jeudi 8 novembre 2007 par Nord-Sud

C'est une plongée au c?ur du Centre de planification et de conduite des opérations. Dans cette structure de l'état-major des armées, un racket scientifique? est organisé autour des convois humanitaires et sécurisés. Enquête dans l'antre de la mafia en treillis.


C'est une mafia.55.000 fcfa pour l'escorte, 10.000fcfa frais ACM, 5000 Fcfa macaron CPCO (Centre de planification et de conduite des opérations) .Ce sont les frais minima qu'un opérateur économique ou les démarcheurs liés à ces escortes déboursent à la cellule ACM(action civilo-militaire) en moyenne pour relier Tiebissou-Abidjan. Des agréments sont délivrés par secteur d'activités à des démarcheurs allant de 100.000 Fcfa à 300.000 Fcfa pour une durée de 6 mois renouvelable.

La filière bétail s'est rebellée contre l'ACM parce que, dit-elle, la guerre est finie. Par conséquent le pays est réunifié. Elle souhaitait elle-même organiser les convois. Mauvaise inspiration. Les responsables ont été appelés et grondés comme des garnements. La rébellion a été matée. Tout simplement

Les camions vides en provenance des pays de l'Hinterland n'échappent pas au racket de ce démembrement de l'Etat-major : frais ACM par camion 3000 Fcfa, macaron 5000 Fcfa, base arrière, escorte 55.000 Fcfa. C'est la note à payer pour rejoindre le Port autonome d'Abidjan. Sur le chemin, il faut prévoir en plus un billet de 1000 Fcfa pour lever les différents corridors.





La caisse noire des Cema





Pour le dernier convoi humanitaire en mars 2006 que j'ai organisé en direction de Bamako, chaque passager a déboursé 35000 fcfa tous frais compris. J'ai dépensé 300.000 Fcfa d'Abidjan à Tiebissou, frais ACM y compris. De Bouaké à Pogo, les frais de route sont d'environ 150.000 fcfa, explique un convoyeur sous anonymat.

Officiellement, les convois humanitaires ne sont pas payants. Seuls sont payés les frais de mission de l'escorte.

L'ACM, ça coûte cher. Quels moyens l'Etat met à la disposition de cette structure ? Nous avons travaillé avec notre génie et la bonne compréhension des opérateurs économique. Tout le monde gagne dans l'affaire , témoigne un ex-officier de ce service. Pour tout document d'intérêt économique soumis à la signature du capitaine Mbra, commandant du PC Fds-ci, l'encre de son stylo à bille vaut 5000 fcfa. , avance t-on.

Les chefs ACM ??chiffonnent'' luxe et lucre. Selon nos sources, le lieutenant des eaux et forêts, Adou, patron de Tiebissou s'offre une prime de 650.000 fcfa mensuellement. A Aboisso, le commandant ACM est un gendarme, le capitaine Basile, commandant de peloton, empoche 800.000 Fcfa. Il se sert avant de servir l'état-major.

Les maisons, les terrains, les agents ACM les achètent à tour de bras dans la capitale économique. Chacun s'est doté d'un parc-auto. Un véritable trésor de guerre.

L'argent de la guerre. Ça coule à flot aussi bien au Sud qu'au Nord. Les ex-belligérants, frères ennemis d'hier, aujourd'hui cogèrent le pouvoir militaire (consacré par l'Accord de paix de Ouagadougou du 4 mars 2007), continuent de presser l'économie ivoirienne.

La maison blanche du camp Gallieni, au rez-de-chaussée du triplex (au verso), un portillon métallique est hermétiquement fermé. Une affiche indique strictement qu'aucun soldat n'est admis s'il n'est en treillis. L'entrée est en général contrôlée par un soldat, kalachnikov au poing ou en bandoulière, flanqué d'un badge CCIAT (Centre de commandement inter-armée tactique), pardon, le CCIAT est devenu le CPCO (Centre de planification et de conduite des opérations).Dans cette forteresse au bas du bureau du chef d'état-major, circulent les liasses de billets, en valise, en sac ou en sachet bleu ou noir. Ne vous trompez pas du tout, le trésor public n'a pas de représentant en ce lieu. C'est le trésor de guerre, ou si vous voulez, la caisse noire de l'état-major.

Le commandant des lieux est un fidèle parmi les fidèles du général de division Philippe Mangou, le lieutenant colonel Sacko René. Il est arrivé aux affaires en même temps que l'actuel chef d'état-major en 2003 lorsque le général de division Doué Mathias alors Cema a été remercié par le régime de Laurent Gbagbo parce que soupçonné de pactiser avec la ??France chiraquienne''. Sous lui, cette caisse noire a été mise en place et bien huilée sous le vocable : ACM c'est-à-dire l'Action civilo-militaire destinée à apporter assistance aux populations.

