samedi 15 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

M. le président, vous étiez hors du pays. En votre absence, le commandant de zone FAFN de Bouna, Ouattara Morou, a accordé une interview au cours de laquelle il a dit que désormais entre lui et vous, c'est chien et chat. Quelle analyse faites-vous de ces propos ?
Merci. J'ai été absent du pays pendant plusieurs mois. J'étais en mission de haute portée politique. Nous étions à une conférence à Boston où nous avons également parlé des questions économiques. Nous sommes allés également chercher des bailleurs de fonds pour le développement de Bouna. Donc moi, mon ambition c'est de développer Bouna. Je m'attelle à la reconstruction de Bouna. Je ne savais pas que derrière moi, il y avait des adversaires armés qui m'attendaient. Mais je prends acte de ce que le commandant de zone a dit. Qu'entre lui et moi, c'est chien et chat. Je prends acte. Quand quelqu'un manifeste ses sentiments, vous ne pouvez pas aller contre. Mais quelque part, j'ai appris qu'il a dit que je devrais lui présenter publiquement des excuses. Je lui dis tout de suite que je ne lui demanderai jamais pardon. D'ailleurs, c'est lui qui doit demander pardon au peuple de Bouna pour l'avoir torturé, pour l'avoir pillé. Moi, je suis chez moi à Bouna, je ne peux pas demander pardon à quelqu'un.
On croyait cet incident clos. Et dans ce contexte de paix, on a été surpris d'entendre que vous êtes chien et chat. Surtout que ces propos viennent de quelqu'un qui tient les armes.
Vous comprenez bien que ce n'est pas la population. Quelque part, il a dit que c'est la population qui ne voulait pas me voir. Qu'il désigne cette population. Qu'il nomme un élément de cette population qui ne veut pas me voir. C'est lui qui a orchestré un complot pour m'assassiner avec certains complices dont je tairai les noms pour le moment. J'aurai l'occasion de dire leur nom s'ils se manifestent. C'est lui qui a monté le coup pour m'assassiner à Bouna. Je vais vous donner trois exemples. D'abord de 2002 à 2004, Morou m'avait interdit d'arriver à Bouna. Je n'y suis pas allé. En 2005, quand il m'a dit de venir, je suis allé et puis, nous avons tenu la session. Il était là et personne ne m'a attaqué. Alors maintenant, si les gens viennent casser ma voiture pendant qu'on a donné la latitude à tout le monde d'aller à la maison. Comment expliquez-vous cela ? Cela s'est manifesté déjà en août 2006 lorsque j'étais allé à Doropo. C'est là qu'il avait monté le coup pour qu'on m'assassine à Doropo. Dans la salle, ce jour-là, il y avait des rebelles armés qui étaient en civil. Ils ont même empêché la population d'accéder à la salle et c'est seulement un groupe de jeunes qui étaient dans la salle. Heureusement que les forces de l'ONUCI était présentes. Je vous donne les faits. Le 22 novembre 2006, l'ambassadeur des Etats-Unis en Côte d'Ivoire vient à Bouna. Je suis officiellement informé et invité. J'ai dépêché un vice-président pour aller organiser la réception. J'arrive là-bas et Morou m'empêche de prendre la parole. Vous pouvez demander à qui vous voulez à Bouna. Il m'a empêché de faire un discours. Qu'il me dise pourquoi il m'a empêché de faire le discours. Pourquoi il m'a ridiculisé ? C'était devant la préfecture et en présence de tout mon bureau. Il m'a chassé. Il a dit que si on ne quittait pas les lieux, il allait tirer sur nous. Troisièmement, nous lui écrivons exceptionnellement pour dire que nous venons tenir un conseil, chose qu'il autorise. A ce conseil, il y avait beaucoup de personnes invitées. Nous avons demandé qu'il y ait quelques éléments pour assurer la sécurité. Nous avons rencontré son adjoint qui a donné son accord. Et il nous a promis une section et il paraît qu'une section vaut trente personnes. Le jour où devrait se tenir le conseil, le roi m'a appelé à sa résidence pour me dire qu'il y avait des gens dans la salle qui manigançaient quelque chose. Et il a appelé l'adjoint de Morou pour l'entendre. Pendant que le roi l'interrogeait, il y a un groupe de rebelles armés et en civil qui viennent, sous la conduite d'un garde du corps de Morou qui s'appelle Siédou Karasse, pour s'attaquer à ma voiture. On demande à l'adjudant de compagnie, où sont les éléments chargés d'assurer la sécurité. Il dit, ils sont là et on leur a même demandé de tirer en l'air pour disperser les jeunes. Le roi appelle le bras droit de Morou qui se nomme Bema pour lui demander ce qui se passe. Et il répond au roi en lui disant, Morou dit de ne pas intervenir. Il se dit le préfet de Bouna, il se dit le commandant et il se dit le chef suprême. Etant à l'hôtel du Golf, il a demandé à un photographe des Forces nouvelles du nom de Sékou de tout filmer et de lui garder la cassette. M. le président, ce que vous révélez est grave. Selon vous, pourquoi M. Morou veut attenter à votre vie ? Qu'est-ce qui vous oppose fondamentalement ? Pourquoi ne veut-il pas vous voir à Bouna ?
