samedi 17 novembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Excellence Monsieur le Premier ministre,
J'ai 60 ans au jour d'aujourd'hui et Dieu m'a fait la grâce de m'accorder mon premier fils en 1969. Comme tout bon père, je continue de l'éduquer et de lui donner des conseils quoi qu'il soit sain d'esprit et à même de décider seul de son avenir. Je suis encore pour lui un conseiller très écouté et c'est pourquoi, je me sens capable et me crois dans l'obligation morale d'aider d'autres jeunes de son âge, qui sont ses congénères. A ce titre, et sans avoir le privilège quelconque d'être inscrit sur la liste des nombreux conseillers spécialisés de la primature, je me permets de vous adresser la présente lettre pour vous faire part d'un constat personnel relatif à la manière dont vous conduisez le processus de paix, issu des Accords Politiques de Ouagadougou.
En ces moments mêmes que traverse la Côte d'Ivoire, vos responsabilités sont immenses et les actes que vous posez ou que vous poserez sont extrêmement lourds de conséquences pour la Cote d'Ivoire. Et il vous faut en avoir une conscience totale- car d'autres avant vous, malgré leur bonne foi et bonne volonté ont manqué de la détermination finale nécessaire à la réussite de leur mission. L'équipe Seydou Elimane DIARRA présentait une faiblesse. Car après qu'à Marcoussis, le président BEDIE eût tout fait pour sauvegarder la constitution ivoirienne et par voie de conséquence le fauteuil du Président GBAGBO (principal, objet de réclamation des rebelles d'alors - MPCI, MPIGO reconvertis par la suite en Forces Nouvelles) DIARRA a été nommé hors de nos frontières, à KLEBER plus précisément, par ce dernier, qui se trouvait ainsi et grâce à ces accords, encore en mandat.
L'équipe DIARRA était une équipe qui travaillait alors sous ordre ou sous la dictée directe du Président- "rescapé", qui s'est délecté à employer tout son temps et toute son intelligence à organiser son échec. Bilan : de 2003 à 2005, les refondateurs ont pu ainsi bénéficier de deux années de sursis pour se retrouver à la fin du mandat constitutionnel, sans avoir réussi à réunir la moindre des conditions pouvant conduire la C.I. aux élections générales. Les intrigues, les trouvailles de vrais-faux coups d'Etat, l'utilisation de la violence et de l'intimidation ont été savamment élaborées et utilisées pour mettre les Ivoiriens devant le fait accompli.
L'équipe BANNY qui lui a succédé après moult pressions des parties d'opposition, heureusement soutenus alors par la communauté internationale, a commis quant à elle l'erreur de se mettre en tandem avec un pouvoir par arrangement issu de la seule recommandation de la CEDEAO qui demandait d'admettre encore un chef d'Etat (et non plus un président de la République) car la nature a horreur du vide. L'équipe Banny avait des pouvoirs étendus (qu'au grand étonnement de tous, elle n'a pas cru nécessaire d'utiliser) par rapport à celle de DIARRA qui n'avait ni autonomie financière et encore moins la possibilité de signer la moindre ordonnance ou le moindre décret-loi :
Pour avoir laissé le guidon de direction du tandem à un co-équipier dont la conduite approximative tirait plutôt vers la sortie de route qu'au maintien du tandem vers une direction souhaitée par tous, ce tandem a fait " tonneau ". Konan Banny en a fait les frais.
Son coéquipier, une fois de plus a été suffisamment prompt pour sauter du tandem avant la chute. Bilan ; la Côte d'Ivoire se retrouve dans un second flou artistique au profit du camp présidentiel. Et cette fois-ci, la communauté internationale n'est plus loin de se fâcher. Alors trouvailles des trouvailles, l'on suggère un dialogue direct entre antagonistes pour, dit-on, trouver une solution africaine à la crise. Le camp présidentiel s'y active et s'y acharne auprès de Blaise Compaoré, le président Burkinabé, accusé par eux d'être le tuteur des ex-rebelles. Les Forces Nouvelles qui y voient une occasion de se réhabiliter et d'atteindre enfin leur premier objectif (qui est la primature à défaut de la présidence) ne se font plus prier et tombent dans le panneau ".