Aux premières heures de la rébellion, l'ACM, un concept nouveau dans les armées africaines, a été mis en ?uvre. Son rôle est d'être l'interface entre les acteurs du conflit et les populations civiles afin d'amoindrir les effets collatéraux de la guerre. Pour l'expérience ivoirienne, le choix s'est porté sur le colonel Datchi Djenini Stanislas (actuel président de la fédération ivoirienne de boxe, retraité de l'armée) rompu aux affaires humanitaires. Il a dirigé le service d'aide et d'assistance aux réfugiés et aux apatrides.

Les opérateurs économiques dont une partie de l'industrie est restée dans la zone sous contrôle du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (Mpci) ont été soumis à rude épreuve. La Sitab, la Caistab, les sociétés sucrières, Solibra etc ont été sollicitées pour contribuer à la sécurité des escortes en payant 25000 Fcfa par agent. A cela s'ajoute et les 25.000 Fcfa par semaine dont bénéficiaient les éléments à la base, officiers et sous-officiers. Ils doivent également trouver les véhicules pour assurer la mission. Quelques véhicules de type 4x4 ont été acquis à la sauvette. Mais ils se sont avérés insuffisants par rapport aux besoins exprimés. Les regards se sont alors tournés vers les entreprises de location de véhicules et autres particuliers. Les officiers à l'ACM se sont vite lancés dans la location de véhicules, un business qu'ils feront prospérer. Puis suivront les sous-officiers. Le système survit aux différents commandants de l'ACM.

Contrairement aux affirmations du premier commandant de cette structure, le colonel Datchi Djenini Stanislas, des opérateurs soutiennent mordicus avoir été contraints de débourser la somme de 300.000 Fcfa par camion. Cette taxe a encore dégringolé de 150.000, puis 100.000 pour enfin atteindre, aujourd'hui, 55000 Fcfa.





La ruée vers l'ACM





Une anecdote est encore présente dans les esprits des seniors de cette structure. Le général Doué Mathias ne savait pas qu'en sa qualité de Cema il recevait chaque fin de semaine la coquette somme d'un million de francs de Cfa ! Un après-midi, le lieutenant colonel N'datchi Stanislas, chef ACM lui demande de son chef de cabinet, le lieutenant-colonel Koné Mambi (aujourd'hui attaché de défense à Londres) la petite enveloppe à lui expédiée par sa structure chaque semaine. Cet intermédiaire, lui, empochait 25.000 Fcfa de façon hebdomadaire. La surprise a failli emporter le chinois , sobriquet de Doué Mathias .Sonné, il n'a pas dit mot. Parce que pendant un bon moment, ce fonds qu'il était sensé recevoir ne lui était jamais parvenu. L'un des signes visibles de la disgrâce de Doué Mathias avec le palais a été l'arrêt de la subvention destinée au Cema. L'ex-ministre de la Jeunesse et des Sports du 1er gouvernement de la transition militaire (1999) est devenu plus regardant. C'est à ce moment là qu'il découvre le pot- aux- roses. Malheureusement, les choses se précipitent. Il est humilié, contraint à la clandestinité avant de prendre le chemin de l'exil.

Des oreilles indiscrètes nous ont confié que sous Doué tous les commandants de force recevaient régulièrement la somme de 400.000 Fcfa par semaine. Officiellement, le pactole est destiné à acheter des bics (c'est l'expression consacrée).Parce que les corridors de sécurité sont cogérés.

Son fils qui lui succède à la tête du commandement prend également le contrôle de la caisse noire. Zadi Nandjé ex-chef de cabinet de Philippe Mangou ne touche pas moins (au moment où il assurait ses fonctions) que son prédécesseur.

Le 7 août 2007, le Cema a fêté ses trois étoiles. Pour l'occasion, du champagne et autres boissons alcoolisées pour une valeur d'un million de FCFA ont été commandés au service free-shop du 43ème Bima,sis à Port Bouët. Le lieutenant colonel Tamario, officier de liaison de la Licorne, a suivi les transactions jusqu'à la livraison et le règlement. Le commandant Doh Kani a retourné la caisse de l'ACM pour solder la note.

C'est également dans cette caisse que Philippe Mangou a répondu favorablement aux nombreuses sollicitations des chefs miliciens.

Au moment où nous faisions la guerre, eux, ils se sont mis plein les poches. L'ACM est la vache à lait de l'état-major , lâche amèrement un bidasse qui s'est battu pour intégrer cette structure mais en vain. Un sous-officier qui assure la garde au sein de cette cellule empoche 35.000 Fcfa à sa descente. Pour une mission d'escorte, la mise est de 10.000 Fcfa. Sous Doué, le soldat en mission touchait 25000 Fcfa. De quoi à faire pâlir de jalousie les autres soldats. De là à parler de copinage, il y'a un pas vite franchi. Tous veulent être affectés à l'ACM mais beaucoup d'appelés peu d'élus. La sélection est très stricte et il faut être parrainé.





Coulibaly Brahima

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023