mercredi 5 décembre 2007 par Islam Info

El Hadj Essy Amara est un diplomate accompli dont la carrière qui s`étend sur plus de trente ans, lui a permis d`accéder à tous les grands hommes de la planète. Malgré les hautes charges professionnelles, le Ministre Amara s`est toujours donné le temps de gérer sa vie spirituelle. On le retrouve ainsi aussi bien à l`aise à la présidence de l`Assemblée Générale des Nations Unies, que comme Co-Président du Comité de la Construction de la grande mosquée de New York. Il a rencontré aussi bien le Pape Jean Paul II, le chef de l`église catholique, que le Roi Fahd, le gardien des lieux Saints de l`islam. Ce programme planétaire ne l`empêche pas d`être actif dans son pays, dans sa communauté et dans son village où il a contribué à construire à la fois une mosquée et une église. Bref, c`est un homme de plusieurs expériences que nous vous invitons à découvrir.

I. I. : Que représentent ALLAH et la religion pour vous ?
S. E. ESSY AMARA : On peut naître dans une famille non musulmane et devenir musulman. On peut, par l'éducation de ses parents, devenir un bon musulman, mais je crois que l'Ecole de la Vie nous amène à mieux connaître DIEU, à l'apprécier davantage et à renforcer notre croyance. C'est mon cas. Je suis de KOUASSI-DATEKRO, dans le Département de TANDA. Mon père était venu à l'école à BOUAKE et il avait eu pour tuteur un musulman. Mon père est donc devenu musulman ! Les néophytes deviennent plus fondamentalistes que les musulmans de naissance. Donc très tôt, à l'âge de 9 ans, tous les vendredis matins, mon père m'emmenait à la mosquée. L'habitude d'aller à la mosquée a été fondamentale dans ma vie : je me sens toujours très mal quand je manque la prière du vendredi. I. I. : Où avez-vous rencontré DIEU au-delà du cercle familial?
S. E. ESSY AMARA : J'ai eu beaucoup d'aventures dans ma carrière diplomatique. Quand j'ai vécu toutes les épreuves que j'ai eues à affronter, j'ai découvert davantage la puissance de DIEU. J'ai fait, en hélicoptère, en compagnie du Ministre sénégalais des Affaires Étrangères M DJIBO KA, un crash dans la forêt Sierra Léonaise, lorsque nous étions partis précipitamment pour remonter le moral des troupes sénégalaises qui avaient perdu six soldats, tués par le NPILF de Charles Taylor dans la ville de Vahoum. J'ai sauté trois fois sur des mines en Angola lorsque j'étais allé chercher des officiers Cubains détenus à Jamba, fief de Sawimbi. J'étais dans le camion avec une douzaine de jeunes soldats qui escortaient ces personnes. Nous avons sauté sur des mines et nous avons enregistré un mort et plusieurs blessés. Il y a six mois, j'étais en Angola, je me suis rendu dans les domiciles de ces soldats blessés à l'époque. Quatre d'entre eux qui avaient perdu leurs jambes dans cet accident sont à présent, à 40 ans, assis dans des chaises roulantes. Par ailleurs, je suis allé chercher Fodé Sanko en Sierra Léone dans une forêt si dense que pendant trois heures, on ne voyait pas le ciel. Dans toutes ces aventures, je n'ai eu aucune égratignure et cela est vraiment un miracle pour moi. I. I. : Au-delà de la famille, dans l`exercice de votre carrière, dans votre cheminement quotidien, DIEU selon vous, semble être toujours présent?
