vendredi 28 septembre 2007 par Le Temps

C'est l'an 1 du XXIe siècle pour le PDCI, entré tardivement dans une ère qui s'appelle " aujourd'hui ". Sortant de son long sommeil princier, son Président, Henri Konan Bédié, a adressé, le vendredi 21 septembre dernier, une " lettre aux Ivoiriens ".

Un " nouveau réveil ", écrit en huit volets : Restaurer l'autorité de l'Etat, Rebâtir la paix et la sécurité, Relancer le développement et la croissance économique, Revaloriser le monde rural, Développer le droit de la femme, Reconstruire l'image de la jeunesse, Réformer la politique des travaux publics et enfin Redonner à la Côte d'Ivoire son audience internationale. Un véritable catalogue qui promet monts et merveilles aux Ivoiriens. Et conformément à son tempérament, l'homme n'a pu faire l'économie de sa furia contre le parti au pouvoir et son Président. Raillant la " gestion chaotique " du FPI, et dénonçant sa volonté de se maintenir au pouvoir. Ce réquisitoire est une flopée de noms d'oiseau " Déni de démocratie, Gbagbo assassin ou encore Gbagbo le dictateur sanguinaire ". Il y a quelque chose de fascinant dans cette sorte de marche forcée de l'opposition vers le pouvoir d'Etat : sa volonté maladroite de prôner la rupture, alors qu'elle incarne encore la ringardise de la vieille droite arrogante et suffisante, rancunière et revancharde. C'est un discours chargé d'invectives, narguant avec un aplomb surprenant les Ivoiriens qui ont manifesté un réel soulagement, avec son départ du pouvoir en 1999. Dans ce charabia compassionnel et insultant que l'un de ses obligés appelle, avec beaucoup de fierté, la "lumière N'zuébatique ", il n'y a aucun regret, aucune excuse à l'endroit de tous ceux qui avaient cru en lui et qu'il a déçu par sa gestion scrabbleuse du pouvoir qui a entraîné la Côte d'Ivoire dans un coup d'Etat de 1999. C'est bien parce que le pouvoir n'existait pas que les " petits soldats " de Guéi devenus des héros, s'en sont emparé. C'est bien parce que le pouvoir était devenu " moribond qu'il fût frappé " selon la promesse faite par Alassane Dramane Ouattara et récupéré par la rue. Bédié est - il devenu un homme si pressé, oubliant que c'est son régime corrupteur et liberticide, qui a inoculé à la Côte d'Ivoire les virus de la xénophobie et du tribalisme. C'est aussi son régime qui a liquidé l'école ivoirienne en nourrissant les bandes de casseurs, et emprisonné des étudiants, enchaînés comme des animaux. C'est aussi dans ce hourvari étatique que l'on a assisté à l'avènement d'une société oisive qui ne magnifiait plus que le fric et le cul. L'histoire est têtue nous le rappelait sans cesse le Président Houphouët-Boigny. Et l'histoire du règne de Bédié est si récente que les Ivoiriens ne peuvent tolérer que le parterre d'intellectuels réunis autour de lui et appelé " pompeusement " la Force universitaire d'Appui au PDCI (FUAP), leur livre une contrevérité digne du courant négationniste : "Dire que Bédié était un président affairiste est une vile attaque digne des pays sous-développés." Pour votre gouverne, très chers Universitaires, sachez que les Présidents affairistes existent aussi dans les pays développés. Mais là-bas, ils sont poursuivis et parfois même, condamnés par la justice de leur pays. Le cas de l'ancien Président Jacques Chirac, entendu par la justice française, dans le cadre de la gestion de plusieurs affaires, est un exemple édifiant. Il importe de se poser une question, une seule : cette lettre, est - elle adressée aux Ivoiriens pour sceller avec eux, un nouveau pacte ou une attaque en règle contre Laurent Gbagbo ? Un mélange de genres qui crée assurément, une confusion sur la nature du dialogue qu'il veut engager avec les Ivoiriens. C'est une conception arrogante et méprisante du pouvoir et de la gestion de l'opinion publique, pour une droite qui n'espère rien d'autre que le changement par rapport à un homme. En réalité, que propose Bédié au peuple ? Rien de vraiment quantitatif et qualitatif en termes d'idées nouvelles, sinon les même choses qu'il y a quinze ans, avec l'Eléphant d'Afrique : le recommencement d'une politique qui a largement étalé ses faiblesses. Ce n'est pas parce que l'on s'arroge, à bon droit, le mouvement que l'on peut prétendre incarner le progrès. Dans un pays en sursis depuis 2002, ce que l'on attend de Bédié, c'est que le PDCI nous dessine un projet alternatif plus attractif, pour reconquérir le pouvoir d'Etat. Car, la mobilisation des Ivoiriens depuis le déclenchement de la crise, démontre une autre volonté populaire : celle de s'emparer définitivement du politique, pour peser sur le destin collectif et changer l'ordre des choses. Avec l'Accord de Ouagadougou, commence un nouvel âge, qui veut affirmer une autre manière de reconstruire la Côte d'Ivoire sans piques ni bonnets d'âne. Telle est la révolution intelligente que les citoyens ivoiriens veulent initier, pour laver le sang et panser les plaies d'une guerre ridicule. En déphasage avec ce " political fair ", N'Zuéba apparaît comme un lanvandier brutal qui donne l'impression de vouloir déchirer le tissu, pour en enlever les tâches. Il ne suffit pas de se proclamer réformiste, il faut l'être, il faut le vivre et laisser au musée un certain nombre de dogmes, de préceptes et de réflexes. C'est pourquoi, ce patchwork de propos décousus de N'zuéba sera vite oublié.

goua@yahoo.ftr

Par Léonard M'Bougoua

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