Après le grand rendez-vous manqué de Bocanda, voici encore Bédié qui veut se présenter au peuple. Gageons qu'il respectera cette rencontre et que le meeting prévu aura effectivement lieu.
Un meeting à Dabou pour marquer le départ d'une tournée dans plusieurs villes du pays. Une grande première pour le PDCI et, surtout, pour son président Henri Konan Bédié qui est connu comme un éternel débutant politique. La date du 22 septembre est, de fait, plus importante pour Bédié lui-même que pour la capitale du Leboutou qui en a déjà vu d'autres. Bédié y vient pour apprendre à faire de la politique. Et ce meeting sera un examen de passage très important pour lui. Depuis qu'il est dans l'arène politique, Bédié n'a jamais, en effet, fait de politique. Quel Ivoirien se souvient d'avoir vu Bédié animer un meeting en Côte d'Ivoire comme ses collègues ?
Il y a plusieurs mois déjà, après la tournée d'Affi N'Guessan dans le département de Bocanda, Bédié y avait été annoncé à grand renfort de publicité pour redorer le blason du vieux parti gravement endommagé par la bourrasque Affi. Mais les populations ont attendu en vain. C'est Lambert Kouassi Konan, ancien ministre de l'Agriculture, qui avait été envoyé finalement au contact de la population. Celle-ci avait été très fortement déçue par la défection de Bédié. Récemment, Affi N'guessan, président du FPI, a séjourné dans le département de Daoukro où il a animé près de 30 meetings. L'apothéose de cette tournée a eu lieu sous les fenêtres du président du PDCI. Et à cette occasion, toutes les vérités ont été dites. Pour donner la réplique au président du FPI, c'est Djédjé Mady qui avait animé deux ou trois rencontres avec des populations à Ouellé, Prikro entre autres. Mais si Bédié, fils de la région, a été incapable de venir lui-même défendre son terrain, ce n'est pas Djédjé Mady qui aurait pu le faire avec succès. Aujourd'hui, le FPI vit et travaille dans la région. Au vu du nombre élevé de rendez-vous manqués de Bédié avec le peuple, il est loisible de se demander si cette fois sera la bonne. Bédié aura-t-il la force et le courage de surmonter son handicap pour se tenir devant une foule et s'exprimer ? Cela s'appelle commencer à faire de la politique et les Ivoiriens le souhaitent à Bédié, bien que son apprentissage ait pris un grand retard. Il est, en effet, à la porte de la retraite. Est-ce pour se consoler de cette déconfiture que Bédié a décidé de se rendre à Dabou, cité où le FPI est né ? Cette région connaît le FPI et lui a toujours fait confiance. Il y partage la poire avec le vieux parti avec la présidence du conseil général et un poste de député dans la sous-préfecture, le PDCI ayant la mairie et le poste de député dans la commune. Mais Dabou n'est pas à l'écart de la Côte d'Ivoire et a vécu, comme tout le monde, les affres de la guerre. A Dabou aussi, on connaît le rôle négatif joué par le vieux parti dans la guerre que le pays a connue.
C'est pourquoi, on imagine bien que la peur passée, Bédié aura à répondre à bon nombre de questions. Pourquoi, lors du coup d'Etat de 1999, il a fui le pays et abandonné les institutions de la République qu'il était chargé de protéger ? Vincent Kassi, l'a ouvertement accusé d'être mêlé à la rébellion. Pourquoi n'a-t-il rien fait pour prouver son innocence ? Quelle est la démarche actuelle du PDCI alors que Guillaume Soro et ses amis sont désormais dans la République et travaillent au retour de la paix par des élections propres et réservées aux seuls Ivoiriens ? Enfin, comme le disait Affi N'guessan à M'Bahiakro, quelle valeur pense-t-il représenter aujourd'hui, lui Bédié, pour être un cheval gagnant pour le PDCI ? Que pense-t-il pouvoir faire pour les Ivoiriens qu'il n'a eu le temps de faire après plus de 30 ans de présence permanente au sommet de l'Etat ?
Autant de questions qui attendent Bédié et auxquelles il ne doit pas se dérober parce que jamais on ne l'a vu animer lui-même un meeting. Et s'il décide enfin de s'y mettre, il doit le faire pleinement. Aucune cassette pour un discours retransmis, aucun téléprompteur, aucun discours écrit ne seront tolérés à Dabou. Le président du PDCI a promis un meeting, il doit donner un meeting. Un vrai !
Paul D. Tayoro (envoyé spécial)