mercredi 10 octobre 2007 par Fraternité Matin

Le porte-parole du corps préfectoral fait le bilan de la rencontre avec le Premier ministre, le 6 octobre, à l'hôtel Ivoire.

Le 6 octobre, le corps préfectoral a échangé, à la salle des fêtes de l'hôtel Ivoire, avec le Premier ministre Guillaume Soro au sujet du redéploiement de l'administration et en prélude aux audiences foraines. Quel sentiment vous anime-t-il en tant que porte-parole de ce corps?

C'est un sentiment de satisfaction générale. Parce que nous avons exposé, au cours de cette rencontre, les préoccupations qui étaient les nôtres. Des préoccupations et non des exigences ni des conditions d'un départ. Et des réponses positives y ont été apportées. Nous sommes donc satisfaits. Sur certaines questions, rendez-vous vous a été donné pour la fin du mois notamment en ce qui concerne les véhicules. D'ici là, il faut être sur le terrain en particulier les sous-préfets pour suivre le déroulement des audiences foraines.

Comment, selon vous, pourront-ils travailler?

Nous disons merci au Président de la République, au Premier ministre et à travers lui, à tout le gouvernement. Parce qu'il est écrit, noir sur blanc, dans le manuel du sous-préfet, que lorsqu'il n'a pas de moyens et qu'il doit aller en mission ou en tournée, il doit le faire, même à pied. Evidemment, il faut voir l'époque de sa confection, nous sommes en 2008. Tout évolue. Il faut voir aussi la situation du pays. Nous sommes en crise, les pistes impraticables. Nous disons donc merci parce que c'est déjà un effort pour le gouvernement, de mobiliser plus de 8 milliards de francs pour doter chaque autorité administrative de véhicule de commandement. Mais vous savez, il y a 276 sous-préfets qui partent en même temps. Evidemment, le gouvernement a fait un effort pour doter chaque préfet de région et chaque préfet de département de véhicule. Les jours à venir, ce sera le tour des secrétaires généraux puis l'ensemble des 276 sous-préfets. Cependant, on ne peut pas trouver sur la place d'Abidjan, 276 véhicules maintenant. Il faut par conséquent un peu de temps. Le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur ont affirmé que le ministre de l'Economie et des Finances a donné sont accord pour que d'ici à la fin du mois, nous ayons les véhicules. Mais déjà, les sous-préfets et les préfets redéployés en zones centre, nord et ouest partent, d'ici à jeudi au plus tard, pour participer activement aux opérations d'audiences foraines.

Avec quels moyens financiers?

Sur ce plan, il n'y a aucun problème. Parce que nous sortons d'une situation de crise. Les résidences et les bureaux des autorités administratives étaient occupés. Aujourd'hui, grâce à l'Accord de Ouagadougou, tout a été libéré. Et le représentant du facilitateur en Côte d'Ivoire, a visité, par hélicoptère, la nuit, ces bâtiments qui ont été libérés. Aujourd'hui, il n'y a qu'à les réhabiliter. Nous y avons déjà été pour les audiences foraines. Nous avons dormi dans des chambres d'hôtel. Le Premier ministre nous le disait, il dort actuellement à l'hôtel. Et que le Président de la République a ouvert la voie, il est parti alors que le désarmement n'a pas été fait. Nous qui sommes les lieutenants, les représentant du Chef de l'Etat, du gouvernement, dès l'instant où quelques préoccupations ont été satisfaites notamment la sécurité confiée au Centre de commandement intégré qui a déjà été redéployé, nous sommes obligés de partir. Nous devons partir. Pour ce qui est des moyens financiers, un kit a été dégagé pour chaque autorité administrative qui part en zone centre, nord, ouest. Et depuis, les cartes d'identité de ces autorités ont été déposées au CNPRA, les kits sont déjà prêts. N'eût été la journée décrété fériée, mardi (hier), ils seraient tous entrés en possession de leur kit et je pense qu'ils sont en train de le faire en ce moment. Dès aujourd'hui et demain, ils seront tous partis.
Sur place, des résidences et des chambres d'hôtel sont déjà dégagées pour recevoir ces autorités, en attendant la fin du mois. Toutes les autorités administratives feront jouer leur intelligence pour que, sur place, elles trouvent les moyens de faire leur travail. Je pense aussi, comme j'ai eu l'habitude de le dire, que si vous avez tous les moyens pour accomplir votre mission, vous n'avez plus de mérite. Avec le peu qu'on vous donne, vous devez faire le maximum. Et le faire, c'est aimer son pays, c'est faire en sorte qu'on sorte de cette crise.