Je dis bien " tombent dans le panneau " et je vais vous expliquer pourquoi !
Dans un dialogue " qualifié de direct ", l'on vous donne la nette impression que vous allez discuter d'égal à égal. Certes, en face, d'un facilitateur, mais sans contrainte particulière et sans assujettissement d'une des parties à l'autre.
Dans un " dialogue direct ", l'adversaire s'emploie à vous donner la nette impression que vous êtes incontournable. L'on cède à vos petits caprices pour mieux vous endormir et vous avoir.
Le dialogue direct est un débat où la psychologie de l'antagoniste est étudiée au peigne fin- De même que ses capacités réelles à assumer à moyen ou long terme l'objet de ses revendications.
Or, Laurent GBABGO vous connaît. II vous connaît pour vous avoir eu comme " élève " dans sa lutte pour son accession au pouvoir. Il sait les grandes qualités et capacités que vous avez lorsqu'il s'agit d'asseoir une cause. Il vous savait capable de faire le lit de sa cause cl en ce qui vous concerne, il a visé juste- Sa disponibilité soudaine pour discuter avec vous, ne vous a pas intrigué outre mesure. Et c'est encore la preuve qu'il vous connaît. Il vous a tout concédé parce qu'il savait que lui était un véritable renard des méandres administratifs et un expert des coulisses judiciaires. Mais pas vous ! II vous a tout donné parce que son arrière-garde avait déjà planifié tout le programme des blocages devant révéler votre incapacité à gérer ce qu'on vous a confié.
On ne change pas une stratégie qui gagne. Et les mêmes causes produisant les mêmes effets, je me permets de vous révéler avec le souhait de me tromper dans votre cas, que DiARRA est venu légitimer la fin du mandat constitutionnel de GBAGBO ;
BANNY est venu faire une rallonge d'une année ; et en signant avec lui les accords politiques de Ouaga- vous venez déjà de lui concéder un an car dans le mandat qui vous a été confié, vous nous demandez de nous éloigner du " fétichisme des dates et de nous contenter de la "petite paix" apparente que semble vivre la Côte d'Ivoire à travers des actes symboliques qui ne profitent qu'à votre ancien mentor pour se refaire une santé politique.
Gbagbo ne pouvait aller à Bouaké. Vous l'avez aidé à s'y rendre : lui qui auparavant ne pouvait dépasser yamoussoukro. Après l'ouest où vous coupez la poire en deux parce que lui y est originaire et vous qui y avez vos beaux parents, vous vous êtes constitué un sésame pour lui ouvrir encore les portes du nord.
Pendant que vous êtes revenu pour refaire le lit de vos anciennes amours, qu'en est-il de l'application de l'Accord de Ouaga ? Parce que mon analyse de cette situation me dit que ces accords ont déjà échoué. Ces tâches à vous confiées ont fait l'objet d'une nomenclature claire depuis Seydou DIARRA. Les actes à poser pour leur mise en ?uvre ont été définis. Les accords de nombreux bailleurs de fonds pour soutenir le processus ont été acquis. Ces accords ont échoué parce que:
On constate que la soif d'aller à la paix et aux élections pour renouveler la classe politique a fait oublier à la majorité des Ivoiriens la capacité ou l'incapacité des principaux acteurs en charge de gérer ce processus- Il est vrai qu'"aux âmes bien nées la valeur n'attend point le nombre des années". Cependant, dans le cas actuel de la Côte d'Ivoire, l'on est obligé de se poser les questions suivantes :
1- Qu'est-ce qui freine notre Premier Ministre, qui, savamment, a su conduire la rébellion pendant des années, mais, qui, subitement, affiche cette pusillanimité dans l'exécution de la feuille de route des Accords de Ouaga composée de tâches clairement prédéfinies ; des tâches ordonnées dans un chronogramme des plus aisés à suivre. 2. Pourquoi monsieur le Premier Ministre, en sa qualité de partie signataire, nous donne l'impression d'un tâtonnement dans l'accomplissement de cette mission , tâtonnement qui peut nous pousser a nous interroger sur la conscience réelle qu'il a quant à la portée de la mission à lui assignée. Car l'on comprend mal que cette feuille de route issue ou résultat du long parcours des négociations depuis Marcoussis jusqu'à Ouaga et avalisé par les Nations-Unies (qui apportent tout leur soutien à son application) soit encore en souffrance entre vos mains ? Alors que toutes vos revendications et exigences (politiques, économiques, grades des Forces Nouvelles, obtention de ministères de souveraineté) ont presque toutes été satisfaites, d'où vient-il que vos préoccupations premières -lutte contre l'exclusion, papier pour 3 millions d'Ivoiriens issus en majorité du nord, élections claires et transparentes - dont la solution passe par les audiences foraines, soient encore l'objet de tant de lenteur- Pourquoi votre attitude actuelle semble cautionner cette lenteur ? (Est-ce encore le fétichisme des dates ?)
