samedi 27 octobre 2007 par L'intelligent d'Abidjan

C' est depuis six mois que j'ai décidé d'écrire cette chronique. Elle était initialement intitulée Le septième jour et j'avais même en tête les premières lignes. Chaque vendredi matin, à l'aube, je prenais un autre sujet beaucoup plus lié à l'actualité. Ce matin donc je me sens disponible pour ce thème. Il m'est venu en tête lors des obsèques d'un oncle et aussi devant le spectacle affligeant des uns et des autres aux cours des funérailles. Tout commence aux levées des corps. La quasi-totalité des personnes venues soutenir la famille du défunt trouvent en cette occasion un moyen de se divertir. Ces hommes et femmes discutent de tous les sujets, notamment politique, sportif, de la mode et surtout de la critique des proches. C'est en faisant la queue pour saluer la famille que certains jouent la comédie de la tristesse. Certains, surtout les femmes, pleurent à chaudes larmes mais à les voir une quinzaine de minutes, plus tard, on se demande si ce sont les mêmes personnes. Hypocrisie quand tu nous tiens ! La frime des uns et des autres redoublent quand il s'agit de participer aux frais des funérailles ou du septième jour. C'est la concurrence. Qui donnera plus ? Les cahiers sont tenus pour écrire les noms et les montants. Les micros sont utilisés pour faire le même travail.

Il suffit de regarder le visage de certaines personnes qui viennent de donner une somme importante pour comprendre qu'elles ne compatissent pas du tout au malheur d'une famille mais qu'elles sont habitées par la vanité, la suffisance et l'hypocrisie. Tout comme à la levée de corps, les septièmes jours, les veillées funéraires restent des occasions de bavarder et dire des choses impures. La mort est devenue banale. Elle est devenue l'échec des hommes de Dieu. Tout le monde se dit croyant, appartenant à une religion. Comment comprendre alors que la plupart des personnes ne songent qu'à frimer et étaler leur hypocrisie autour de la mort. Des membres de la famille, proche ou lointaine, ne sont pas loin des amis venir compatir à leur douleur. Des sourires, des rires et des bavardages entre deux sanglots. Décidément les hommes de Dieu ont failli à leur mission. Celle de faire respecter la mort. Certainement que beaucoup pensent que l'âme se réincarne et préfère ne pas avoir une attitude pleine de méditation spirituelle pendant des heures et des jours. J'ai vu des gens perdre quelqu'un de très proche et se comporter quelques heures après l'inhumation comme s'ils n'avaient pas vu le corps d'un des leurs ensevelis. Toute la vie quotidienne doit être un rappel de la mort. Et c'est ce qui pousse l'homme à être bon et charitable. A quoi bon dépenser des milliers et des millions de francs pour un défunt quand sa maladie n'a pas su émouvoir une dizaine de personnes ? Les proches, les connaissances et même les riches de la famille ont été sollicités pour payer des médicaments aux malades. Ils n'ont pas réagi. Ils n'ont jamais le temps. Ils promettent de venir. Dès que le décès est annoncé ils font partie des premières personnes qui viennent présenter leurs condoléances en remettant pour le moment suffisamment de l'argent qui aurait pu sauver le malade de la mort. Stupéfaction ! Les membres de la famille attendent ces moments là pour jouer aux trésoriers ou aux comptables devant le corps encore tout chaud. Le plus ridicule c'est la course pour aller annoncer le décès à des hautes personnalités politiques ou à des hommes riches qui de leur salon doivent tout décider sans venir saluer la famille. C'est la famille qui s'y rend pour recevoir les condoléances. L'argent est vraiment une création de Lucifer.

J'ai une amie qui a perdu sa mère et a fixé les dates des obsèques. Elle possède suffisamment de moyens pour tout faire sans demander de l'aide. Refus catégorique de ses frères et s?urs, plus démunis. Ils exigent que la personnalité la plus puissante de la région fixe la date qui lui convienne pour être présente. Mon amie a tout dit, menacé. Elle a perdu la bataille. Le corps a attendu quatre mois. Le responsable suprême de la région a maintenant le temps. Nous serons ce week-end dans son village. La personnalité sera plus regardée et adulée que le cercueil. Tant que certaines personnes auront l'âme de marchands de la mort et que d'autres adorent frimer autour des cadavres des pauvres notre société continuera d'être soumise à l'hypocrisie, donc à tourner le dos à Dieu. Faut-il lancer une fatwa contre ceux qui vont à la dérive ? Ainsi va l'Afrique. A la semaine prochaine

Par Esaïe Biton K.

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023