eu l`avantage, sous le Premier ministre Daniel Kablan Duncan, d`être chef de cabinet adjoint de la Primature, j`étais loin d`imaginer que le poste de directeur de cabinet me permettrait d`apprendre autant sur le fonctionnement de l`appareil de l`Etat et sur les hommes qui l`animent. Pour cela, j`aimerais dire encore merci et grand merci au Premier ministre Banny. Ce que je voudrais retenir des 15 mois de présence du Premier ministre Banny à la primature, c`est que cette période a permis de ramener la confiance entre tous les acteurs de la vie politique en Côte d`Ivoire. Et cette confiance leur a tous permis de vivre dans leur pays, de prendre tous part à des rencontres importantes entre Ivoiriens, d`abord sans témoin, ensuite avec la contribution de chefs d`Etat africains sur la sortie de crise en Côte d`Ivoire. Leurs travaux ont permis de réaliser des progrès très sensibles. Cependant quelques difficultés sont apparues sur ce parcours difficile, difficultés que le Premier ministre Guillaume Soro a schématisées en disant que dans son rôle d`arbitre et de facilitateur, il était difficile pour le Premier ministre Charles Konan Banny, d`avancer au-delà d`un certain seuil. Parce qu`il devrait obtenir du Secrétaire général des Forces nouvelles, de faire avancer un peu le processus de désarmement pour contenter le camp présidentiel. Dans le même temps, il devait demander au Président Laurent Gbagbo et au camp présidentiel de lui donner la possibilité de faire quelques progrès au niveau des audiences foraines et de l`identification pour contenter le camp des Forces nouvelles. Vous voyez donc qu`à ce niveau, il était difficile, sans une volonté délibérée et affichée des deux protagonistes, de lui concéder ces choses-là, d`aller à la paix et d`organiser dans des conditions acceptables, les élections. La fin de ce rôle d`intermédiaire entre le Président Laurent Gbagbo et l`actuel Premier ministre Guillaume Soro, ainsi que le dialogue direct qui s`en est suivi, traduisent bien à mon sens, la confiance retrouvée entre toutes les filles et tous les fils de ce pays et singulièrement entre nos responsables politiques au plus haut niveau. Cela, nous le devons, ne l`oublions pas, au Premier ministre Charles Konan Banny qui aura de ce fait, fait sa part. A cela, il faut ajouter que l`expérience et l`équation personnelles du Premier ministre Charles Konan Banny ont permis de maintenir à niveau l`économie ivoirienne durant les 15 mois de sa présence à la primature. M. le président, à Bouaké, votre parti est secoué par des querelles. Le député Allou Konan, doyen des élus de votre département, conduit un clan qui est opposé au vôtre. Il a fait savoir qu`il mettrait tout en ?uvre pour que vous ne soyez plus adoubé par le PDCI aux prochaines élections locales. Comment êtes-vous arrivés à ce duel alors que vous sembliez être en tandem ?
Ma réponse à cette question sera brève. Je n`ai aucun problème avec mon aîné, le député Allou Konan qui, du reste, a indiqué à plusieurs reprises en réunion publique, qu`il n`y a pas de problèmes entre nous et qu`il n`a rien d`essentiel à me reprocher. J`ajoute qu`il était à mes côtés au moment où je faisais mes premiers pas en politique à Bouaké et que je me suis donné comme ligne de conduite de ne jamais me fâcher à midi avec celui qui m`a aidé le matin parce que ce n`est qu`ensemble et dans la concorde que nous pourrons réussir et voir ensemble le soir. Permettez-moi donc de ne rien ajouter d`autre à ce que je viens de dire parce que je suis respectueux de mon prochain et autant discipliné par nature, par éducation et aussi par vocation.
Interview réalisée par
André Silver Konan

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