jeudi 11 octobre 2007 par Nord-Sud

Dans cette dernière partie de l'interview qu'il nous a accordée, le président du FPI, Pascal Affi N'Guessan défend la gestion du pouvoir par le FPI et les nombreux scandales qui agitent le réfondation.




? Quelle est votre part de responsabilité dans les événements du 19 septembre 2002 ? Vous êtes la première personnalité du pays à avoir annoncé sur les radios internationales que le général Gueï allait prendre le pouvoir à la télévision; et après on a découvert son corps, comment expliquez vous cette coïncidence ?

Là vous avez deux questions. Au niveau de notre responsabilité dans les événements du 19 septembre2002, je crois que j'y ai déjà répondu. Pour ce qui concerne la deuxième question, elle ne me paraît pas opportune dans le contexte actuel.

Ce n'est pas parce que nous n'avons pas une réponse ; mais aujourd'hui, nous sommes dans un contexte particulier. Il n'est donc pas opportun de ressortir les questions qui peuvent susciter une polémique inutile. Il vaut mieux en faire l'économie. Ce qui est important aujourd'hui, c'est le consensus autour de l'accord de Ouagadougou ; ce sont les actions en faveur de la paix et de la réconciliation. Au nom de ces principes, il faut éviter les questions qui fâchent.




?Tôt ou tard, vous serez amené à répondre à cette question ?

De toutes les façons, vis-à-vis de la crise ivoirienne, tranquillisez-vous, chacun aura à s'expliquer devant le tribunal de l'histoire.




?Nombreux sont les Ivoiriens qui estiment que la gestion du pouvoir par le Fpi est un échec. Que leur répondez-vous ?

Mais les Ivoiriens responsables et honnêtes reconnaissent tout ce que nous avons fait en moins de deux ans, d'octobre 2000 à janvier 2003. En moins de deux ans, tout le monde sait le travail que nous avons abattu lorsqu'on se réfère à la situation du pays à notre arrivée. C'est un pays qui était déchiré, abandonné qui croulait sous le poids de la dette. Il nous a fallu rebâtir tout cela. D'abord l'arsenal institutionnel, les élections législatives, municipales, refaire la cohésion nationale à travers le forum de la réconciliation nationale. Puis sur le plan économique, travailler à replacer la Côte d'Ivoire dans le concert des nations, faire en sorte que les bailleurs de fonds reviennent. Et nous avons réussi cela en moins d'un an. Cela a été une grande première, nous avons réussi à faire fonctionner l'Etat sur la base de ses ressources propres ; nous l'avons réussi en 2001. En 2002, nous avons réussi grâce à l'appui des bailleurs de fonds à faire passer le budget de 1300 à près de 2000 milliards. Au plan social, nous avons commencé à résoudre de grandes injustices au niveau de la fonction publique avec le décrochage des enseignants, le nouveau statut pour la police, le corps préfectoral, le lancement de l'assurance maladie universelle, la gratuité de l'école avec la distribution de plus de 2 millions de kits scolaires, la relance du processus des cantines scolaires. Dans le domaine de la santé, l'ouverture de centaines de centres de santé dans le monde rural. C'est sous notre mandat qu'un ivoirien a été élu à la tête de l'Union africaine. Ce sont des résultats élogieux. Aujourd'hui, certains évoquent la situation actuelle et tentent de la mettre au compte du Front populaire ivoirien. Mais, il faudrait que les Ivoiriens sachent que depuis 2003, ce n'est plus le Fpi qui a la direction des affaires du pays, qui assume la conduite des activités du gouvernement. Le Fpi n'a pas la primature, le Fpi est minoritaire au gouvernement. C'est parce que le Fpi a été marginalisé dans toutes ces affaires que nous constatons tous les dérapages actuels.




?La guerre ne saurait justifier tout. On entend cela, président ...

Ce n'est pas une question de justification par la guerre mais plutôt une appréciation des réalités politiques. Vous n'avez pas les rênes du pouvoir, à partir de cet instant comment peut-on mettre à votre charge les débordements ou les dysfonctionnements. C'est plutôt ceux qui ont organisé cette cacophonie qui sont politiquement responsables.




?Le pays est tout même dirigé par Laurent Gbagbo !

Certes Laurent Gbagbo est le Président de la république. Mais il dirige sans une équipe propre à lui. Celle qui est là n'est pas la nôtre. Au nom de la paix, le Président travaille avec un groupe qui n'est pas le sien pour sortir le pays de la crise. C'est pour cela que nous devons aller vite aux élections pour que demain, une véritable équipe qui partage la même vision pour le pays, soit mise en place.




