mercredi 5 décembre 2007 par Notre Voie

Premier opposant au président Félix Houphouet-Boigny à avoir sillonné le grand Nord pour jauger son niveau de développement, le président ivoirien n'a pu y intervenir malheureusement pendant son premier mandat. Ses relations avec cette partie du pays ont été brouillées par une intense campagne d'intoxication contre lui. La visite d'Etat que le président Gbagbo vient d'effectuer dans la Région des Savanes pourrait constituer le ciment d'une nouvelle alliance.

Avant l'arrivée du président Gbagbo à Korhogo, un débat culturel primordial et vital s'est engagé autour du cérémonial d'accueil qui devait lui être réservé par les notables sénoufo. Toute la population et les décideurs, cadres, chefs traditionnels et notables étaient, en effet, tous d'accord que le chef de l'Etat était un hôte de marque. La conséquence d'un tel constat devait donc être automatique : chez les Sénoufo, le cérémonial d'accueil d'un hôte de marque doit être rythmé par les libations?. Seulement voilà : selon des sources bien informées de la culture de cette région du Nord, ce cérémonial pratiqué sans réserve dans la plupart de nos contrées en Côte d'Ivoire ne se fait que très rarement chez les Sénoufo, en des occasions extrêmement exceptionnelles. Fallait-il donc considérer la visite du chef d'Etat comme un évènement de cette nature et lui réserver le cérémonial des libations? Tel était le débat pernicieusement engagé par certaines postures politiques pour espérer amoindrir? l'éclat du séjour du président Gbagbo dans la Région des Savanes. Car, dans cette région de Korhogo, majoritairement acquise au Rassemblement des Républicains (RDR) du Docteur Alassane Dramane Ouattara, à la faveur de la guerre qui a fait tant de mal à cette localité, des cadres qui ont diabolisé à outrance l'actuel chef de l'Etat ont été pris d'inquiétudes face à l'enthousiasme spontané des populations, à l'annonce de la visite d'Etat. Craignant que leur popularité et celle de leur parti ne prennent un coup après la tournée du président Gbagbo dans le Nord, ils avaient rappelé aux notables que leur champion, l'ancien Premier ministre d'Houphouët-Boigny, Dramane Ouattara, avait déjà bénéficié du même cérémonial et qu'il ne saurait être question de le répéter en faveur d'une autre personnalité. On ne le fait pas, sauf cas exceptionnel, tant que la première personnalité bénéficiaire est encore en vie?, nous ont expliqué nos sources. Or, M. Ouattara, le dernier bénéficiaire de cet accueil culturel d'importance vitale est toujours vivant. Il est même toujours dans la course à la présidence. Ce qui avait poussé les Sénoufo à lui administrer? les libations, sortes de bénédictions professées pour le succès des actions du bénéficiaire. Les obligés du président du RDR se sont donc attelés à expliquer que l'accueil à réserver à Laurent Gbagbo devait être simple, sans libations?.
Le débat était, selon nos sources, si intense qu'il a fallu recourir à l'arbitrage des sages pour le trancher. En tout cas, dans le département de Ferkessédougou, on signale qu'ils auraient été au nombre de trente quatre (34) autorités traditionnelles, gardiennes de la culture ancestrale, appelées pour décider si oui ou non les libations devaient être faites en l'honneur du président Gbagbo. Au cours de l'ultime réunion organisée pour trancher, trente deux notables (32) sur les trente quatre consultés ont opté pour les libations. Gbagbo a donc bénéficié d'un plébiscite de 95% pour recevoir les libations à Ferké. Bien entendu, des résistances se seraient organisées après ce score pour faire dire qu'on ne fait pas la libation n'importe quel jour mais apparemment, ce débat-ci a été très vite étouffé. Dès la première étape de la visite d'Etat du président Gbagbo à Ferké, les libations ont été prononcées et ne se sont plus estompées jusqu'à la fin de la tournée présidentielle.
Le président Gbagbo ne veut pas que sa visite d'Etat (28 au 30 novembre 2007) dans la Région des Savanes soit qualifiée d'acte symbolique dans le processus de paix, et il a certainement raison. Il prive ainsi ces détracteurs des critiques infondées émises sur les efforts énormes qu'il accomplit, avec son Premier ministre Guillaume Soro Kigbafori, depuis mars 2007 pour normaliser le pays. Mais il n'empêche que son séjour dans le grand Nord de la Côte d'Ivoire a été marqué par de nombreux symboles dont certains étaient immédiatement vérifiables. C'est le cas de l'enthousiasme et de la mobilisation dont ont fait preuve les populations, de Korhogo à Tengréla en passant par Ferkessédougou, Sinématiali, Péguékaha, Boundiali, Gbon, Kouto, Kolia, et Lamékaha. C'est aussi le cas de ces tournées de sensibilisation et de mobilisation entreprises par les partis politiques significatifs du pays dans cette région : le FPI avec de nombreuses délégations, le RDR avec quelques cadres engagés pour les institutions républicaines, et le PDCI-RDA avec des pontes comme Kassoum Coulibaly.
Au cours de la tournée présidentielle, l'ambiance féérique de la manifestation de la longue soif des populations pour la République a dû couvrir les autres symboles moins évidents, difficiles à saisir et à comprendre. Mais ces évènements cachés qui ont favorisé la qualité du spectacle? restent de loin les plus importants et les plus significatifs au plan culturel. En ce sens, les libations prononcées en faveur du président Gbagbo, malgré les oppositions, pourraient bien faciliter les bases d'un nouveau pont entre le chef de l'Etat et les peuples du Nord.








César Etou, envoyé spécial à Korhogo

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