Moi non plus, je ne sais pas pourquoi. Parce que si ça se limitait seulement à la tenue des réunions du conseil général, j'allais m'interroger. Mais déjà le 22 novembre 2006, à l'arrivée de l'ambassadeur, il m'a ridiculisé, il a chassé toute mon équipe. Il a dit que si je ne quittais pas, il tirait sur moi. Ensuite, arrivé chez le roi où je devrais faire un discours, il m'a dit de ne pas faire le discours. Et le roi l'a convoqué pour savoir ce qui se passe, mais il n'a pas répondu à l'appel. Donc moi, je m'interroge. Est-ce à cause de moi qu'il a pris les armes ?
Y a-t-il quelque chose qu'il vous a demandé de faire et que vous n'avez pas fait ?
A ce niveau je dis jusqu'à présent, je ne sais pas. Quand j'analyse la situation, Morou est venu pour s'impliquer dans notre politique à Bouna. Il s'implique dans la politique et il favorise un parti politique au détriment du PDCI-RDA. M. le président, selon les propos de Morou, c'est la population qui est contre vous parce que vous n'investissez pas à Bouna. Alors vous comprenez que soit c'est de l'ignorance ou c'est de la mauvaise foi. Parce que, nous avons investi. Et en 2006, nous avons présenté le bilan de ce que nous avons fait. D'abord, il n'a pas voulu qu'on investisse à Bouna parce qu'il voulait montrer que l'Etat de Côte d'Ivoire ne veut pas aider Bouna. Donc, il avait empêché les premiers entrepreneurs que nous avons envoyés à Bouna. Ils avaient été arrêtés. En 2005, quand il nous a dit qu'il y avait la sécurité et qu'on pouvait travailler, nous avons fait venir les machines. L'entrepreneur est à Bondoukou, vous pouvez l'appeler pour lui demander. Il s'appelle Akré. Il a envoyé des machines derrière Tehini pour faire un barrage. J'ai lu dans les journaux, il dit que je travaille à Nassian alors que Nassian a un conseil général. De vous à moi, Nassian est un nouveau département mais Nassian dépend toujours du conseil général de Bouna. Je ne suis pas le seul. En Côte d'Ivoire, il y a neuf nouveaux départements qui appartiennent au conseil général d'alors. Prikro appartient toujours à M'bahiakro par exemple. Alors c'est de la mauvaise foi ou c'est de l'ignorance. Et puis, malgré la subvention qui est toujours revue à la baisse, nous avons travaillé à Bouna. Les faits sont là. Récemment, nous sommes allés donner 80 matelas à l'hôpital de Bouna, 1500 doses de vaccin contre la méningite. Le directeur départemental de la santé peut témoigner. Nous lui avons donné assez de carburant pour tourner et sensibiliser contre la méningite et faire la vaccination. Au plan sanitaire, nous avons construit beaucoup de dispensaires. Le conseil général, ce n'est pas Bouna seul. J'ai l'impression que Morou me prend pour le maire d'une commune. J'ai Téhini, Doropo, Nassian. Et quand vous prenez la sous-préfecture de Bouna, vous avez Bouna nord, Bouna commune et Bouna sud. Au départ, on ne pouvait qu'aller à Nassian et dans la zone de confiance. C'est pourquoi, nous avons fait plus de réalisations à Nassian et dans la zone de confiance. Et ensuite, ce que nous devions faire à Bouna, nous avons fait. Au niveau du lycée, nous avons contribué à la réhabilitation de la résidence du proviseur et de l'économe. Nous avons donné des kits scolaires. Et chaque année, nous aidons les vacataires. Au moment où je vous parle, c'est le conseil général qui a assuré le séjour des 27 élèves qui ont présenté le baccalauréat à Bondoukou. Leur résidence et frais de nourriture. Nous avons donné de l'argent pour leur immatriculation. Peut-être que Morou voulait que je lui envoie aussi de l'argent, je ne sais pas. Mais moi, je gère l'argent que l'Etat m'a donné. Et je suis heureux de cette gestion parce que nous ne gérons pas sur du papier pour dire que l'argent a disparu. Si vous vous rendez à Bouna, vous constaterez nos réalisations. Ce sont des bâtiments, donc ça existe. Si vous partez à Doropo, vous verrez aussi ce que nous avons pu faire. Dès qu'il nous a autorisé à aller en 2005, nous avons commencé le château d'eau à Doropo. La cuve est terminée et il ne reste que les canalisations et tout cela sur fonds propres du conseil. C'est peut-être la sous-préfecture de Téhini qui doit se plaindre parce qu'à part les forages, nous n'avons pas fait beaucoup de réalisations là-bas. Il y a 371 forages réhabilités par le conseil général. Et ensuite, il y a l'Union Européenne et la BADEA qui nous ont donné 125 nouveaux forages. L'Union Européenne a réhabilité 663 forages à Bouna sud et l'UNICEF, 139 au niveau de Bouna nord. L'Union Européenne a donné des groupes électrogènes à Bouna. Il y a beaucoup de choses qui ont été faites. La population ne peut donc pas dire qu'on ne travaille pas. Je suis député depuis 1990, je n'ai pas de problème avec la population. C'est lui qui suscite tout cela. La preuve, il s'est permis d'aller dans des villages pour dire à la population de marcher contre moi. Mais il a échoué. Il a même dit que c'est lui qui a fait ériger certains villages en commune. Ce n'est pas de la politique. Morou est arrivé à Bouna et il s'est glissé subtilement dans la politique.

