samedi 17 novembre 2007 par Notre Voie

Cet article déjà paru le 25/10/2003 sous le titre Tu sais qui je suis ?? reste d'actualité. J'en use bien souvent pour égayer certaines causeries. Le dernier usage remonte au repas pris entre camarades (qui, du reste, ont le savoir du goût) après la cérémonie d'ouverture du séminaire du FPI sur le thème : la Refondation sociale et culturelle? à l'Académie Régionale des Sciences et Techniques de la Mer, à Yopougon-Niangon (du 09 au 11 Novembre 2007). Séminaire où nous nous (auto) critiquâmes dans la comparaison de ce que nous avons fait dans la gestion du pouvoir d'Etat relativement au qui nous sommes?(les Refondateurs). Dans son ouvrage de référence (L'Ethique?) le philosophe Spinoza ne dit-il pas que l'être d'un être est de persévérer dans son être ? Le mal, dit-il, est d'être agi par quelque chose, mais de l'extérieur. N'est-ce pas là par exemple la caractéristique des forces du Mal regroupées dans le RHDP ? Pas de polémique. Gardons notre calme et revenons à nos moutons.
Tu sais qui je suis ?? est une phrase interrogative connue, bien connue. Pour nous qui savons qu'il suffit de tendre l'oreille pour capter ce qui nous entoure, la phrase Tu sais qui je suis ?? annonce toujours le bluff, l'esbroufe, la fanfaronnade. Vanité des vanités, tout est vanité. Pour les besoins de notre article de ce jour, rattachons la phrase à un contexte un tantinet anecdotique. Le contexte est la salle d'attente d'un ministre. Une huitaine de visiteurs attendent d'être reçus par le ministre. L'attente est longue. Deux heures déjà qu'ils attendent. Et comme l'impatience ne va pas sans dire, ça se met à jaser sur le retard des ministres. Il y a ceux qui respectent les heures de rendez-vous et ceux qui ne les respectent pas. Les premiers sont (semble-t-il) une espèce en voie de disparition, les seconds pousseraient comme les mauvaises herbes Un des visiteurs (très intellectuel) ajoute même ceci : le temps, ce n'est pas seulement de l'argent mais aussi de l'efficacité et je comprends pourquoi beaucoup de ministres sont inefficaces?. Et vlan ! Les Ivoiriens sont graves quand ils parlent sur? les autres. Soudain, la porte de la salle d'attente s'ouvre. Un monsieur, sûr de lui, habillé comme un banquier, entre. Appelons-le X. Sans saluer (comme le veut la culture africaine) il se place devant la porte ministérielle, donc devant les autres visiteurs, comme s'il était le premier de la liste. Face à cette incivilité (qui rappelle le mentor d'un parti politique), l'un des visiteurs, de sa place, lui fit la remarque suivante dans un tutoiement qu'engendre l'âge de X : Mais z'enfin, quelle est cette histoire ! Tu viens après tout le monde et c'est toi qui veux être reçu avant nous. Dans ce pays, on aura tout vu?. Alors, à notre usurpateur de places de réagir, arrogamment : Tu sais qui je suis, moi ? Tu me parles comme ça là. Tu sais, toi, qui je suis??, reprit-il trois fois de suite. Du coup, la salle d'attente s'anima. Intensément. Au moment où la secrétaire du ministre vint pour voir pourquoi il y a tant de bruits, un autre visiteur se leva pour faire remarquer à X, l'usurpateur de places, que dans tout espace il y a un ordre, et l'ordre de cet espace de salle d'attente est l'ordre d'arrivée. Appelons cet autre intervenant Y. Apostrophant X, il dit ceci, sûr de lui mais aussi exaspéré : Qu'est-ce qu'on a à faire avec celui que tu suis. Tu nous pompes l'air avec ton histoire de qui tu suis. Tu suis qui tu veux et ce n'est pas notre problème. Nous, on est assis ici. Quand tu es arrivé, quelqu'un d'entre nous t'a-il dit qui il suit ? Moi qui te parle, est-ce que tu sais qui moi je suis ? Toi, tu suis les gens comme ça, et tu veux le faire savoir à tout vent. Par ces temps de crise, toi tu peux savoir qui suit qui ? Des suiveurs comme ça ! Et si, dans la salle d'attente, chacun voulait se présenter, moi je suis militaire et je suis les armes (malgré mon habit de civil)?. Sur ces mots, un des visiteurs se présenta comme avocat et dit que lui, il suit le barreau. Il ajouta ceci : Frère, depuis ton arrivée, je suis et ta façon de parler et le silence coupable de la jeune femme qui te suit. Et je ne te suis pas du tout quand tu dis j'y suis, j'y reste ! ? C'est quelle éducation ça ? ? La seule dame du groupe, de rouge noir vêtue (zôgôda), fit remarquer qu'elle suit des finances, parce que femme d'affaires Tous contre un. Alors X, dépassé et surpris, lâcha, comme un vaincu, la phrase suivante : Mon Dieu, où suis-je ? ?. A cette interrogation, Y contre-attaqua : C'est simple, tu aurais dû commencer par cette question : où suis-je ?? et non qui suis-je ? ? Dieu a dit : A chacun sa place ?. Ainsi, toi, tu suis celui qui est au fond là-bas et moi-même, je suis en troisième position parce que je suis la dame habillée en rouge noir et ainsi de suite ?. Arrêtons-nous là pour attaquer l'analyse conversationnelle. Mais avant, chacun aura compris que les conflits peuvent naître d'un rien. Souvent, juste une étincelle et boum?, c'est l'explosion. Et s'il n'y a pas d'eau bonjour les dégâts. L'eau étant le discours réparateur Pour revenir à l'échange, il y a deux niveaux d'analyse. Le premier niveau est d'ordre linguistique. Par cet ordre, l'on constate l'existence de deux unités distinctes, que dis-je, de deux verbes distincts (être et suivre) qui, par le jeu de la conjugaison, présentent la même graphie (homographie) et la même prononciation (homophonie) à la première personne du singulier au présent de l'indicatif. Quand on dit : Je suis le guide ?, on signifie à la fois être (soi-même) le guide ou suivre le guide?. Autrement dit, la faculté de rimer deux mots à forme identique est indice d'homonymie. Ici donc, il y a une rencontre homonymique et la rencontre ne se produit que pour des mots engagés dans les mêmes chemins de pensées?. Les linguistes parlent alors de collisions homonymiques, lesquelles sont toujours sources de malentendus, de quiproquos qui compromettent la communication normale. La preuve, ici, est la sortie inattendue de Y qui fait ressortir l'ambiguïté de la forme suis?, et surtout le suspense et les jeux de mots qu'elle produit. Pour l'histoire, on trouve cette homonymie-quiproquo chez Molière dans Les femmes savantes ?. Quand Belise dit : Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ? ?, Martine (qui est sur une autre longueur d'onde) répond : Qui parle d'offenser grand-mère ni grand-père? ? Affaire à suivre. Le deuxième niveau d'analyse est d'ordre sociologique. Cet ordre révèle que le destin d'un peuple (et c'est bien notre cas) peut se jouer sur nos deux verbes (être et suivre). Ces deux verbes, bien ivoiriens, posent le problème crucial de notre identité. Que de tragédies se jouent sur ces deux verbes. A titre d'exemples. Qui a dit : On veut m'empêcher d'être candidat aux élections présidentielles parce que je suis musulman et du Nord ?? Alassane Dramane Ouattara. Qui a dit : Moi, je n'ai pas d'amis mais des suiveurs ??. Henri Konan Bédié (cf. Les chemins de ma nous vie?, Plon, Paris 1999, P. 105). Deux acteurs politiques, qui après avoir été veulent être, c'est-à-dire (re) venir coûte que coûte au pouvoir. Là, là ils ont menti !? aurait dit Momo, un des garçons miens. A la suite de Momo, que dis-je, bien avant lui, Léon Bloy disait déjà ceci : Certes on ne peut pas être et avoir été, mais on peut avoir été imbécile et l'être toujours?. Walayi, Léon Bloy i ka tchan fô (Ah, Léon Bloy, au nom de Dieu, ce que tu as dit est pure vérité). Toujours dans le même sillon, la guerre qui nous a été imposée n'a-t-elle révélé au fil des mois que c'est dans la dérive de l'étant? (qui a cessé d'être lui-même pour des raisons bassement matérielles, de haine ou d'égoïsme) qu'a surgi le suiveur, ce non-être sans conviction, sans couilles (le terme scientifique est testicules ?) et qui mange à tous les râteliers. Et dire qu'ils sont de plus en plus nombreux, ces suiveurs, que dis-je ces salauds qui ont mis le feu à mon paradis, les salauds ont mis le feu au paradis? (dixit la star ivoirienne du reggae ALPHA Blondy). Bien vu et bien dit : S? comme suiveur, salaud, serpent (qui n'est pas mort) Mais tout n'est pas perdu. Dieu existe, la prise de conscience aussi. L'exemple du rebelle ministre Roger Banchi (à ne pas oublier) est édifiant. Il a suivi des potes en rébellion et puis il s'est ressaisi pour être lui-même (en paix avec sa conscience). La personnalité d'un être est principalement dans le choix entre être? et suivre?. Ses camarades d'hier lui ont promis la foudre de la même façon que la France nous a déclaré la guerre tout simplement parce que le pouvoir refondateur a préféré le verbe être au verbe suivre ? qui perpétue le pacte colonial. SORO Guillaume n'a pas fait autre chose en signant l'Accord politique de Ouaga. Preuve qu'il n'est jamais tard ni pour bien faire ni pour être soi-même. Aujourd'hui Premier Ministre après avoir été chef rebelle, il sait mieux que quiconque ce que coûte le choix entre les deux verbes. Tout est là. Notre destin aussi. Le reste n'est que diversion, conjectures. C'est pourquoi il nous faut défendre le verbe être?, car être?, c'est exister dans la dignité. Désormais quiconque m'attaque apprendra à ses dépens qui et d'où je suis. A bon entendeur, mon linguistique gbô !









Koné Dramane

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