Vous avez souhaité, en ce qui concerne la sécurité, que le CCI vous devance sur le terrain. Avez-vous la certitude que c'est chose faite aujourd'hui?

L'homme le mieux surveillé du monde, c'est le Pape. Malgré cela, des gens ont tiré sur lui. Je pense que la meilleure sécurité, c'est d'abord Dieu. C'est Dieu qui assure la sécurité des gens. Ce que nous sommes en train de faire, c'est pour qu'au niveau de nos structures mentales, nous soyons un peu en phase. Mais combien sont-ils les éléments du CCI ? C'est vrai qu'ils soient redéployés. Mais je dis: la sécurité des autorités administratives qui partent aujourd'hui en zones centre, nord, ouest est assurée d'abord par Dieu. Le reste vient en appui. M. Bouréima Badini, représentant spécial du facilitateur Blaise Compaoré, qui a visité les zones CNO, a constaté que les bâtiments ont été libérés. Reste maintenant la réhabilitation. Jusqu'à quand espérez-vous cette réhabilitation?
Premièrement, nous confirmons ce que le Représentant du facilitateur a dit parce que nous avons des contacts. Des commandants de zone appellent déjà leurs préfets pour qu'ils rejoignent leurs circonscriptions. Nous-mêmes qui sommes porte-parole du corps préfectoral avons appelé. Toutes les résidences et tous les bureaux ont été libérés. Evidemment, lorsque je prends le cas de Katiola, la sous-préfecture et la résidence du sous-préfet, en dégradation avancée, doivent connaître une réhabilitation profonde et totale. En revanche, la résidence du préfet et les bureaux de la préfecture sont habitables, puisque c'est là que travaillait le com'zone de Katiola. Nous pensons que tout de suite, le Comité national de pilotage du redéploiement de l'administration va lancer un avis d'appel d'offres et dans deux mois maximum, la réhabilitation sera finie. Si le CNPRA a les moyens, si l'Etat de Côte d'Ivoire dégage l'argent, je pense qu'en trois mois au maximum, ce sera fait. Au-delà des bâtiments des préfets et sous-préfets, à Séguéla, Katiola, les palais de justice sont en train d'être réhabilités. C'est vous dire que nous sommes engagés dans un processus irréversible pour aller vers les élections. Le plus important, c'est de sécuriser ces opérations qui vont mener aux élections notamment les audiences foraines, l'identification, l'enrôlement, la confection des listes électorales.
Vous avez eu plusieurs séances de travail avec vos collègues préfets, secrétaires généraux de préfecture et sous-préfets. Quel est leur état d'esprit au moment où ils doivent regagner leurs postes?
Les préfets et sous-préfets sont pressés de partir. Parce que c'est un devoir pour eux. Les populations les attendent. Je dis que cela fait cinq ans que nous avons abandonné nos postes. Cela fait cinq ans que la population a besoin d'une administration. Evidemment, pendant cette période, les zones centre, nord et ouest ont été administrées par les éléments des Forces nouvelles qui sont nos frères ivoiriens. Seulement, chacun a son travail. Quand tu es militaire, tu as ton travail; quand tu es gendarme, tu as le tien; quand tu es boulanger, tu as ton travail aussi. Ce que nous faisons comme travail, c'est d'administrer. Et administrer, c'est gérer les hommes. Donc que chacun fasse son travail.
Nous n'y allons pas pour dire que nous sommes les chefs. En zones centre, nord et ouest, nous allons tenir un langage de paix, de réconciliation. Le tigre ne crie pas sa tigritude. Lorsque je suis en tenue, le paysan qui est au fin fond de la zone nord sait que c'est le préfet. Parce qu'il y a des attributs, des attitudes. Un préfet, ça ne va pas dans les maquis, un préfet, c'est la responsabilité, c'est l'autorité. Le préfet représente le Chef de l'Etat, l'ensemble des ministres. Donc il ne doit pas jouer. Il doit tout faire pour que les populations soient rassurées.
