mercredi 5 septembre 2007 par Fraternité Matin

Après six ans de vacance, la préfecture d'Abidjan est désormais dirigée par l'ex-préfet de Katiola qui explique l'importance de ses fonctions à la tête de la région des Lagunes. Vous êtes le nouveau préfet du département d'Abidjan, après six ans de vacance de ce poste. Pouvez-vous nous faire l'état des lieux?
L'état des lieux est bon. Car bien que la préfecture d'Abidjan soit restée fermée durant toutes ces années, les activités qui lui étaient dévolues étaient toujours entreprises par la direction générale de l'administration du territoire. Nous avons trouvé sur place un certain nombre de dossiers que nous essayons tant bien que mal de gérer. De quels dossiers s'agit?il exactement?
Les dossiers les plus importants sont ceux de la chefferie traditionnelle, du foncier et de la gestion efficiente des trois sous- préfectures que sont Songon, Bingerville et Anyama. C'est aussi le dossier relatif à l'état civil, parce que vous n'êtes pas sans savoir que partout en Côte d'Ivoire, lorsqu'on n'a pas d'acte de naissance on se rabat systématiquement sur Anyama ou Bingerville. Il fallait arrêter tout cela et recentrer les choses.
Que vaut réellement un préfet à la tête d'un département comme Abidjan, où siègent
toutes les institutions de la République ?
Le préfet d'Abidjan est avant tout le préfet de la région des lagunes. En tant que tel, il coordonne les activités des préfets des six autres départements qui composent la région des lagunes. Ce sont en dehors d'Abidjan, Jacqueville, Sikensi, Dabou, Tiassalé, Alépé et Grand-Lahou. Ensuite, en tant que préfet du département d'Abidjan, il a la gestion des trois sous-préfectures que j'ai citées plus haut. A tout cela, il faut ajouter la tutelle des collectivités qui est dévolue aux préfets. En l'occurrence, les treize communes du district d'Abidjan. Vous savez qu'il y a un gouverneur de district, il y a des maires et un ministre de la Ville. Il ne faut donc point se leurrer. Il appartient au préfet de travailler avec intelligence de sorte à ne pas marcher sur leurs platebandes. Vous avez suspendu tout acte de lotissement à Anyama, pour mettre de l'ordre dans la gestion des terrains urbains. Concrètement, qu'allez -vous entreprendre dans ce domaine?
Je crois qu'il faut avant tout, replacer les faits dans leur contexte. Nous avons un problème de chefferie traditionnelle à Abidjan. Un chef de village à Abidjan ne se trouve pas dans le même contexte socio-traditionnel que son collègue d'Aboisso ou de Korhogo. Parce que le chef à Abidjan est issu d'une génération comme cela se passe en pays Atchan. Aujourd'hui, sur les soixante villages Atchan de la région, ce sont les Dougbo qui sont au pouvoir. Le chef doit être issu de cette génération, qui en réalité gère le village. Et en même temps que le chef est choisi pour gérer le village, il gère également tout le patrimoine qui lui appartient. Il s'agit du patrimoine foncier et des taxes que le village perçoit. Il s'agit souvent de centaines de millions de francs Cfa. Mais, nous constatons que dans nombre de ces villages, cette gestion patrimoniale ne profite pas comme il se doit aux populations. Ces villages sont donc en retard, dépourvus du minimum d'infrastructures. Ensuite, il apparaît que dans certains villages, sans raisons apparentes, on décide de destituer des chefs. Dans le cas précis d'Anyama, nous avons déploré l'absence de tout plan d'urbanisation. Les lotissements sont faits à l'emporte-pièce. Les lots sont ainsi vendus quelquefois à deux, trois, voire quatre personnes et les constructions sont faites anarchiquement.
Aujourd'hui, on ne sait pas dans quelle direction la ville d'Anyama s'étend. Car le domaine rural a été transformé en domaine urbain. Par ailleurs, puisqu'à Abidjan il n'y a plus de terrain, l'extension de la ville se fait dorénavant en direction d'Anyama. C'est donc au regard de tout ce désordre, que la préfecture d'Abidjan a décidé de tout arrêter. Nous allons, en compagnie des différentes compétences techniques du ministère de la Construction et de l'Urbanisme, assainir ce secteur. En réussissant cela, nous réglerons ipso facto, le problème de la chefferie traditionnelle. Car nous aurons fait en sorte que la gestion du patrimoine villageois soit bénéfique aux populations. Cette décision est aussi valable pour Bingerville. Nous sommes content de savoir que le village d'Akouédo qui est resté sans chef pendant longtemps, en aura un bientôt. Pendant ce temps, nous avons des villages d'Anyama qui sont dirigés par quatre chefs, ce qui équivaut à quatre centres d'intérêt différents. Ce sont là, autant de situations auxquelles il faut pouvoir mettre un terme. Surtout que le pays traverse une phase décisive devant le conduire à des élections démocratiques et transparentes, auxquelles il faut pouvoir préparer les esprits dans ces villages, en y instaurant la paix et la stabilité au niveau des chefferies. Etes-vous certain de réussir à faire quelque chose de significatif avant la tenue des élections?