?Vous savez que rien ne peut s'entreprendre dans le pays sans la caution de Laurent Gbagbo...

Le Président subit ce chaos et se bat pour le contenir. Ceux qui sont comptables, ce sont ceux qui ont organisé ce chaos.




?Mamadou Koulibaly qui est une figure de proue du Fpi a estimé que les refondateurs qui sont aussi des êtres humains sont tombés dans la prévarication des deniers publics. En tant que président du parti avez -vous fait le constat de l'enrichissement illicite de certains de vos cadres?

Il ne faut pas jeter l'anathème et se cacher derrière de vagues affirmations pour salir l'honorabilité des uns et des autres. Dans un pays, chacun est responsable des actes qu'il pose. Si vous avez connaissance d'un refondateur qui s'est rendu coupable de prévarication dites son nom et que la Justice fasse son travail. C'est surtout cela que le Président Mamadou Koulibaly a dit dans sa déclaration. En 1999, lorsqu'on a parlé du scandale des 18 milliards, des gens ont été désignés, arrêtés, jugés et mis en prison. Ici il n'y a pas de délit et vous accusez tout le monde.




?Il y a le cas des 100 milliards de l'usine de cacao aux Etats-Unis qui n'est pas arrivé chez les ayants-droits.

Vous dites l'argent, n'est pas arrivé aux ayants droit. Ce sont des affirmations graves. Vous pensez qu' une telle importante transaction financière entre la Côte d'Ivoire et les Etats-Unis puisse se volatiliser dans la nature Sans que les autorités Américaines, les autorités monétaires de la Bceao, le ministère des finances, le ministère de l'Agriculture ne réagissent?




?C'est le document qui a été publié par la presse qui le mentionne.

Je n'ai pas connaissance de ce document. J'ai trouvé cette affaire tellement grotesque que je n'ai pas voulu aller plus loin en regardant les fac-similés. De mon point de vue, il est difficile d'imaginer qu'une somme de 100 milliards puisse se volatiliser dans ce monde moderne. Sans qu'aucune des autorités des deux pays ne disent un mot. C'est impossible. Si vous voulez des renseignements, vous avez le ministère de l'Agriculture, le ministère de l'Economie et des finances, les autorités de la Bceao. Il faut d'abord enquêter avant de se lancer dans une campagne d'intoxication et de dénigrements. La mission de la presse, c'est d'abord d'informer ; ici elle s'est spécialisée dans le colportage ; dans les démi-vérités aux seules fins de salir et de discréditer.




?Mais le Président de la République a été saisi par les Américains. Le courrier existe.

En tout état de cause, attendons les poursuites judiciaires.




?Trouvez-vous normal qu'un pays sous-développé achète à coup de milliards une usine dans un pays développé ? Est-ce une attitude concevable ?

Bien sûr que cela est normal. Dans la mesure où notre cacao est consommé ailleurs et si nous voulons avoir des valeurs ajoutées. Je tiens à vous dire que c'est pas la première fois que la Côte d'Ivoire construit une usine à l'extérieur (nous avons une usine en Chine qui est un marché porteur) ; il faut des unités de production dans les pays consommateurs. Au lieu d'exporter le cacao à l'état brut, nous le transformons sur le sol Américain en tablette de chocolat pour mieux vendre. Donc c'est un bon choix stratégique. Il faut d'ailleurs que nous multipliions ce genre d'opérations financières. Elle peut se traduire aussi par la prise de participations dans les entreprises de chocolat en France, en Italie etc. Il y a sur place des usines qui le font mais il y a des réglementations qui constituent des entraves à l'exportation. Si nous transformons sur place, alors nous pourrions tirer le meilleur profit de notre cacao.




?On accuse le régime de ne pas sévir contre l'impunité qui règne en Côte d'Ivoire. Que dites vous?

Je reviens pour dire que tout ce que vous observez depuis 2003, ne peut pas etre mis à la charge du Fpi. Nous sommes à la recherche de la paix dans un vaisseau sans nom. Si vous voulez juger les actes du Fpi, référez-vous à la période où il a gouverné avec son propre équipage. Nous vous donnons rendez-vous après les prochaines élections pour découvrir le vrai visage du Fpi. Il n'y aura pas d'impunité dans ce pays, l'Etat retrouvera tous ses attributs pour faire reculer la criminalité, pour faire régner la paix sociale et éradiquer la pauvreté et le chômage.




?Depuis 2000, date à laquelle le Fpi est parvenu au pouvoir, aucune enquête n'a abouti. Qu'est-ce qui explique cela?

Ce n'est pas juste. Des procès ont lieu, des condamnations ont été prononcées dans la plupart des affaires ; mais peut-être que ce ne sont pas ceux à qui pense l'opinion qui sont coupables. En tout état de cause, la Justice est dans la main de l'opposition depuis 2003.