Oui en effet, comme lors de mon second pèlerinage. C'était un Jeudi et l'esplanade de la Kaaba était pleine à craquer. C'était la grande bousculade de tous les côtés. J'étais très loin de la Kaaba et je cherchais à m'extraire de la cohorte des fidèles qui se battaient pour toucher ce sanctuaire de l'islam. Dans cette bousculade, j'ai été trimbalé de gauche à droite pour me retrouver devant la porte de la Kaaba qui était ouverte afin que les Dignitaires du régime viennent laver l'intérieur de la Maison d'Allah. Je me suis donc retrouvé dans la Kaaba et j'étais surpris de constater que tout le monde pleurait dans la Sainte Maison d'Allah. Mon voisin, un savant Pakistanais, s'est agrippé à mon bras en criant: Tu te rends compte de la Grâce d'Allah sur nous, car des millions d'êtres humains de toutes les directions prient sur nous en ce moment... C'est alors que j'ai réalisé toute la chance, toute la grâce de Dieu sur moi en me donnant l'unique occasion de prier dans la Kaaba. Je me suis mis aussi à pleurer comme tous les heureux fidèles qui nettoyaient l'intérieur de ce Saint lieu. Quand je passe en revue tous les événements qui ont émaillé ma vie, je ne peux qu'affirmer avec force qu'il y a un Dieu qui décide de ce qu'Il veut pour chacun de nous. Le hasard peut intervenir une ou deux fois, mais pas autant de fois comme cela a été le cas pour moi dans plusieurs circonstances. Ma devise est depuis : Tout ce que Dieu fait est bon, un échec peut être une grâce de Dieu pour vous éviter peut être un malheur plus grand ! . Il y a également dans mon parcours, les épreuves vécues dans la diplomatie et dans la politique. Côté cour, côté jardin, ce n'est pas la même chose ! I. I. : Qu'entendez-vous par côté cour ?
L'homme que vous connaissez dans la vie de tous les jours n'est plus le même autour du pouvoir et cela a été ma grande déception sur beaucoup de personnes que j'ai connues. Côté cour, ce sont les rivalités internes qui sont très complexes autour du pouvoir politique. Tout peut vous emporter. On raconte tellement de mensonges, il y a des crocs-en- jambe ! Lorsque j'étais ambassadeur à Genève, j`avais lu au Président Félix Houphouët-Boigny. une correspondance mettant en cause une personnalité. J`avais réagi devant le Président pour démentir les accusations portées dans la lettre. Le Président Houphouët m'avait demandé alors si je connaissais cette personnalité. J'ai répondu que je la connaissais superficiellement. C'est alors qu'il m'a demandé si je connaissais la différence entre Dieu et les Hommes ? J'ai dit non. Il m'a alors dit ceci : Plus tu vas connaître Dieu, plus tu vas L'aimer. Alors que plus tu connaîtras certaines personnes, plus tu les détesteras . Dans le cas d'espèce, je me suis rendu compte que c'est le Président qui avait eu raison, car j'ai eu à constater la véracité des faits qui avaient été reprochés à la personne incriminée. C'est vrai que Dieu donne un destin à chacun de nous, mais toutes les épreuves de la vie nous amènent à croire en Dieu et à nous attacher plus à Lui. I. I. : Quelle définition donnez-vous au bonheur ?
La clé du bonheur se trouve dans le Saint Coran et spécialement à la fin de la Sourate Baqara ou la Vache, lorsqu'on demande à Dieu : Notre Seigneur ne nous charge pas de ce que nous ne pouvons porter. Allah n`impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité. Elle sera récompensée du bien qu`elle aura fait, punie du mal qu`elle aura fait. Seigneur, ne nous châtie pas s`il nous arrive d`oublier ou de commettre une erreur. Seigneur ! Ne nous charge pas d`un fardeau lourd comme Tu as chargé ceux qui vécurent avant nous. Seigneur ! Ne nous impose pas ce que nous ne pouvons supporter, efface nos fautes, pardonne-nous et fais-nous miséricorde. Tu es Notre Maître, accorde-nous donc la victoire sur les peuples infidèles. Sourate 2 v 286. II. : A quel moment vous êtes-vous senti comblé de bonheur ?
J'ai été très heureux dans ma carrière chaque fois que j'ai réussi à faire adopter une résolution de la Côte d'Ivoire sur tel ou tel sujet, dans les multiples conférences où j'ai représenté mon pays comme cela a été le cas dans les conférences sur le Droit de la Mer, la Codification du Droit International, les Conférences sur le Transport Maritime, les Conférences de la CNUCED et les Conférences Nord-Sud et Sud-Sud, etc. Mais le bonheur, c'est surtout lorsque l'harmonie et la joie règnent dans la famille car celles-ci se répandent sur le père de famille et le stimulent dans ses multiples activités. I. I. : Et la tristesse ?
