samedi 17 novembre 2007 par Autre presse

Les vielles chaussures sont les plus faciles à porter. C'est par ce proverbe que ce vieux chasseur explique pourquoi il a emboîté les pas de son père, lui aussi chasseur traditionnel. A 67 ans, André Sanou, qui porte assez bien son âge, est un personnage emblématique, voire mythique de la ville de Bobo-Dioulasso. C'est un homme fascinant, qui a toujours une bonne histoire de chasse à raconter à ses visiteurs. De son initiation, cependant, il refuse d'en souffler un mot car, pour devenir dozo, rime avec rites secrets. Tout juste consent-il à raconter ses débuts.
C'était en 1956. André Sanou a commencé à chasser avec un fusil de traite (couramment appelé fusil indigène), alors qu'il avait 16 ans. Sa première grosse prise: une biche. Il se rappelle encore la scène. Le fusil était trop puissant pour moi. Pour tirer, il fallait parfois que je le pose sur un arbre. En 1958, il est recruté dans l'armée française, avec laquelle il fera la campagne d'Algérie. De retour au pays, alors qu'il pouvait entamer une carrière dans la toute nouvelle armée voltaïque, il renoue avec son occupation favorite, la grande chasse. Depuis ce temps, nombreuses sont les espèces qui sont passées par sa gibecière: cobas, bubales, etc.
Mais les plus hauts faits d'armes de ce passionné restent les huit hippopotames et les deux éléphants qu'il a pu épingler à son tableau de chasse, parfois au péril de sa vie. Comme cette partie de chasse dans le village de Djofloma, il y a quelques années. Au décès d'un chef de canton, André Sanou obtient la permission d'abattre un hippopotame. Finalement, il en tuera deux. Alors qu'il croyait que tout était fini, un troisième animal le charge, sous les regards de deux forestiers et d'une vingtaine de villageois. Il courrait littéralement dans l'eau et fonçait vers moi, raconte-il, en baissant le ton et en jetant un regard vers son épouse. Ce n'est pas pour rien que les Blancs l'on appelé cheval d'eau. Arrivé à quelques mètres de moi, alors que tout le monde me criait de sortir, il s'est brusquement arrêté et c'est lui qui est sorti de l'eau. Aujourd'hui encore, lorsque je me couche, je revois le film, confie André Sanou.
Pourtant, à l'écouter, ce n'est pas la première fois qu'il fait face à des monstres de plusieurs tonnes. A Banzon, sur demande des agents de l'environnement, il a affronté et tué un hippopotame de sept tonnes qui avait ôté la vie à cinq personnes: un chasseur, un père et sa fille, un pêcheur et un chef de village. C'était un animal assez agressif, qui sortait hors de l'eau pour agresser des gens et tuer des b?ufs sur la berge, précise le dozo. Aujourd'hui, André Sanou a arrêté la chasse anarchique, pour se positionner en défenseur de l'environnement avec un argument imparable: Maintenant, c'est nous-mêmes qui luttons contre le braconnage parce que s'il n'y a plus d'animaux, il n'y aura plus de chasseurs.
Ce père de famille de 14 enfants dispose d'autres cordes à son arc. C'est un sculpteur hors pair qui est connu pour avoir sculpté la magnifique chaise sur laquelle le pape Jean-Paul II s'est assis au cours de sa visite au Burkina, en 1990.

Désiré T. Sawadogo

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023