lundi 5 novembre 2007 par Notre Voie

La secrétaire générale adjointe du Front populaire ivoirien chargée des départements du Sud (SEGAD-Sud), Mme Odette Likikouet Sauyet, a effectué une tournée d'évaluation des structures de son parti à Soubré, Tabou, San-Pedro, Sassandra, Lakota, Divo, Alépé et Agboville. En attendant de couvrir les 21 départements, elle jette un regard sur les problèmes posés par les militants. Entretien.

Notre Voie : Vous venez d'effectuer une tournée dans les fédérations de votre parti dans le Sud Bandama, le Bas-Sassandra et dans l'Agnéby. Quel bilan faites-vous au terme de ces visites?
Odette Likikouet Sauyet : Une satisfaction pour le SEGAD d'avoir pu effectuer cette tournée. Parce que nous avons établi un programme que nous avons respecté. Au niveau de la mobilisation, nous sommes satisfaits, parce que nous avons atteint la cible que nous visions à travers cette tournée. Nous avons réussi à rassembler toutes les fédérations et leurs bureaux, nous avons rassemblé les élus du parti, les maires, les députés, les conseils généraux, les membres des instances du parti, les structures de base, les structures spécialisées et les militants. Nous avions à c?ur d'aller au contact des militants de base, nous l'avons fait. A l'étape de Sassandra, nous avons pu faire entorse à notre programme pour nous rendre dans les villages de Sago, Gnago et Adebem, dans le seul but de communier avec les militants et nous rendre compte de l'implantation du parti. Au terme de cette première tournée, je peux dire que le parti a eu raison de créer le secrétariat général adjoint chargé des départements du Sud (SEGAD-Sud) dont la mission est de veiller à l'encadrement, à l'animation et à l'implantation du Front populaire ivoirien. Notre tournée avait pour but l'évaluation des structures. Nous avons réalisé que le parti est vivant, les militants ont échangé avec nous, ils ont été réconfortés.
N.V. : Une tournée d'évaluation signifie que vous êtes allée vérifier si les structures du parti existent réellement et fonctionnent comme il se doit. Qu'est-ce qui ressort de l'état des lieux que vous avez fait à ce niveau ?
O.L.S. : Dans l'ensemble, ces structures existent effectivement. Une chose est de dire que les fédérations existent, les comités de base existent. Une autre est de se rendre à l'évidence que ces structures existent et sont animées selon les textes et les dispositions prises par le parti pour leur gestion. Nous pouvons témoigner que les structures du FPI existent réellement là où nous sommes passés. Je prends le cas des sections qui connaissent un accroissement. C'est la preuve que le nombre de militants augmente et le parti gagne de plus en plus du terrain au point de faire disparaître certains partis qui étaient solidement implantés. Nous assistons à une démultiplication des sections pour permettre au FPI de rapprocher ses militants des responsables des structures de base. Une politique de proximité qui profite au FPI au moment de la supervision des élections. Nous avons réalisé que les allochtones installés dans des campements s'ouvrent de plus en plus au parti. Nous jugeons donc opportun de mettre en place des bases et des sections dans leurs campements. La seule difficulté se trouve au niveau de la formation des militants. Sur la question, les fédérations doivent initier des séances. Le manque de siège se pose un peu partout où nous sommes passés. Le parti est attendu sur la question afin de permettre aux militants de se retrouver, d'aller à l'information.

N.V. : Il n'y a pas que ces difficultés. Vous avez été saisie des rapports conflictuels qu'entretiennent les cadres, les élus, les fédérations. Des querelles entre camarades du parti sont aussi réelles et sérieuses.
O.L.S. : Oui, c'est vrai, il y a des problèmes entre les responsables eux-mêmes, entre les fédéraux et les élus, entre les cadres du FPI. On comprend que les ambitions sont là.