Les moments de tristesse, j'en ai connus beaucoup dans ma vie. Plus on grimpe l'échelle sociale, plus vos ennemis s'accroissent. Dans mon cas, j'ai eu à évoluer dans l'arène internationale. Et donc, ce ne sont pas seulement vos ennemis du pays, mais du continent africain. J'ai eu à me battre dans pas mal de domaines assez difficiles. Quand on est de bonne foi, et que vous entendez ce qu'on dit contre vous, c'est choquant et quelquefois même, on utilise les gens de chez vous pour vous atteindre, alors que vous défendez l'intérêt de votre pays. Mais je pardonne toujours, car Dieu, dans le Saint Coran, dit°: Nous avons créé l'homme pour une vie de lutte . Donc, quel que soit ce qui m`arrive, je n`accuse pas les hommes, je m`en remets toujours à Dieu et j'essaye de les comprendre. Lorsque le Président Houphouët avait été traité de voleur, il avait été beaucoup peiné, abattu même parfois. Sa foi en Dieu l`a sauvé, car après de longues prières, il s`est levé un matin tout heureux en affirmant °: Dieu nous soumet toujours à des épreuves pour tester notre foi. S`Il constate que malgré nos difficultés et nos peines, nous croyons toujours en Lui, alors Il nous sort de nos difficultés. Je crois en Lui et Il me sortira de cette mauvaise impasse devait- il conclure. I. I. : Comment surmontez-vous vos moments difficiles ?
Je m`en remets à Dieu, je fais deux Rakats, des Zikrs et en fonction du problème, je demande le secours de Dieu face à la situation. I. I. : Quel est votre meilleur souvenir ?
l y a eu des moments de joie aussi bien dans l'adolescence que dans l'âge mûr ! I. I. : Parlant de votre enfance ?
Pendant mon enfance, mon père avait procédé au partage de l'avenir de ses enfants. Mon jeune frère devait aller à l'école coranique et se consacrer à Allah (SWT). Mon grand frère devait rester aux cotés des grands parents du village et s'occuper des plantations de café de la famille. Moi, j'étais destiné plus ou moins à faire des activités commerciales comme la plupart des jeunes ressortissants de Bondoukou vivant à Bouaké. Je vendais donc le pain de ma mère à la gare routière de Bouaké ! Jusqu'au jour où, M Yao Ernest, un instituteur, ressortissant de la région de Bouna de passage à Bouaké, pour rejoindre son poste à M'Bahiakro, a demandé avec insistance à mon père de m'envoyer à l'école (je l`avais accompagné, du reste, toute la journée pour faire ses courses). C'est donc avec trois mois de retard que j'ai été inscrit à l'école primaire Nord de Bouaké. Malheureusement pour moi, le jour où j'ai mis les pieds dans la classe où il y avait près de 80 élèves assis par terre, (car les bancs commandés chez le menuisier n'étaient pas encore livrés) il y avait une interrogation écrite. Je ne parlais pas un seul mot de français. Sur l'ordre du moniteur, tous les élèves levaient la main et chacun écrivait sur son ardoise. Je ne comprenais rien à cet exercice. Pour comprendre donc de quoi il s`agissait, j'ai regardé ce que mon voisin écrivait sur son ardoise. Aussitôt, celui-ci s'est levé pour crier que je trichais. Le moniteur bien entendu se précipita vers moi pour me donner des coups de rotins sur mes fesses et mes mollets. Ensuite, il a accroché à mon cou une ardoise avec pour inscription Je suis un tricheur . Je devais porter cette ardoise pendant trois jours. J'étais la risée des élèves pendant les recréations. Cela a été finalement salutaire pour moi et mon avenir. I. I. : Pourquoi?
J'ai été tellement humilié que je me suis mis à travailler avec beaucoup d'ardeur si bien que deux mois plus tard j'étais parmi les trois premiers de la classe. J'ai été en fait stimulé par l'humiliation et la vexation. C'est cette volonté qui m'a habité dans mes études, au collège, à l'université puis dans ma carrière professionnelle. Être toujours parmi les meilleurs et éviter les humiliations. I. I. : Et quand vous étiez étudiant?