?Dans quelle logique s'inscrit votre vaste programme de débauchage de militants des partis d'opposition?

C'est vous qui qualifiez cela de débauchage. S'agissant d'honorables personnalités politiques, je pense que c'est une injure à leur honneur que d'affirmer qu'ils ont été débauchés. Nous les respectons car après avoir fait le bilan de leur engagement politique dans ces partis (le Rdr et le Pdci), ils ont décidé en toute conscience de rejoindre le Fpi. Il faut plutôt parler de la déception, de la désillusion que ces personnalités ont rencontrée dans ces formations politiques. Ces partis n'ont pas pu offrir à ces derniers un cadre d'épanouissement. On les a enfermés dans une logique suicidaire, dans un repli identitaire. On leur a fait croire que toute la Côte d'Ivoire est contre eux ou qu'ils sont le nombril de la nation et que ceux qui sont là, sont de la vermine qu'il faut écraser et effacer de la scène politique. Aujourd'hui, ils se rendent compte qu'ils ont été manipulés. Ils ont été déçus. Il faut donc positiver cela et bien apprécier l'acte responsable posé par ces hommes politiques avertis qui veulent être utiles à leur nation. C'est l'analyse que nous faisons de leur arrivée au Fpi.




?Selon l'opposition, l'argent est à la base de cette transhumance politique.

Est-ce l'argent qui est à la base des recrutements au Rdr et au Pdci ? Qui sème le mensonge, le tribalisme et la violence en contexte de démonstration et d'émergence d'une nation Républicaine, récolte la défection.




?Comment avez-vous man?uvré pour amener Kouamé Oi Kouamé, votre frère aîné au Fpi ?

Je n'ai pas eu à man?uvrer. Il est l'aîné. Les raisons familiales qu'il a évoquées c'était pour ménager le Rdr. Je suis convaincu que les responsables du Rdr ont compris que ce sont plutôt des raisons politiques. Il a posé un acte politique. L'occasion ne s'est pas encore présentée pour qu'il déballe toutes les raisons qui l'ont amené à quitter le Rdr. Si les dirigeants du Rdr enclenchent un combat contre lui et tous ceux qui ont fui ce bateau en perdition, je suis certain que cela ne sera pas à leur avantage.




?Pourquoi ne faites-vous aucun bruit lorsque vous perdez des militants comme Dr Ahua Junior ?

Je ne le connais pas sur la scène politique en qualité de militant du Fpi.




?N'empêche qu'il était conseiller du président du parlement ?

Au Fpi, je ne connais ni sa base ni sa section ou sa fédération. Le Fpi ne maigrit pas, il se développe.




?Quelle est la situation de l'implantation du Fpi dans le Nord du pays après cinq années de guerre ?

Le Fpi revient en force. Il a été toujours présent au Nord. Il faut reconnaître que entre 2000 et 2007, une parenthèse a été faite au profit du Rdr. Aujourd'hui, cette parenthèse est en train d'être fermée par les populations. Elles reviennent à leur premier amour c'est-à-dire le Fpi. Les différentes missions que nous avons menées montrent bien que notre parti est attendu avec impatience. Aux prochaines élections, la cartographie politique au Nord et sur l'ensemble du territoire sera bouleversée.




?Avez-vous en projet une tournée dans le Nord ?

Bien sûr. Nous allons attaquer le Nord dès le début de l'année prochaine.




?Quel bilan faites vous de votre première tournée qui vient de s'achever?

Un bilan que je ne qualifierai pas de fracassant (rire). Mais je dirai tout simplement que le bilan est largement positif car il a dépassé nos attentes. Nous sommes rassurés que le pays Akan a tourné le dos au Pdci et il a décidé de marcher avec le Fpi. C'est ce qui nous réconforte quant à notre victoire certaine à la prochaine élection présidentielle.




?On constate que vous êtes en campagne avant même l'ouverture de la campagne...

Il n'y a pas de campagne prématurée parce qu'un parti politique est en permanence en mouvement. La campagne électorale n'est qu'une période définie par les Institutions. L'action politique est une présence régulière sur le terrain.




?On constate ici et là des querelles entre les directeurs de campagne (Ddc) et les responsables locaux dans certaines localités. On vous reproche d'avoir parachuté des cadres là où ils ne pèsent pas lourds. Pourquoi cette option?

Il n'existe plus de querelles entre DDC et fédéraux. Chacun a compris les limites de ses responsabilités. Aujourd'hui, nos cadres sont mobilisés pour aller ensemble aux élections pour faire gagner Laurent Gbagbo dès le premier tour.