N.V. : Maintenant que vous êtes informée des problèmes qui minent votre parti, quelles solutions proposez-vous ?
O.L.S. : C'est vrai, il y a des problèmes soulevés par des militants qui trouvent que les élus n'ont pas de contact avec eux. Ils reprochent aux élus le manque d'attention à leur égard. Partout, ces reproches ont été faits aux élus. Il y a aussi les responsables des fédérations qui estiment que les élus empiètent sur leurs prérogatives et bafouent leur autorité en ne se référant pas aux fédéraux. Ce ne sont pas les seules difficultés. Les responsables des sections, des fédérations ont posé le problème lié au manque de moyens pour mener des activités. Ces responsables et leurs structures sont donc à bout de souffle. La crise que vit le pays a intensifié ce manque de moyens. Les regards sont donc tournés vers la direction du parti. A Lakota, des militants ont voulu savoir si les fédérations seront aidées à partir du financement du parti par l'Etat. Le manque de moyens de déplacement a été posé avec acuité. Nous réalisons que ce sont des problèmes réels auxquels il faut faire face. A notre niveau, nous comptons mettre en place le forum des élus et cadres pour mobiliser dans chaque région tous les fils et filles, cadres et élus. C'est donc à l'intérieur de ces forums que nous entendons trouver l'aide à apporter aux structures du parti sur le terrain.

N.V. : Le parti, à son sommet, sera-t-il regardant quant à la gestion des problèmes de la base?
O.L.S. : Nous ferons un rapport pour porter à sa connaissance les problèmes recensés sur le terrain. Nous ferons en sorte que le parti et sa direction s'investissent dans la résolution des problèmes décelés. Le parti, à son niveau, avait déjà organisé un séminaire au cours duquel il a demandé que les fédérations cherchent à louer des bâtiments qui serviront de siège. Le parti aidera les fédérations à équiper ces sièges en ordinateurs. La direction du parti se préoccupe des problèmes des structures de base. Cet effort doit se poursuivre pour équiper les fédérations en les dotant de motos, de vélos. Les fédérations ont besoin d'être équipées.
Il s'impose une formation de nos militants qui ne manquent pas de récriminations à l'endroit des élus. Pour les militants, un élu doit prendre toutes les ordonnances pour acheter les médicaments, pour payer le loyer du militant, pour régler les factures d'eau, d'électricité. Mais non, il faut former les militants pour leur faire comprendre que l'élu n'a pas cette mission. Le rôle du député est de voter les lois. Il peut se battre pour que la communauté bénéficie de certaines infrastructures de la part de l'Etat et d'autres organisations. L'élu sert d'intermédiaire entre les populations et les organisations indiquées pour les assister et les accompagner dans leurs efforts quotidiens. L'élu peut solliciter l'Agepe, l'Agefop, le FDFP pour aider les jeunes et la frange de population qui peut être concernée par ces structures.

N.V. : Mais pour le faire, il faut que l'élu même soit visible. Or, ce n'est pas toujours le cas. Parce que des récriminations portaient sur la rupture totale entre les élus et les militants, voire les populations dans l'ensemble
O.L.S. : L'élu a ses attributs, il a sa fonction à honorer. Maintenant, ceux qui ne rendent pas de visite, qui ne vont jamais vers les populations, au niveau du parti, nous avons le rôle d'évaluation, de contrôle, nous allons signaler cela afin d'amener ces élus du parti à aller rendre compte des activités liées aux mandats que les populations leur ont confiés.

N.V. : Le secrétaire général du FPI, président du conseil général de Soubré, M. Sylvain Miaka Ouretto, était absent. A Tabou, le président du conseil était absent et à Sassandra, le maire Libi n'était pas à la rencontre. Comment comptez-vous les approcher puisque certains ont été accusés à tort ou à raison?
O.L.S. : Avant d'effectuer notre mission, nous avons tenu différentes réunions avec les cadres, les élus et les membres des instances du parti des régions que nous devons visiter. Nous avons expliqué la mission et nous leur avons donné rendez-vous dans leurs régions respectives. Ceux qui ne sont pas venus, évidemment, nous n'allons pas baisser les bras. Nous allons les rencontrer pour leur rendre compte de ce que nous avons fait et aussi leur demander pourquoi ils étaient absents. Parce que c'est dans leur intérêt que nous faisons cette mission. S'ils ne répondent pas encore, nous pouvons penser que cela confirme ce que les populations ont dit. Ou, le parti prendra ses responsabilités en déterminant ce qui est à faire. Ou encore s'ils ont une raison d'excuse, nous apprécierons.
Je pense que cette mission donne l'occasion à nos cadres et élus de communiquer, d'échanger et d'écouter les populations, les militants de base afin de comprendre les récriminations. Les présidents des conseils généraux, les maires, les députés avaient là une occasion pour expliquer ce qu'ils font dans l'accomplissement de leur mandat.
A Lakota, le président du conseil général a fait le bilan de ses réalisations. C'est important. Nos cadres, nos élus ont besoin d'être formés politiquement pour savoir quelle attitude ils doivent adopter vis-à-vis de la population.