L'état d'esprit de tous les préfets et sous-préfets de Côte d'Ivoire est bon. Ils veulent aller travailler et ils ne demandent qu'on leur donne les moyens. Et le Premier ministre a donné les moyens pour aller travailler au cours de la rencontre de samedi. Il n'y a donc plus d'obstacle. D'ailleurs, ce n'étaient pas des exigences, c'étaient des préoccupations. Nous sommes donc prêts pour aller travailler, nous partons. Y a-t-il un enjeu particulier, pour vous qui allez sur le terrain comparativement à votre mission traditionnelle d'avant guerre?
Forcément, il y a un enjeu. Cela fait quand même plus de cinq ans que nous sommes en crise. Il faut pouvoir retrouver ses repères. Et c'est pourquoi le corps préfectoral va s'impliquer totalement pour la réussite de cette opération parce que nous sommes à un virage dangereux pour notre pays. Ou nous faisons et nous réussissons et l'on dit merci à Dieu ou alors, nous prenons mal le virage et directement nous allons dans le mur. Et puisque nous ne voulons pas aller dans le mur parce que nous n'avons pas d'autre pays à part la Côte d'Ivoire, nous devons tout faire pour que ça marche. C'est ce que j'ai dit lors de ma tournée à Abidjan. Faisons les audiences foraines de façon propre. Que tous ceux qui n'ont jamais été déclarés à l'état civil, qu'ils soient étrangers ou Ivoiriens, viennent à ces audiences foraines. Que plus jamais, quelqu'un ne dise en Côte d'Ivoire qu'il n'a pas de pièces. Il faut pouvoir tuer cet argumentaire en faisant une campagne médiatique forte, en demandant à tous ceux qui sont nés sur le territoire ivoirien, qui ont treize ans et plus et qui n'ont jamais été déclarés, de venir aux audiences foraines. Ensuite, que ces mêmes personnes, étrangères et ivoiriennes, se rendent aussi à l'identification. Et l'on vous dira si vous avez droit à la carte d'identité selon que vous êtes Ivoirien ou à la carte de séjour ou de résident si vous êtes étranger. Maintenant, la phase la plus difficile, et c'est là que la communauté internationale doit aider la Côte d'Ivoire, c'est là que les Ivoiriens doivent s'unir, parce qu'il s'agit de leur pays, c'est l'étape des élections. Je le disais ici, et il n'y a pas de tabou, il faut avoir la foi pour le dire. On a fait les élections au Mali, il n'y avait pas d'Ivoiriens sur la liste électorale, on en a fait au Burkina, en France, au Sénégal, etc. Tous ces pays ont leur Président, nous les Ivoiriens voulons avoir le nôtre. Mais un Président élu de façon démocratique, transparente. Dans ces conditions, nous disons à nos frères, que nous aimons, qui sont venus en Côte d'Ivoire pour travailler: Pendant cette période, laissez les Ivoiriennes et les Ivoiriens seulement s'inscrire sur la liste électorale. Une fois qu'on aura fini nos élections, on reprendra nos relations?. Mais ce sera difficile parce qu'il est plus facile de détruire que de construire. Il appartient aux Ivoiriens de pardonner, d'éviter les mots qui fâchent, qui blessent. De faire en sorte que dans l'amour, la convivialité, l'entente, nous puissions gagner cette bataille. Celle de réussir les élections, d'unifier notre pays, de sortir de la crise.

Interview réalisée par Paulin N. Zobo

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023