?Quand on observe de près. Les DDC que vous avez nommés sont des hauts fonctionnaires qui sont souvent à la tête des structures étatique. N'y a t-il pas de risque de confusion ?

Avant tout, ils sont des militants du FPI, des cadres politiques. C'est en cette qualité qu'ils sont nommés.




?Est-qu'il n'y a de considérations pécuniaires qui sous-tendent leur nomination?

Pas du tout. Pour être DDC, il faut être un cadre du Fpi et avoir la capacité politique de mener une campagne électorale.




?Concernant le financement des partis politiques. Comment avez- vous géré votre subvention de 800 millions de francs Cfa?

Nous avons des comptes à rendre à nos militants et non à la presse. Les cadres qui siègent dans les organes sont informés et nos militants le seront dans les structures auxquelles ils participent. Il n'y a pas et il n' y aura pas d'opacité. Nos comptes au titre de l'an 2006, ont été largement diffusés auprès de tous les cadres mêmes de ceux qui ne sont pas membres des organes mais qui contribuent financièrement par leur cotisation aux activités du parti. Nous leur avons donné les documents qui retracent l'exercice financier. Nous nous apprêtons à envoyer le bilan de l'année en cours et qui tire vers sa fin.




?Où se situe le président Affi N'Guessan dans la guerre de succession au sein du Fpi ?

Vous ne pensez qu'on a assez de guerres (rires) en Côte d'Ivoire. L'après Laurent Gbagbo c'est le Fpi. Ce parti a construit l'accession de Laurent Gbagbo au pouvoir, le pays assumera l'après Gbagbo




?Est-ce que le président Affi est nostalgique de la Primature ?

Loin s'en faut. Un homme politique ne doit pas être nostalgique d'une situation. Bien que je ne sois pas aujourd'hui à la primature, je ne me morfonds pas. Je n'ai pas de récriminations, contrairement à d'autres personnes.




?A écouter vos discours, on a l'impression que vous avez un problème avec la France. Qu'en est-il exactement ?

Nous n'avons aucun problème avec la France. Nous pouvons avoir des problèmes avec une politique. Entre les Etats, il y a des relations classiques de coopération. Mais si une équipe au pouvoir en France mène une politique contraire à nos intérêts et qui bafoue notre souveraineté, nous avons le devoir de la dénoncer et de la combattre.




?Quel est l'état de vos relations avec le président Sarkozy ?

Jusqu'aujourd'hui, le Président Sarkozy n'a pas posé d'actes d'agressions contre la Côte d'Ivoire. Je pense que c'est une rupture par rapport à ce que nous avons connu avec le Président Chirac.




?Est-ce que vous avez un problème personnel avec le Président Bédié ? Vous ne respectez le doit d'aînesse que quand vous partez chez lui.

La politique est une affaire de projet et non de droit d'aînesse. Je dis qu'aujourd'hui, le Président Bédié et le Pdci appartiennent au passé. Bedié n'incarne plus aucune valeur actuelle : le courage pour défendre la république, l'ouverture aux autres, la culture de la tolérance et de la démocratie, le respect de la diversité culturelle et ethnique, le sens de la République et de la citoyenneté, un projet pour moderniser la Côte d'Ivoire. Il faut que les Ivoiriens le mettent à la retraite à l'occasion des prochaines élections. Il n'y a pas mille manières de le dire. Entre cette réflexion et l'expression les refondateurs sont des imbéciles heureux, on voit bien où se situent les injures.




?Bientôt c'est le 30 octobre et le débat s'ouvre de savoir qui va prolonger le mandat de Laurent Gbagbo.

Personne n'a jamais prolongé le mandat de Laurent Gbagbo. Nous ne faisons qu'appliquer la Constitution. C'est elle qui continue de régir la vie politique ivoirienne jusqu'à ce que des élections surviennent et que le Président Gbagbo soit reconduit à la tête de l'Etat.




?Avez-vous pensé à votre vie d'opposant si le Fpi ne gagne pas les élections?

Cette question ne se pose pas. Dans la mesure où nous sommes convaincus que nous allons remporter les élections. Nous avons progressé dans l'opinion pendant que les autres ont régressé considérablement. Ils sont abandonnés à cause de l'agression barbare qu'ils ont organisée contre le pays. Cela a empêché le Fpi de déployer son programme qui a fait tant rêver les Ivoiriens. Ces derniers attendent impatiemment de reconduire le Fpi et de sanctionner tous ceux qui ont causé tant de dommages au pays.




Réalisée par Traoré M. Ahmed, Coll. Moussa Ouattara (Stagiaire)

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