A-t-il des ambitions politiques ?
Je ne sais pas mais je pense plutôt qu'il soutient un parti politique. Mais s'il a des ambitions, c'est simple, qu'il dépose les armes et qu'il m'affronte sur le terrain politique. La politique se fait les mains nues, dans les urnes. M. le président, Morou vous a exigé des excuses publiques ; ce que vous avez refusé. Priveriez-vous donc de votre ville natale quand on sait qu'il tient encore les armes malgré la paix qu'on proclame ?
Ecoutez, il ne faut pas confondre la réconciliation et le pardon. La réconciliation n'est pas synonyme de soumission. Je ne peux pas m'humilier pour aller à Bouna. Je demande à la population de prendre acte de ce que Morou a dit. Ensuite, j'appartiens à un parti politique, le PDCI-RDA, j'attends donc la réaction de mon parti. Il y a le Premier ministre qui dit que tous les déplacés doivent retourner chez eux, j'attends également sa réaction. Le président de la République a dit que tout le monde peut retourner, j'attends donc les réactions. Je ne peux pas m'humilier pour ça. Se réconcilier, c'est s'entendre, c'est de faire des concessions pour la paix. C'est différent de s'humilier. Ce que Morou demande, c'est une humiliation. Parce que je n'ai pas menti sur Morou. J'ai dit la vérité, j'ai dit ce qu'il a fait. C'est lui qui doit demander pardon au peuple de Bouna. Pour tout ce qu'il a fait là-bas. Et il gagnerait à quitter Bouna la tête haute. Ça, je tiens à le lui dire. Moi, je n'ai pas d'armes. C'est lui qui est armé et qui veut m'attaquer. Mais moi, je n'ai pas d'armes. Mais je ne peux pas m'humilier. Donc je suis là, si je dois me priver de la population, ce n'est pas ma faute. La population sait que ce n'est pas la faute à Dimaté. Quand il me permettait de partir, je partais. Maintenant, si on ne me permet pas, c'est à la population de voir et d'agir en conséquence. Le Premier ministre s'est déjà prononcé sur cette affaire lors de son entretien télévisé du 29 juillet et il a dit que c'est une affaire personnelle. Quel commentaire ?
Le Premier ministre dit des choses contradictoires. Il dit à la fois qu'il n'est pas informé et que c'est une affaire personnelle. Ce que j'appellerais une désinformation. Mais en même temps, il a dit si je veux le rencontrer, il est disposé. Bon, c'est lui l'autorité. C'est le Premier ministre. Je suis arrivé des Etats-Unis où j'ai fait une bonne mission, je vais chercher à le rencontrer. Sinon, je lui ai adressé un courrier dès le début. En tant que secrétaire général des Forces nouvelles et ensuite en sa qualité de Premier ministre. Et j'ai écrit à qui de droit. Maintenant, s'il veut une rencontre physique, il n'y a pas de problème, nous allons le rencontrer. En son temps, nous avons rencontré Sidiki Konaté, le roi a fait des démarches. Maintenant, s'il se trouve que c'est lui qu'on doit voir, il n'y a pas de problème. Ça fait partie de la réconciliation. Je vais chercher à le rencontrer ces temps-ci. Je pense qu'il a lu ce que Morou a dit. Mais il n'y a pas de problème, je vais le rencontrer puisque nous sommes tous pour la paix. Vous avez dit que dans cette crise, vous ne sentez pas votre parti le PDCI-RDA. Qu'attendez-vous concrètement du PDCI ?