En fait, tout vous a été facilité depuis longtemps pour que dès votre accession à la primature tout soit mis en ?uvre sur une période de 10 mois qui devait s'ouvrir sur les élections que le monde entier attend de la Côte d'Ivoire - Quel bilan pouvez-vous présenter aujourd'hui aux bailleurs de fonds du processus de sortie de cette crise ? Ce n'est pas la peine de vous étonner de les voir hésitants à " booster " cette opération que les acteurs ivoiriens eux-mêmes s'emploient à en faire un casse-tête chinois- Car eux aussi, après avoir mobilisé des fonds pour soutenir DIARRA et Banny, commencent à être fatigués d'une combine qui se confirme de plus en plus comme un deal.
Nous tenons à vous rappeler ici vos obligations de Premier ministre issu des Accords de Ouaga :
1. Mise en place du centre de commandement intégré (deux semaines après la signature de l'accord)
2. Mise en place du cadre institutionnel d'exécution (quatre semaines après la signature de l'accord)
3. Formation du gouvernement (cinq semaines après)
4. suppression de la zone de confiance et mise en place des unités mixtes; ( une semaine après la formation du gouvernement)
5. démantèlement des milices (deux semaines après la formation du gouvernement et sur une durée de deux semaines)
6. regroupement (rassemblement par unité des ex-combattants dans les sites de regroupements et stockage des armes sous la supervision des forces impartiales)
- Redéploiement se l'administration,
- Début des audiences foraines (durée : 3 mois)
7. Enrôlement en vue de l'inscription sur la liste électorale et de l'identification (un mois après le début des audiences foraines)
8. Unification des forces en présence et enrôlement pour le service civique (15 jours après le début de l'enrôlement général)
9. Etablissement et distribution des nouvelles cartes d'identité et cartes d'électeurs à partir de la liste électorale ;
10. Fin du processus DDR et organisation des élections
Si certains points comme le CCI, la suppression de la zone de confiance, les audiences foraines ont été abordés, la quasi totalité du processus dont vous avez la charge en premier parmi tous les Ivoiriens, n'a pas bougé d'un iota. Des proches de votre personne tentent même de nous faire croire qu'il n'y aura pas de désarmement avant les élections. Pour nous Ouaga II (comme il se murmure ces temps-ci) ne serait que superflu et manoeuvre dilatoire. Pour nous, votre rôle - quoique le scénario ivoirien soit différent encore du scénario libérien - devrait ressembler à celui de GUYDE Bryant, c'est-à-dire, la pure et simple exécution des tâches répertoriées conformément au chronogramme convenu pour leur mise en ?uvre. Avec honnêteté et bonne foi :
Il est temps, encore grand temps d'abandonner l'ombre du gibier pour traquer l'animal lui-même. Nous avons tous été grugés et l'on n'est pas loin de vous gruger aussi : Parole d'un aîné à un cadet !
Kouassi Allomo Paulin
Ex député de Bouaflé S/Préfecture
E mail: allomopaulin@yahoo.fr

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