J'ai été à la Fac avec plusieurs personnalités présentes sur l'échiquier politique actuellement. Tel que le Président GBAGBO Laurent qui était en Lettre Histoire, et moi en Droit, avec les Présidents Tia KONÉ, Yanon YAPO, Assoman YAO, et sa Majesté TANON Désiré, Me Dominique Kangah, le Ministre Abdoudramane SANGARE etc. Avec l'évolution dans la vie politique, on s'est retrouvé dans des entités politiques différentes mais nos relations personnelles ont transcendé nos divergences politiques. Lorsque j'avais été élu Président de l`Assemblée Générale de l'O.N.U. en 1994, les félicitations les plus chaleureuses que j'avais reçues venaient du Secrétaire Général du Front Populaire Ivoirien (FPI) M. Laurent GBAGBO. Il m'a, à l'image de Sarkozy et Dominique STRAUS KHAN aujourd`hui pour la désignation du nouveau Directeur Général du F.M.I, apporté son soutien sans faille lors de mon élection à l'O.U.A. en 2003. Etudiant, j'étais fondamentalement de gauche. A Dimbokro, mes parents étaient voisins de l'oncle du Professeur Francis WODIÉ. Nous passions nos vacances ensemble. Il était étudiant et moi j'étais élève, et c'est lui qui m'a remis mes deux premiers livres sur le Marxisme, Karl Max et Lénine. En outre, j'ai bénéficié en tant qu`étudiant, de bourses de vacance pour des séjours dans des camps de jeunesse communiste à Alma Ata puis à Oulan Bator (ancienne URSS). Ces séjours ont démystifié chez moi le communisme ainsi que le rejet définitif de tout dogmatisme. Depuis, j'ai évité d'être l'instrument de tout système tendant à embrigader les jeunesses africaines. I. I. : Que retenez-vous de votre passage en tant que Ministre des Affaires Étrangères ?
C'est la joie d'avoir servi à la notoriété de mon pays, occupé les plus hautes fonctions aux Nations Unies avec la présidence de nombreux organes dont particulièrement la Présidence du Conseil de Sécurité (1991) et la Présidence de l'Assemblée Générale des Nations Unies (1994-1995). J'ai une photo à l'Assemblée Générale de l'O.N.U. à New-York et une photo dans le hall de l'Union Africaine à Addis-Abeba en ma qualité de dernier Secrétaire Général de l'O.U.A. et de premier Président de la Commission de l'Union Africaine. Ce qui est le plus important ce n'est pas ma photo mais l'inscription après mon nom, celui de la Côte d'Ivoire. Dans un siècle lorsque des jeunes ivoiriens visiteront le siège de l'O.N.U. à New York et le siège de l'U.A. à Addis-Abeba, ils verront que leur pays a joué un rôle important dans ces deux institutions mondiales et continentales. Interview réalisée par KONE AISSATA Coll. DIABATE Amadou 11. I. I. : Comment votre élection à la Présidence de l`Assemblée Générale des Nations Unies s`est-elle déroulée? Mon élection à la Présidence de l'Assemblée Générale de l'O.N.U. a été sans aucun doute le summum de ma carrière comme cela est d'ailleurs celui de tout Diplomate de Carrière. En 1993, après mon discours à l'Assemblée Générale des Nations Unies, le Ministre des Affaires Étrangères de l'Indonésie Ali ALATAS, avec qui j'avais été collègue comme ambassadeur à Genève, était venu me voir pour me dire que le Président de la 49° Session devait être un Africain. En conséquence, le groupe des Non Alignés et des 77 (qui étaient majoritaires à l`Assemblée Générale de l`O.N.U) avaient porté leur choix sur moi alors que je n'étais nullement candidat à ce poste pour lequel, du reste, huit africains battaient déjà campagne depuis deux mois. J'ai informé le Président Houphouet-Boigny, malade à Paris. Il m'a posé la question de savoir si cela était possible. Car sa politique étrangère n`était pas appréciée des arabes qui n'approuvaient pas ses liens avec Israël, tout comme certains africains n'appréciaient guère sa politique de dialogue avec l'Afrique du Sud de l'apartheid. Il m'a dit que sa plus grande joie serait de me voir Président de l'A.G. de l'O.N.U. au nom du continent africain. Cela effacerait du coup toutes les accusations selon lesquelles il avait une politique anti-africaine. Ainsi, après mon élection, assis sur le podium du