Je suis un peu frustré par l'attitude du PDCI dans de cette affaire. Parce que nous avions confié l'affaire au secrétaire général qui dit qu'il a mené des démarches. Mais je me souviens, lorsque la mission du bureau politique devrait partir là-bas, il était même fâché. Il a dit qu'il a tout réglé et qu'il ne comprenait pas pourquoi je ne voulais pas partir. J'ai même forcé pour aller. Parce qu'il s'agit du parti, j'exécute. Heureusement que j'ai programmé un meeting à Kopingué, et c'est là-bas que j'ai fait le meeting et j'ai laissé le chef de délégation seul aller à Bouna. Les gens m'attendaient là-bas. Or, il m'avait dit que c'était réglé. Alors que ce n'était pas réglé. Et chaque jour, Morou dit des choses dans les journaux. Quand il a offert des matelas, il a fait écrire par des journalistes que le conseil général a abandonné les populations. Et il y a eu beaucoup de choses qui ont été dites, mais jusqu'à présent, je ne vois aucune démarche du PDCI vers le Premier ministre ou qui de droit, pour pouvoir résoudre cela. Le parti devrait résoudre ce problème depuis longtemps. Parce que c'est le PDCI qui est menacé. Je suis le délégué départemental. Et vous savez ce que représente Bouna. Quand vous prenez tout le nord, c'est le seul département où le PDCI a eu le conseil général. Il y a beaucoup de choses qui se racontent là-bas. Je pensais que le PDCI devrait réagir. Mais jusqu'à présent, je n'ai jamais reçu une délégation du PDCI chez moi à la maison pour me consoler. Les gens n'étaient pas venus pour brûler ma voiture, mais ils sont venus pour m'assassiner. Je n'ai reçu aucune délégation du PDCI. A part madame Dao qui est venue un peu tardivement pour me saluer. C'est des militants d'autres partis qui m'ont consolé. Le PDCI n'est pas venu. Ensuite, je n'ai eu aucune condamnation du PDCI par rapport à tout ce qui se passe. Aujourd'hui, on dit que la guerre est terminée. Les rebelles ont la primature et occupent d'autres ministères. Mais, on ne peut toujours pas accéder à leur zone sans autorisation préalable. On chasse les gens de ces zones comme on veut. Quel commentaire faites-vous de cette attitude?
Vous savez, quand j'ai lu sur Internet que Djédjé Mady avait été bloqué, je l'ai appelé pour le saluer. Et je pensais qu'il venait de toucher du doigt les problèmes que je relevais chaque fois, au cours de nos réunions. A Bouna, je considère que la guerre n'est pas finie. Les secrétaires du PDCI continuent de souffrir. Un secrétaire a été arrêté par Morou qui lui a demandé de payer deux millions. Et tous ceux qui ont un peu d'argent à Bouna ont été fatigués. Alors moi, je ne comprends pas. On a installé un bicéphalisme de fait dans les départements. Il y a un préfet et il y a un commandant de zone. Qui va commander ? Ce que vous ne savez pas, Morou a voulu boycotter l'arrivée du préfet à Bouna. Et la population, qui n'était pas d'accord avec lui, a failli se soulever. C'est ainsi que la cérémonie a eu lieu. Lui qui devrait recevoir le préfet, s'est levé pour aller à Ouaga. Moi, je ne comprends rien. On ne parle même plus de désarmement. Mais pourquoi on ne parle plus de désarmement ? On avait dit qu'on devrait délivrer les certificats de nationalité lors des audiences foraines, mais on ne parle plus de ça. Et ça n'émeut personne. J'ai l'impression que tout commence à être normal à Abidjan mais de l'autre côté, les gens continuent de souffrir. Je pense que si le Premier ministre veut transformer le MPCI en parti politique, qu'il le fasse avec des représentants partout. Mais tant qu'il gèrera la primature et que les gens tiendront toujours les armes là-bas, c'est comme si la guerre n'est pas finie. Parce qu'il faut toujours demander l'autorisation. Aujourd'hui, on doit demander l'autorisation au préfet et au président de conseil général, mais pas au commandant de zone. Mais voilà ce qui se passe. Je considère que rien n'est encore réglé. Nous avons applaudi l'accord de Ouaga, les préfets ont été redéployés. Mais, il ne faut pas redéployer les gens pour le plaisir de les redéployer. Et puis, ils n'ont pas assez de pouvoir et ils sont obligés de se limiter à un certain nombre de choses. Dès lors que le Premier ministre est rentré dans la République avec des éléments forts, tout le monde doit rentrer dans la République. Ce qui veut dire qu'on doit circuler librement vers le Nord sans demander de permission à qui que ce soit. Pour le moment, je ne sens rien.

Interview réalisée par Akwaba Saint Clair et Jules Claver Aka

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