samedi 27 octobre 2007 par Le Nouveau Réveil

La Côte d'Ivoire est en crise. C'est une tautologie, sauf pour les illusionnistes. Pour ceux-ci la paix est une colombe sortie d'un chapeau comme un trompe-la-mort. Une paix voltigeant de symbole en symbole, qu'il faut savoir attraper au moment opportun. Une opportunité frivole dans le temps, car insaisissable. La paix est là, toute proche, depuis que Gbagbo nous le dit lors de ses adresses à la Nation. À chacune de ses apparitions à la télé, le peuple sait ce qu'il dira et ce qu'il ne fera pas. Mais comment décoder ce qu'il fera dans tout ce qu'il ne dit jamais? Simple petite question, car ne dit-t-on pas que "tout arrive à point à qui sait attendre"?
C'est bien connu aussi que l'ambiguïté, légitimée dans l'art de faire de la politique, plaide pour l'apologie de la ruse. Du moins pour les esprits tordus, experts en hypnose sociale. Alors comme le peuple ivoirien a été endormi et quoiqu'il y ait toujours une Première Dame au Palais, le Chef de l'État ivoirien n'est toujours pas le premier homme à se soucier du sort des planteurs, des enseignants, des militaires, des transporteurs, des commerçants, des médecins, des infirmiers, des sages femmes, des techniciens des hôpitaux, des greffiers, des ménagères. Bref, de tous ceux qui grèvent. En fait, le Président Gbagbo persiste à vouloir convaincre que s'il travaille doucement, doucement pour régler les problèmes sociaux, c'est parce qu'il est pressé de les voir résolus vite, vite. Pourtant Gbagbo sait que les Ivoiriens vivent une crise sans commune mesure. C'est donc curieux qu'il affirme partout, jusqu'à l'Assemblée générale de l'ONU, qu'il s'agit d'une "petite crise", petite, petite. Tellement petite qu'elle a duré, en un premier temps, quatre longues années, du 19 septembre 2002 au 1er novembre 2006 (R-1721 du CS-ONU). Cela, dû à l'échec répété des "solutions des autres" contre lesquelles, sauf une (la R-1721), Gbagbo n'a pas osé utiliser son veto de président de pays souverain. En vérité, Gbagbo s'est opposé à l'ingérence étrangère, chaque fois en faisant la politique du blocage de ces "accords des autres" dans l'ambiguïté, par des prises de décisions alambiquées. Est-ce là une démonstration de courage d'un résistant de la "guerre de la France contre la Côte d'Ivoire"? Ou est-ce plutôt la pétrification issue de la peur au ventre d'affronter les adversaires, les yeux dans les yeux? Gbagbo s'est toujours tu et a invariablement attendu que les autres tirent le premier. Puis, flatté par le mythe collé à son égo de politicien redoutable, il dénie, une fois arrivé au palais, les accords des autres qu'il a néanmoins soit signés, soit entérinés par décret.
la fumée sent déjà le roussi
Le hic est que le réveil du peuple semble avoir sonné la fin de la récréation d'un tocsin à rumeur d'insurrection. Du coup, l'Accord politique de Ouagadougou (APO) dit accord inter-ivoirien venu en rédempteur, s'est métamorphosé en accord de dupes entre les deux politiciens sortis de la même école, dont l'un a été le maître de l'élève qui tend à dépasser le maître. En fait, de la flamme de la paix, allumée par les deux braves ex-belligérants, le 30 juillet à Bouaké, la fumée sent déjà le roussi de la carotte. Résultat du comble du discours au lieu de l'action, de la métaphore du dribbleur qui bouge à gauche pour déjouer à droite, de la profession de foi en la paix pendant la préparation des bruits de bottes. C'est ainsi qu'un an, jour pour jour, après la mise en bière de la R-1721, Soro, chef de la rébellion, cosignataire de l'APO et Premier ministre, traite Gbagbo sur sa terre natale de Gagnoa, de partenaire naïf trahi par son "entourage". Une réplique de l'homme fort du gouvernement à Gbagbo qui l'aurait trahi, deux semaines plus tôt, en portant plainte à l'ONU et à la Banque mondiale pour l'accuser de continuer à percevoir les recettes fiscales des zones ex-assiégées du CNO. Conséquemment, le facilitateur burkinabè, sous la barbe de son représentant en Côte d'Ivoire, semble avoir perdu son rôle d'archonte éponyme dans l'Accord ivoiro-ivoirien, aussi facilement qu'il a osé contester à la Côte d'Ivoire, ses droits coutumiers de gouvearnorat de la BCEAO. Un véritable triangle amoureux où le trahi trahit comme le cocu cocufie. Au point que le clash pressenti entre Soro et Gbagbo après l'attentat à la vie de l'un, le 29 juin 2007, dans le soupçon de la complicité de l'autre, pourrait déposer l'APO là où la R-1721 a été remisée.