Président de l'A.G. ce 17 Septembre 1994 à 10H, pour l'ouverture de l'Assemblée face à 101 Chefs d'Etat, des Premiers Ministres, Ministres et autres célébrités du monde ainsi que 145 chaînes de télévision Nationale, j'ai, avant de déclarer solennellement ouverte la 49° session, remercié DIEU le Tout Puissant et Très Miséricordieux de m'avoir choisi comme instrument pour réaliser le souhait du Président Houphouet-Boigny. Cette élection à ce poste était aussi sans aucun doute le couronnement et la consécration de la politique et de la diplomatie du Président Houphouet-Boigny. Une autre satisfaction, c'est ma participation en 1981 à la Conférence Nord-Sud de Cancun (Mexique) où la Côte d'Ivoire était le seul Pays africain francophone parmi les 22 participants devant réfléchir à un schéma pour l'édification d'un nouvel ordre économique en gestation et destiné à être un facteur de paix et de stabilité dans le monde. 12. I. I. : Cette riche et longue carrière internationale vous a amené à manager des hommes et des femmes d`origines différentes, comment êtes-vous parvenu à gérer vos relations avec vos collaborateurs ? S. E. ESSY AMARA : Je crois qu'à ce niveau, la gestion humaine est importante à 60 - 70%. Il faut motiver le personnel qui est à votre disposition, l'encourager, lui donner le sentiment qu'il est utile. C'est comme, pendant mon mandat au Secrétariat Général de l'O.U.A. que je devais transformer en Union Africaine. En l'espace de dix huit mois, nous avions toute une équipe en place : des francophones, des lusophones et des anglophones avec lesquels nous avons tenu près de trois cents réunions. Les personnes étaient dynamiques, motivées et je n'avais jamais vu de gens autant déterminées pour l'unité de l'Afrique ! Le personnel était très motivé car, je leur ai dit qu`ils ne travaillaient pas pour moi mais pour l`Afrique et l`avenir des générations africaines. Ils devaient mettre à la disposition des générations futures leurs expériences respectives acquises dans les relations internationales. Et je crois que cela a été un stimulant pour eux et nous a permis de travailler sans problème tous les soirs très tard, les samedis, Dimanches et même les jours fériés. 13. I. I. : Qu'est-ce qui vous a marqué dans la gestion de tant de monde de diverses croyances et de spiritualité ? S. E. ESSY AMARA : La spiritualité n'a posé aucun problème aussi bien dans ma vie professionnelle que familiale. Je partais à la mosquée pendant que mon épouse était active à l'église catholique : elle aidait beaucoup les églises, faisait des ?uvres charitables. Elle était devenue l'épicentre des ?uvres de bienfaisance, aussi bien à Genève, à New-York qu'à Addis-Abeba. A New-York, j'étais co-président du comité de la construction de la grande Mosquée de New-York avec mon collègue l'ambassadeur du Koweit. A Génève, en Suisse j`ai été membre du Conseil d`Adminsitration de la mosquée tout comme à Addis-Abeba en Ethiopie. 14. I. I. : Le Président Houphouët s'intéressait beaucoup à la Communauté musulmane ! Pourquoi ? S. E. ESSY AMARA : Je voudrais, sur ce chapitre, dire que le Président Houphouët, fervent Catholique, a vécu dans un milieu musulman. Il était en relation constante avec les califes des Mourides de Touba et celui des Tidjanites de Tivaoune. Il avait pour amis et confidents Djili M'baye de Louga et Mr Amadou KA de Gandjol ainsi que de nombreuses personnalités africaines musulmanes comme Hâmpaté Ba avec qui j'avais séjourné à Tombouctou. Il envoyait à la Mecque non seulement des musulmans de Côte d`Ivoire mais aussi du Sénégal, de la Guinée, du Mali, du Niger, du Bénin... etc. Le Président Houphouët était un grand croyant et s'intéressait à tout ce qui avait trait à la spiritualité, aux religions révélées, à la vie des Saints du Coran et de la Bible. Sa première épouse Me Kady SOW était d'origine Sénégalaise. Il a lui-même vécu au Sénégal du fait de ses fonctions de Président du Grand Conseil de l'A.O.F. dont le siège était à Dakar. Il était aussi très lié à Hampaté BA avec qui il passait