jeudi 11 octobre 2007 par Nord-Sud

En pays malinké, la nuit du destin est dénommée Kouroubi Sou . Cette nuit de prières a aussi des relents traditionnels. Cette tradition a été constatée à la mosquée du quartier Koko dans la cité du Poro.





Grande mosquée de Koko, à Korhogo. Peu après 22h, l'imam adjoint, Gaoussou Koné, a déjà commencé la lecture du Coran. Certains fidèles musulmans écoutent religieusement ses explications sur le fondement et l'importance de la nuit du destin. Il est 2 h 15. L'imam continue son sermon. Soudain, des bruits de tam-tam et des chants de jeunes filles se font entendre. Le Kouroubi, danse prisée chez les malinkés, vient de commencer au quartier Melagasso. Deux percussionnistes donnent le rythme. Des jeunes filles bien maquillées, le Danvanifin (Ndlr pagne noir) attaché aux seins, exécutent des pas de danse. Chacune tient un instrument appelé Koulé décoré de cauris. Le Koulé fait office de castagnettes. La petite troupe passe de cour en cour pour saluer et rendre hommage aux mamans. A chaque étape, les tam-tams emballent le rythme et les danseuses rivalisent d'ardeur. Elles se trémoussent. La joie se lit sur leur visage. Elles fredonnent des chansons en malinké dont le thème tourne autour de la générosité, la perte d'un parent cher ou même de leurs espérances. Jusqu'au petit matin, elles égaient ainsi les rues de la ville. Le Kouroubi est devenu une composante importante de la nuit du destin en pays malinké. Nous avons pratiqué le Kouroubi et cela est devenu une institution.



Participer au Kouroubi est un privilège





Quand on participe à cette danse, c'est qu'on n'a pas encore d'enfant ou que l'on n'a pas pris une grossesse avant le mariage, raconte Namina Cissé, une habitante du quartier Koko. Nos pères et nos mères l'ont institué, on ne peut pas le laisser tomber, ajoute-t-elle. J'ai fait le Kouroubi et j'en suis fière, car je me sens femme. Je sais que je suis passée d'une génération à une autre. Ce sont des souvenirs inoubliables. On revient voir nos petites s?urs danser pour se rappeler nos rêves d'enfant. J'aurais été malheureuse, si je n'avais pas pris part à un Kouroubi, témoigne Fatoumata Cissé, la vingtaine révolue. Selon Fatoumata Sanogo, une sexagénaire, cette fête offre aussi l'occasion aux mères de bien habiller leurs filles.

Personne ne sait exactement quand cette danse a été instituée. Lassiri léyé (Ndlr, c'est une tradition) lâche laconiquement Tanou Nabintou, une octogénaire. C'est une tradition que nous avons trouvée auprès de nos mères. Et à notre tour, on a pratiqué le Kouroubi. Nous l'avons légué à nos filles, explique-t-elle. A l'en croire, le Kouroubi est la manifestation de la joie des jeunes filles pubères. Et il se pratique seulement de la nuit du destin, d'où son nom Kouroubi sou, jusqu'à l'apparition de la nouvelle lune qui consacre la fête de Ramadan. Après la fête, il faut attendre la prochaine nuit du destin. C'est donc une fête cyclique. Les mamans nous accompagnent, mais elles ne dansent pas comme nous le faisons parce qu'elles ont déjà fait leur temps, confie une danseuse. Et Fofana Kady de confirmer que seules les jeunes filles dansent le Kouroubi. Les femmes déjà mariées ou même celles qui ont fait un enfant ne le dansent pas, précise-t-elle. Les femmes que nous avons rencontrées sont formelles : le Kouroubi n'est ni plus ni moins qu'une danse de réjouissance. C'est une façon de célébrer la nuit du destin. Pendant que les religieux procèdent à la lecture du Coran, les femmes dansent pour vénérer cette nuit. Dans le temps, c'était une occasion d'aller au cimetière, se prosterner sur les tombes et prier pour les défunts, ajoute Tanou Nabintou.

Selon Fatoumata Sanogo, le Kouroubi est aussi la voie de Dieu. C'est une tradition musulmane. Sinon, pourquoi les deux événements se passent le même jour. C'est notre fierté. C'est notre âme.. Faux ! Rétorque l'imam de la mosquée du Djélisso, El Hadj Koné Dao. Kouroubi veut dire en arabe, se rapprocher de Dieu. Mais les femmes s'éloignent de Dieu en dansant pratiquement nues. Ce n'est pas islamique. Dieu demande que la femme soit totalement voilée. Ce n'est pas une façon de se rapprocher de Dieu, martèle-t-il.





L'origine du Kouroubi





Le Kouroubi a profondément évolué. Dans les temps anciens, confie un des percussionnistes, Dao Koné, les petites filles fermaient les parties intimes avec seulement un cache sexe appelé communément Kodjo et Blan en malinké. Elles laissaient à l'air libre des seins qui amorcent leur formation. Pour Dao Koné, les temps ont changé. Le modernisme aidant, a-t-il justifié, les filles cachent tout le corps y compris les seins. La vieille Tanou donne une autre lecture. En son temps, explique-t-elle, les seins des filles pouvaient tomber sans qu'elles ne connaissent encore un homme. Mais aujourd'hui, à peine grandissent-elles, qu'elles se donnent aux hommes. C'est pourquoi, elles ne portent plus le cache sexe. Le Kouroubi a perdu de sa superbe. Cette danse n'a plus sa renommée d'antan. Selon la vieille Tanou, les jeunes filles scolarisées trouvent que celles qui pratiquent le Kouroubi sont des villageoises. En outre, les religieux le combattent. Ils le trouvent satanique. A en croire El Hadj Koné Dao, il faut arrêter cette danse. Et d'expliquer l'importance de la nuit du destin qui vaut plus que 1.000 mois d'adoration : C'est une nuit célèbre. Samson a combattu les athées pendant 500 mois jusqu'à ce que sa femme le trahisse en complicité avec ces derniers. Après avoir été arrêté, Samson a imploré Dieu qui est venu à son secours en lui donnant d'autres forces. Il a réussi à les combattre à nouveau pendant 500 mois. C'est ainsi que le prophète a intercédé auprès de Dieu pour qu'il permette que les humains aient une telle capacité de longévité. C'est pourquoi Dieu a dit que la nuit du destin vaut plus de 1.000 mois d'adoration. Alors au cours de cette nuit, il faut l'implorer et non danser. A en croire Fatoumata Sanogo, ce ne sont pas tous les maîtres de la religion qui condamne le Kouroubi.









Mazola (Correspondant régional)

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