Oui, parce que c'est avant toute chose une très bonne sensibilisation des uns et des autres qu'il faut pouvoir entreprendre. Mais, c'est à la Commission électorale indépendante qu'il appartiendra de dire au ministre de l'Intérieur, voilà ce que nous souhaiterions que le corps préfectoral fasse pour nous aider. Car, comme je l'ai clairement dit au cours de ma tournée, l'organisation des élections est l'affaire de la Commission électorale indépendante. Il nous faut sensibiliser les populations aux audiences foraines, afin qu'elles se déroulent dans de meilleures conditions. Autrement dit, nous devons faire en sorte que tous ceux qui n'ont jamais été inscrits à l'état civil, puissent avoir un jugement supplétif, s'ils sont, bien entendu, nés en Côte d'Ivoire. Qu'ils soient Ivoiriens ou non. Nous devons aussi veiller à ce que les Ivoiriens aient leur carte d'identité et les étrangers leur carte de séjour. Ensuite vient l'enrôlement très essentiel dans le processus. A ce niveau, comme nous l'avons du reste déjà entamé lors de notre tournée de prise de contact dans le département, nous ferons comprendre à nos frères étrangers qu'ils doivent éviter de vouloir se faire enrôler, par des moyens détournés, ou avec la complicité de nationaux. Nous empêcherons ces enrôlements illicites. Car nous avons trop souffert de cette crise, qui doit à présent prendre fin. Et pour cela, il nous faut de bonnes élections, sans tricherie aucune. Voilà ce que nous nous emploierons à faire comprendre aux uns et aux autres.
M. le préfet, vous avez été pendant cette crise le porte-parole de vos collègues déplacés de guerre. Peut ?on savoir si toutes les craintes et inquiétudes exprimées en son temps relativement à leur redéploiement dans les zones centre, nord et ouest sont aujourd'hui dissipées?
Nous avons toujours dit que les membres du corps préfectoral, n'attendent pas d'avoir tous les moyens pour se mettre au travail. Le minimum nous suffit. Et au niveau des déplacés de guerre que nous étions, le minimum c'est la tenue de travail, le véhicule de commandement, le kit de départ. Au moment où je vous parle, tous les préfets de Côte d'Ivoire disposent d'un véhicule de commandement. Bientôt, il en sera de même pour tous les secrétaires généraux et sous-préfets. S'agissant précisément des collègues déplacés de guerre, ils sont tous sur le terrain. Le gouvernement est en train de tout mettre en ?uvre, afin qu'ils aient l'intégralité de ce qu'ils ont demandé. Quant aux sous-préfets, ils leur emboîteront bientôt le pas. Le décret a été signé, nous attendons simplement le calendrier d'installation que le ministre de l'Intérieur doit rendre public. Peut-on alors réaliser que l'autorité de l'Etat est en cours de restauration dans les zones centre nord et ouest?
Ce sont les représentants de l'Etat dans ces zones qui doivent travailler dans ce sens, en faisant surtout preuve d'intelligence. Car ils iront trouver des personnes qui ont pris le contrôle de ces localités qu'ils ont quittées depuis cinq ans. Il ne s'agira pas pour eux d'aller s'adonner à une guerre de prééminence de leur commandement sur tel ou tel. Mais plutôt de faire leur travail, conformément à leurs attributions. Car, le tigre ne proclame pas sa tigritude. Autrement dit, les populations sauront très rapidement faire le distinguo. Je suis allé à Katiola pour les audiences foraines, je les ai faites sans difficultés, j'ai vécu en parfaite intelligence avec les Forces nouvelles qui sont après tout des Ivoiriens comme vous et moi. Chaque Ivoirien sait l'importance d'un préfet d'un sous-préfet dans une localité donnée. Et cela, bien avant même l'éclatement de la crise. Nous travaillerons donc avec intelligence pour fédérer toutes les énergies, afin d'assurer le bonheur des populations. Car c'est pour elles que nous allons travailler.

Interview réalisée par
Moussa Touré

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