des heures à parler de religion, de philosophie, de culture africaine et de ce qu'elle recelait de sagesse pour expliquer certaines situations de la vie courante. Le Dr Berard et moi déjeunions très souvent avec le président Houphouët. Les vendredis, il poussait l'extrême délicatesse à retarder le déjeuner pour attendre notre retour de la Mosquée avant de passer à table. De quoi l'Imam Tidiane BA a parlé aujourd'hui ? C`était toujours la question du vendredi. Le sujet de conversation du déjeuner était donc lancé et animait ainsi tout le temps du repas avec toutes les diverses personnalités qui étaient les convives à la table du Président. Je sais qu'il suivait aussi les prêches du vendredi des imams de Treichville, du Plateau, d'Adjamé et de Yopougon... etc. La religion musulmane n'avait pas de secret pour lui et cela fascinait sa Majesté Hassan II Roi du Maroc qui avait relevé d`ailleurs, que, tous les deux avaient construit chacun dans son pays les deux plus grands édifices de ce siècle à la gloire de Dieu : La Basilique de Yamoussoukro et la grande Mosquée de Casablanca. 15. I.I. : Vous avez construit la mosquée de votre village. Qu'est ce que cela a représenté pour vous ? S. E. ESSY AMARA : Depuis que j'ai eu la chance de prier deux fois dans la Kaaba, j'étais obsédé par l'idée de faire un sacrifice pour remercier Dieu de sa Grâce Incommensurable. Je pensais à faire partir une ou deux personnes à la Mecque. Revenu de New York où j'étais en poste, j'étais allé voir ma mère à Bouaké. Mon père était au village. Je suis donc parti de Bouaké à Kouassi Datékro en passant par le Bac de Sérébou. Arrivé vers 5 H du matin à Sandégué, j'ai entendu la voix du muezzin. Je me suis donc dirigé vers la voix du muezzin et puis j'ai découvert dans cette bourgade une belle petite mosquée. Après la prière, j'ai posé la question à l'imam de savoir qui a construit cette belle mosquée ? Il m'a répondu que ce sont les cadres du village à Abidjan, Agnibilékrou, Bondoukou et les villageois qui se sont cotisés pour la construction. Arrivé au village, deux jours après, j'ai convoqué une réunion de la communauté musulmane. Après la prière de Fadjr, je leur ai dit que notre mosquée en Banco était vieille et qu'elle pouvait un jour s'écrouler avec les pluies diluviennes que connaissait à l'époque la région. J`ai donc proposé que tous les vendredis on procéderait à une quête pour cet objectif et que j'allais ouvrir un compte à la BICICI de Bondoukou avec la somme initiale de 500.000 FCFA au nom de la mosquée. Mes parents m'avaient écouté religieusement. Mais, j'étais surpris du peu d'enthousiasme manifesté après ma proposition. Alors, mon oncle, l'imam a demandé 24 H pour une concertation avec les musulmans et la famille pour me donner la réponse du village sur le projet. A la seconde réunion, l'imam a pris la parole pour dire qu'après discussion et avec la pauvreté qui sévissait au village, personne ne pouvait prendre l'engagement de donner de l'argent pour l'?uvre divine. Prendre un engagement et ne pas être capable d'exécuter serait un parjure devant Dieu. Aussi, il me demande si je peux, d'exécuter tout seul le projet. J'en fus si choqué que j`ai quitté la réunion sans un mot. Je pensais maintenant à mon chantier, car au village j'habitais chez mon père. Mais avec les nombreux visiteurs qui venaient chez lui dès six heures du matin, mon épouse et moi avions décidé de construire notre propre maison. Aussi, pendant trois ans nous avions commencé à accumuler tous les éléments de construction possible (fer, ciment, bois etc). D'après mes prévisions, les débuts des travaux commenceraient dans cinq ou six mois. Après ma réunion avec les parents sur le projet de construction de la mosquée, mon père m'a demandé d`aller le voir après la prière de Fadjr. Il était très âgé et avait presque cent ans. Il ne pouvait même plus aller à la mosquée. Il m'a fait asseoir et m'a dit qu'il savait que j'étais déçu de la réaction des parents face au projet de construction de la mosquée que je leur avais soumis. Il me dit