mercredi 31 octobre 2007 par L'intelligent d'Abidjan

L'ex-député de Bouaflé maintient la pression sur les acteurs du processus de sortie de la Côte d'Ivoire. Paulin Kouassi Allomo Ouffoué interpelle Badini sur le fétichisme des dates dans l'application de l'accord de Ouaga.
A Monsieur le représentant spécial du Facilitateur du Dialogue Direct de Ouagadougou SEM le Président de la République de Côte d'Ivoire vous a reçu le mercredi 24 octobre 2007 en sa résidence de Cocody pour un passage en revue de la sortie de crise en Côte d'Ivoire. A votre sortie d'audience, vous avez déclaré ceci à la presse (déclaration rapportée par Fraternité Matin et Notre Voie du jeudi 25 octobre 2007) la sortie de crise n'est pas une course de fond, ce n'est pas une course de 100 mètres plat, où on dit Top départ, et puis il y a quelqu'un qui arrive. Ces propos tenus entre autres, venant de vous, je voudrais me permettre - en ma qualité de citoyen ivoirien ? de vous exprimer à la fois ma surprise, mon inquiétude et mon indignation. Ma surprise d'abord. Je suis surpris par la manière trop aisée avec laquelle vous avez cru nécessaire de dire ces choses. Parce que pour nous Ivoiriens, désireux de sortir maintenant et le plus rapidement possible du guêpier dans lequel nous ont plongé nos sacrés refondateurs et ex-rebelles qui se partagent allègrement le pouvoir actuel au grand dam du peuple de Côte d'Ivoire, le flou artistique qui est en train de s'organiser autour des Accords de Ouaga ? considérés comme ultimes remèdes miracles pour nous sortir de ce trou noir ? ne semble plus tenir compte du chronogramme desdits Accords qui prévoyaient des élections en Côte d'Ivoire pour fin octobre 2007.
Et cela me rend inquiet. D'autant plus que vos propos ne nous indiquent pas non plus à quel genre de course le processus de paix est en train de compétir. En effet si ce n'est une course de vitesse encore moins une course de fond classique comme vous le dites, alors il ne nous reste plus que le marathon. Oui ! Le marathon ! Et c'est à cela que vous voulez préparer psychologiquement les Ivoiriens que nous sommes, victimes expiatoires d'une nouvelle catégorie privilégiée d'Ivoiriens à qui ils ont commis l'irréparable erreur de confier leur, sort.
D'où mon indignation. L'indignation de celui que l'on a trompé. L'indignation de celui qui refuse de continuer d'être pris pour l'âne courant après la carotte insaisissable qui nous rappelle la fable du corbeau et le renard de la Fontaine qui nous a toujours appris que tout bon flatteur vit au dépens de celui qui l'écoute.
Ainsi donc, les Accords de Ouaga, qui ont suscité tant d'espoir et que l'on nous a pratiquement interdit d'écorcher ou d'éplucher et encore moins de critiquer sont en voie de prendre l'allure de la simple poudre aux yeux des gogos et des zozos d'Ivoiriens que nous sommes. Que Dieu nous garde tous si je me trompe. Sinon, je me convaincs de jour en jour que lesdits Accords ne sont plus aptes à régler le problème de la Côte d'Ivoire. Tout simplement parce que tout urge en Côte d'Ivoire et le fait de jouer avec cette urgence ou pire de l'ignorer, constitue pour moi, un crime contre mon pays et contre le peuple de Côte d'Ivoire. La seule excuse que l'on peut vous concéder est relative à cet adage bien connu de chez nous qui dit que quel que soit la largeur du champs de vision de l'étranger aux grands ou gros yeux, il ne peut être au parfum de tous les secrets du village ou du pays hôte.
Mais même en considérant cela, vous demeurez difficilement excusables du simple fait que ce n'est pas à un frère Burkinabé qui peut considérer la Côte d'Ivoire comme une seconde patrie qu'un Ivoirien ira peindre la situation en Côte d'Ivoire ; car il sait que quand la Côte d'Ivoire tousse, c'est toute la sous-région qui s'enrhume. Mais, si vous tenez tant à aller à votre rythme, parce que ignorant les vraies réalités ivoiriennes qui en appellent à l'urgence la plus immédiate, alors je me propose de vous aider dans la liste non exhaustive qui va suivre ; car si vous ne savez peut-être pas, je vous apprends le sentiment général qui est celui des Ivoiriens aujourd'hui, et qui n'est pas loin d'être aussi celui de la communauté internationale : Monsieur le représentant spécial résidant en Côte d'Ivoire, nous sommes tous fatigués !!!
- Nous sommes fatigués de constater que tous ceux que nos dirigeants ont coptés dans la résolution de la crise ivoirienne viennent plutôt pour nous endormir et nous retarder dans la recherche des solutions aux problèmes de la Côte d'Ivoire. Car en lieux et place de la neutralité que l'on attend des grands médiateurs, on a vite fait de constater une complicité rapide et peu ragoûtante avec le pouvoir, qui lui n'est pas du tout pressé d'aller à la paix. - Nous sommes fatigués de continuer d'énumérer, impuissants, les pertes économiques, financières, diplomatiques et de bien-être social que notre pays enregistre tous les jours.