N.V. : La grogne est réelle. Partout, des militants ont menacé qu'après la réélection du président de la République, chaque candidat du FPI va défendre sa peau. Comment comptez-vous désamorcer la bombe qui se prépare contre vos candidats aux élections locales?
O.L.S. : C'est une inquiétude. Il faut le dire. Mais quand le militant du FPI menace de la sorte, il veut attirer l'attention des élus sur leur comportement afin qu'ils améliorent leurs rapports avec les populations, les électeurs et les militants. Partout où nous sommes passés, les militants ne doutent pas de la réélection du président Gbagbo. Mais ils font planer une menace sur l'élection des autres candidats.
Or, si Gbagbo est réélu et qu'il n'a pas la majorité confortable des députés, s'il n'a pas les conseils généraux, il lui sera difficile de mener à bien son mandat. Et là, on risque de retomber dans les mêmes difficultés que nous connaissons actuellement. Je crois que les militants ne perdent pas de vue l'importance des élus locaux qui doivent accompagner le président de la République dans sa gestion du pouvoir. La grogne des militants est donc une mise en garde aux élus et cadres du parti. Avec la crise que nous avons vécue, je ne pense pas que le militant du FPI soit capable d'empêcher le président Gbagbo de gouverner.

N.V. : La mission d'évaluation des structures du FPI a beaucoup tourné autour des questions de développement. Les populations ont posé les problèmes de route, d'électrification des villages, les problèmes de l'eau potable. Quelle sera votre démarche sur ces sujets?
O.L.S. : C'est vrai que notre passage a donné l'occasion de soulever les questions de développement. Dans le pays kroumen à Tabou, à Sassandra dans le pays bakouè, c'est l'enclavement. Il n'y a plus de route, nous avons eu du mal à joindre les villages de Sago et Adebem à partir de Sassandra. La côtière est impraticable, nous avons eu à faire 75 km de piste à 2h du matin pour saluer les militants qui nous attendaient. Nous nous sommes enfoncés. Nous avons même trouvé un corbillard enfoncé, transportant un corps. Cela a été un parcours du combattant. C'est difficile à vivre et nous avons le devoir d'écouter les populations et les aider. Mais nous avons expliqué que ce n'est pas la volonté de les aider qui manque. Les militants disent qu'ils se sont battus et les routes vont ailleurs, l'électrification des villages aussi. Ils se sentent oubliés. Nous allons donc saisir le président du parti pour l'amener à faire des pieds et des mains pour répondre à ces populations.
A notre niveau,nous avons dit aux populations qu'avec la guerre, le président de la République n'a pas pu exécuter le programme sur la base duquel il a été élu. Ce n'est pas un gouvernement FPI que nous voyons là. Parce qu'il y a des gens qui ne savent rien du programme de notre parti. Depuis 5 ans, c'est un gouvernement de crise qui est mis en place et le pays est coupé en deux. C'est ce que nous avons expliqué et fait savoir à nos populations. C'est pour sortir de cette transition que le président Gbagbo souhaite que des élections soient organisées le plus vite possible afin de lui donner le temps et les moyens de donner aux populations ce qu'il leur a promis.

N.V. : Revenons à la situation des élus. Des militants ont déploré les cas de ceux qui ont été désignés par le sommet du parti et qui n'ont aucun contact avec la base une fois qu'ils sont élus. Songez-vous à pallier ces états de fait ?
O.L.S. : Je peux dire que nous nous connaissons suffisamment maintenant. Au début, nous avons travaillé avec ceux qui étaient là. Nous connaissons mieux nos cadres. La question ne se pose pas sur leur choix. Mais c'est à la pratique, une fois qu'ils sont élus que les militants les découvrent sous leur vrai visage. A l'avenir, le parti a posé les critères auxquels il faut répondre. Les textes du parti disent que c'est la base qui choisit les candidats. Ces dispositions ont été renforcées par le séminaire qui a eu lieu à Grand-Bassam.







Interview réalisée par Benjamin Koré

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