Dans ces circonstances, ce n'est point un simple lapsus, l'appel lancé à Gagnoa, le 20 octobre dernier, par le PM Soro, à qui s'y reconnaît, de se contenter de la "petite paix" de l'APO ou de se taire. Sans doute que c'est son ministre de l'Intérieur, Désiré Tagro, qui est visé. Un subalterne, visiblement en rivalité d'autorité avec lui, car en mission de guérillero de sabotage pour Gbagbo. Par contre, ni le RDR, ni aucun des trois autres partis politiques de l'opposition, réunis au sein du rassemblement des Houphouétistes (RHDP), ne se sentent concernés. Au contraire, depuis un moment, le RHDP clame, qu'au-delà du 31 mars 2008, une alternative à l'APO pourrait être imposée à la gestion approximative actuelle de la crise par les deux ex-belligérants en passe de se débarrasser de leurs "ex" pour faire basculer la Côte d'Ivoire dans la belligérance totale, encore une fois.
Gbagbo le sait. Alors, plutôt que de conjurer la conflagration possible, du mauvais sort, il s'y prépare en entrant en rébellion. Son chef d'État Major occulte, le Général Blé Goudé, muni d'un quitus présidentiel d'impunité, a quitté la rue pour s'occuper de plus en plus de l'avenir militaire, policière et ENA-piste des jeunes, triés parmi les plus Gbagboïstes des Patriotes. Blé Goudé cumule même le poste de PM palliatif de Gbagbo, le Président en rébellion contre l'autre PM dont le comportement est resté, aux yeux de Gbagbo, trop indocile. des enquêtes dirigées
Voilà comment Gbagbo, contrarié, compte se requinquer pour la sortie de la crise ivoirienne, en compagnie certes de Soro, le PM décrété, mais en lui flanquant Blé, un PM sécrété. C'est donc le début de la transformation du "Dialogue Direct" en un "Dialogue Indirect" via deux PM aussi inconstitutionnels l'un que l'autre, qui vont copiner d'égal à égal comme aux temps nostalgiques de leurs années fescistes pour semer la paix dans les c?urs, de Gagnoa à Korhogo. Sans passer par Mama, ni chez Papa.
De plus, comme Soro dispute l'assiette fiscale du pays à Gbagbo, il a déjà acquiescé tacitement de payer sa dette politique à la Nation en finançant son PM rival, à même ses fonds de souveraineté de la Primature, au crédit du compte de Leadersteam, le Cabinet privé de Blé. Ainsi, personne ne pourra accuser l'intouchable de Gbagbo de violer la sanction du gel de ses avoirs par la résolution 1572/2004 de l'ONU, ni d'être milliardaire sans jamais avoir travaillé. Le même stratagème de marché de gré à gré, Primature-Leadersteam, a été utilisé pour l'organisation de "la plate-forme de la paix" du 2 octobre dernier, évènement patriotique étiqueté au Cojep ou à l'Alliance, pour le grand public. Par ailleurs, dans sa rébellion contre Soro, Gbagbo est allé jusqu'à boycotter les audiences foraines et fouler la loi au pied en naturalisant, hors-circuit, de façon sélective et à huis-clos, quelques échevins burkinabè appelés à jouer implicitement les rôles de DCG (directeurs de campagne de Gbagbo) auprès de leurs communautés. À chacun donc des candidats présidentiels d'acquérir sa part de bétail électoral. Frauduleusement! Pourquoi pas? Dans un pays où les enquêtes sont dirigées pour finir en queue de poisson ou aboutissent dans la controverse pour impunité des criminels. Ce sont là quelques symptômes de la réalité des "blues de la République". Un verdict d'absolution pour Mamadou Koulibaly, l'auteur "persécuté" de cette diatribe. Un oscar de censeurs de bonne foi à Venance Konan et à Tiburce Koffi dont les voix "verbatimées" chantent la probité dans la République et la bonne gouvernance au gouvernement. En fait, des vertus ignorées dans les critères d'attribution des prix lors de la cérémonie de la "Nuit de la réconciliation et de la paix" organisée le 10 octobre dernier à l'Hôtel Ivoire par le ministère de la Réconciliation nationale. Pas étonnant que le ministre Dano Djédjé ait péché par omission de grands absents et par accusation portée par madame Sonia Ackra, pour plagiat de son projet "Grand Prix de l'Artisan de la paix" qui était prévu pour le 15 novembre prochain. Tant de tralalas budgétivores et de simagrées ignominieuses pour une paix invisible, telle la peau de l'ours qu'il ne fallait pourtant pas vendre avant de l'avoir tué. D'autant plus que, le 20 octobre 2007, alors que les vendeurs d'illusion fêtaient au stade Biaka Boda à coup de dizaines de millions de nos francs, l'hôpital de Gagnoa, situé à quelques pas de danse de là, avait besoin d'une fraction de ce coût pour se faire une petite toilette digne des êtres humains qui y gisaient à même le sol nu, entre quatre murs peints de sang giclé. À vrai dire, Gbagbo ne contrôle plus rien. La Côte d'Ivoire a besoin d'un nouveau leader. Et elle le mérite par devoir d'assistance à 17 millions d'Ivoiriens en danger. À qui le tour de nouveau président de la République, ADO ou Bédié? Seules les élections nous le diront.
Dr Ahua Jr
Québec (Canada)
antoineahua@hotmail.com
(Le titre et les intertitres
sont de la rédaction)

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