Nos paysans sont découragés. Nos travailleurs complètement désabusés. Les chômeurs résignés. Les jeunes diplômés abasourdis. La jeunesse livrée à l'oisiveté et abandonnée dans la rue. Les enseignants et les médecins intraitables et impitoyables dans leur lutte pour l'amélioration de leurs conditions de travail et l'obtention de leurs droits sociaux les plus élémentaires ne donnent ni cours ni soins depuis des mois. Le racket et la corruption sont désormais érigés en mode d'administration. Le panier de la ménagère s'est mué en sachet de la ménagère avec une inflation jamais égalée sur les produits de premières nécessité. Et pendant tout ce temps, la misère étend, implacable, son noir manteau sur le peuple de Côte d'Ivoire, désormais classé 164ème sur 177 en matière de développement humain avec un taux de pauvreté de 43%.
Voulez-vous que j'en dise davantage ? Je crois que non ! Et savez-vous la meilleure ? Ce triste tableau a pu être obtenu en seulement 10 ans, avec pour point de départ un sordide coup d'Etat qui a tué notre pays un 24 décembre 1999.
A un moment où la Côte d'Ivoire n'était plus loin d'un taux de croissance à deux chiffres. L'amateurisme, la légèreté, l'égoïsme, le goût du lucre et le je m'en foutisme des heureux bénéficiaires de cette triste page de notre histoire ont anéanti ce grand rêve en moins d'une décennie. Leur gabegie et leur grande soif du pouvoir, complétés par leur goût pour l'injustice ont fini par engloutir la Côte d'Ivoire et les Ivoiriens. Aujourd'hui ? Ah, j'allais oublier ? La communauté internationale est fatiguée. La France est fatiguée de continuer de dépenser des millions d'Euros par mois pour ses troupes en Côte d'Ivoire a travers Licorne. L'ONU dont vous dites attendre les moyens et qui donne l'impression de traîner les pieds est également fatiguée de continuer à dépenser l'argent des contribuables des autres pays du monde pour financer la bêtise ivoirienne. C'est ça qui est la réalité !
Et le résultat est que ce sont d'autres pays de notre sous région commune qui aujourd'hui bénéficient de leur accès aux mécanismes internationaux de crédit directs dont la Côte d'Ivoire s'éloigne de plus en plus. Ces pays que vous connaissez n'étaient pourtant pas mieux partis que le nôtre. Alors, je vais conclure. Je vais conclure parce que je pense vous avoir suffisamment instruit de la peine et du désespoir des Ivoiriens. C'est pourquoi, il est pressant et impératif qu'en votre qualité de représentant spécial résident, vos avis se doivent d'être clairs. Non seulement pour les Ivoiriens mais aussi et surtout pour votre mandant, qui a la lourde charge (après avoir été indexé par ceux-là mêmes qui ne jurent que par lui aujourd'hui, comme complice de leur malheur) d'être l'ultime recours dans la résolution de la crise ivoirienne.
Tous les mandats en côte d'Ivoire sont périmés depuis 2005. Le vôtre commence et à encore cours. Je vous en prie, ne rejoignez pas le rang de ceux qui se complaisent dans cette situation de la honte. L'escargot a un pas, la tortue aussi. Le caméléon a son rythme de marche. C'est vrai, que tous arrivent là où ils désirent se rendre. Mais de grâce, le peuple de Côte d'Ivoire, composé d'êtres humains qui n'entendent pas reculer et toujours reculer pendant que le monde entier avance à pas de géant, n'a ni la capacité de camouflage du caméléon, ni la qualité de fouisseur des escargots et tortues sous les feuilles mortes pour échapper à leurs prédateurs. Nous sommes désormais des humains démunis, désorientés et désespérés qui n'ont où allez et encore moins où se cacher pour échapper à un sort qu'on leur impose à leur corps défendant et qui n'admet plus de tergiversations, de calculs mesquins de tentatives de préservation d'un quelconque privilège pour qu'un chronogramme clair, précis et net soit mis en place par tous (régnants, opposants, société civile et tous sachantetc) pour prendre fin. Nul n'est prophète chez soi, dit l'adage.
Si vous jouez le mauvais jeu et que vous perdez, vous en serez la parfaite illustration et les autres auront toujours raison de croire que l'homme noir est limité et inapte à la résolution des problèmes qu'il se crée.
Très haute considération !

Le député Kouassi Allomo
Ouffoué Paulin
ex-député de Bouaflé s/préfecture
allomopaulin@yahoo.fr

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