mercredi 10 octobre 2007 par Fraternité Matin

Le BNETD, comme un fleuve en crue, est en train de sortir de son lit ivoirien pour d'autres horizons. Quelles en sont les raisons profondes?
Vous savez, avec la mondialisation, les opérateurs économiques n'ont plus de frontière. En rapport avec cette réalité, le Bureau national d'études techniques et de développement (BNETD) a décidé d'emprunter la voie de la mondialisation, compte tenu de son potentiel humain (1200 agents) et de l'expérience accumulée. En outre, le processus de mondialisation et de libéralisation des économies africaines par les différents plans d'ajustement structurels a donné l'occasion aux grands groupes internationaux de concurrencer et de faire disparaître plusieurs sociétés nationales ou africaines comme la Caistab (Ndlr, Caisse de stabilisation et de soutien des prix des produits agricoles), la Sitram (Ndlr, Société ivoirienne de transports maritimes), Air Afrique, etc. Le BNETD, tirant les leçons de la mondialisation, a décidé de ne pas mourir en cherchant à l'extérieur ce qu'il perd à l'intérieur du fait de la suppression, en 1994, du monopole qu'il avait sur les projets. Pour éviter de licencier ce capital humain précieux pour toute l'Afrique, nous avons emprunté la voie de la mondialisation. Voici les raisons pour lesquelles nous avons emprunté le chemin de l'international. Vos objectifs initiaux et votre statut de structure à participation majoritaire de l'Etat autorisent-ils cette internationalisation du BNETD?
Oui. Depuis 1994, le BNETD n'est plus un établissement public; c'est une société d'Etat de droit privé. Ce nouveau statut permet au BNETD de jouer un rôle aussi bien dans le secteur privé que sur la scène internationale. Et par rapport à cela, nous pensons que nous devons exploiter au maximum les ressources de notre société pour donner de nouvelles ouvertures aux opérateurs ivoiriens. Menez-vous cette politique en concertation avec l'Etat ivoirien et les opérateurs dont vous parlez?
Il s'est d'abord agi d'une concertation au niveau des acteurs essentiels de la vie politique ivoirienne, à savoir le Président de la République, SEM. Laurent Gbagbo, l'ex-Premier ministre Pascal Affi N'Guessan, et l'ex-ministre d'Etat, ministre de l'Economie et des Finances, Paul-Antoine Bohoun Bouabré. Cette concertation a débouché sur l'idée que nous devrions d'abord profiter de l'espace UEMOA. Ensuite, la mondialisation étant un processus, nous ne devrions pas nous exclure de ce nouveau jeu. Ces considérations ont permis au BNETD de se positionner très rapidement sur l'échiquier sous-régional et aujourd'hui nous continuons notre marche à l'échelle africaine. Avec 50% environ des avoirs budgétaires de la BCEAO et 70% de la masse monétaire, la Côte d'Ivoire ne profite-t-elle pas assez de l'espace UEMOA?
C'est vrai que nous profitons de l'espace UEMOA dans la mesure où la plupart des produits industriels consommés en Afrique de l'Ouest proviennent de la Côte d'Ivoire. Mais nous restons convaincu que nous devons exploiter tous les autres créneaux, à savoir la présence réelle des acteurs économiques dans l'espace UEMOA. C'est cette présence que nous voulons confirmer par le redéploiement de nos agences dans cet espace.
Le BNETD est en ce moment présent dans une dizaine de pays africains. Est-ce une sorte de tropicalisation des relations de coopération que les puissances occidentales avaient établies avec leurs anciennes colonies dès leur accession à l'indépendance?
Nous ne voulons coloniser personne. Mais nous croyons fermement à la coopération sud-sud. Nous pensons que la main dans la main, nous pourrons faire face aux enjeux du développement. Chaque pays a quelques expériences réussies et des échecs et chaque pays a intérêt à partager avec les autres ses expériences réussies et ses acquis. Nous pensons modestement que le BNETD est une expérience réussie en Côte d'Ivoire, à savoir un pays qui pense et met en ?uvre son développement. Une telle expérience ne peut être isolée; il faut la faire connaître et partager aux autres pays africains. C'est cela le sens de la coopération sud-sud que nous voulons animer pleinement. Dans la quasi-totalité de ces pays où votre structure est représentée, vous êtes reçu par les responsables étatiques au plus haut niveau. Cela voudrait-il signifier que les autorités de ces pays prêtent une oreille attentive à votre démarche?
Evidemment, dans la mesure où lorsqu'on arrive dans un pays donné, nous intervenons sur les grands projets. Or, vous savez que la plupart du temps, les grands travaux sont directement gérés par les hauts responsables du pays. Il est donc tout à fait naturel que nous les rencontrions pour faire le point des projets, lever les inquiétudes qu'ils peuvent légitimement avoir au niveau de l'état d'avancement des travaux et mieux partager le chronogramme d'exécution et les problèmes qui se posent sur les chantiers. Quelles sont les retombées et les perspectives de cette politique que vous avez initiée en direction de l'extérieur?
Vous savez, le BNETD était en déficit chronique. Depuis que nous avons lancé cette politique, notre chiffre d'affaires a pratiquement doublé. Ce qui est une bonne chose. Nous sommes sorti des déficits chroniques pour aller vers des horizons beaucoup plus intéressants, à savoir que nous dégageons de plus en plus des bénéfices chaque année. Cela nous permet d'assurer nos investissements pour nous redéployer dans l'espace africain.
Cette évolution positive a-t-elle eu un impact sur la société qui a été secouée au début de votre mandat par des grèves?
A notre prise de fonction, il faut reconnaître que les déficits du BNETD étaient, comme je le disais tantôt chroniques vis-à-vis de nos fournisseurs parce qu'on était incapable de faire face à nos charges, mais aussi vis-à-vis de nos banques parce qu'on avait atteint toutes les limites. Ce qui faisait que les ressources financières ne suffisaient pas pour faire face aux charges sociales. Les grèves étaient, je veux dire, récurrentes. Mais depuis que nous avons lancé cette offensive internationale, les ressources que nous avons engrangées nous permettent d'honorer progressivement nos engagements intérieurs, nos engagements vis-à-vis des banques et des travailleurs. Il faut dire aussi qu'en 2004, l'Etat ivoirien a consenti une compensation de nos créances et de nos dettes. Ce qui a fait que nous avons pu redécoller sur le plan financier et aujourd'hui, nous pouvons affirmer que le BNETD est sorti de la grisaille pour emprunter la voie du développement. Jusqu'où comptez-vous vous arrêter dans cette nouvelle dynamique?
Pour le moment, nous sommes présent en Afrique, mais le monde nous intéresse. Pour nous, chaque acteur économique doit s'imprégner du fait que les frontières n'existent plus sur le plan économique avec la mondialisation. Nous devons donc exploiter tout le potentiel mondial de développement des activités économiques.

Interview réalisée par
Ferro M. Bally

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023