que c'est normal parce que la pauvreté sévit dans la région avec le bas prix du café. Il m'a dit alors Mon fils, je comprends ta déception mais je te demande, je te supplie de poursuivre ce projet. J'ai appris que tu as accumulé du matériel pour construire une grande maison. C'est très bien, mais je te supplie de prendre ce matériel pour construire la maison de Dieu sur cette terre. Et si Dieu le veut il te donnera les moyens de construire plus tard ta propre maison au village. Je suis très vieux et je vais très certainement bientôt mourir et je souhaite être enterré près de la mosquée. . J'étais sidéré par la proposition de mon père. Cependant, je lui ai promis que j'allais en parler avec mon épouse car c'est elle en fait, qui était le maître d`oeuvre de la construction de notre maison au village. En effet, mon épouse venait chaque année passer un mois en Côte d'Ivoire pour acheter le matériel et l'acheminer au village dans des conditions difficiles en raison de l'état défectueux de la route Tanda-Kouassi Datékro. Je mesurais avec appréhension sa réaction quand je lui rapporterais la suggestion de mon père. Cependant, quand je lui ai rapporté la proposition de mon père d'abandonner le projet de construction de notre maison pour affecter le matériel de construction à la mosquée, elle m'a tout simplement dit, à ma très grande surprise et satisfaction: On fait ce que ton père souhaite car on ne peut pas lui désobéir et le frustrer à son âge... . C'est ainsi que, tous les villageois ont été invités à venir prendre le matériel stocké pour le transporter sur l'emplacement actuel de la mosquée. Mon père avait seize frères et quatorze s?urs dont les enfants et petits enfants sont au village soit musulmans soit catholiques. Il se trouve que l'imam était mon oncle comme l'était aussi le président de la communauté catholique. Trois jours après le début de la construction de la mosquée, j'ai été convoqué pour une réunion familiale dans notre grande cours. Au cours de cette réunion mes oncles catholiques et leurs enfants m'ont accusé de diviser la famille en construisant une mosquée excluant de fait les parents catholiques. Sur le champ, j'ai arrêté les débats en disant qu'il n'y avait aucune préférence. J'ai alors demandé aux catholiques d'aller prendre la moitié du matériel stocké sur le chantier de la mosquée pour l'acheminer sur celui de l'église. Une petite anecdote... A l`époque, le Pape Jean Paul II venait de tenir à Assise, en Italie, une réunion sur le dialogue Islamo-Chrétien. Je dînais avec le Président lorsque les images de cette réunion passaient à la télévision. Le Président Houphouët-Boigny avait trouvé l'initiative de Jean Paul II très positive pour la paix. C`est alors que, sans arrière pensée, j`avais lancé une boutade en disant que nous étions en avance sur le Pape car depuis trois mois, nous avions commencé, musulmans et catholiques la construction d`une église et d`une mosquée. Il n`a fait aucun commentaire sur cette réflexion et on passa à d`autres sujets. 14. I.I. : Mais le Président Houphouët a particulièrement suivi la construction de ces deux édifices? Oui en effet, un mois après, à mon retour d'une mission, j'ai reçu un message du Cabinet du Président me demandant d'être à Abidjan le Vendredi suivant. On était lundi et j'ai fait ma réservation pour être à Abidjan le Jeudi soir. A mon arrivée, le protocole m'informe que le Président me recevrait le Vendredi à 17h à sa résidence. J'étais à 16h 30mn à la résidence du Président et à ma grande surprise, j'y ai retrouvé le Sous-Préfet de Kouassi-Datékro avec mes deux oncles : l'imam et le président de la communauté catholique. A ma question que faites-vous ici ? Le Sous-Préfet me répond que son Ministre lui avait demandé un rapport sur la construction de la mosquée et de l'église. C`est ainsi qu`il avait visité les deux chantiers et envoyé un rapport dans lequel il relatait l'excitation et l'enthousiasme qui stimulaient les deux communautés dans la construction de ces deux édifices. Il a reçu un message lui demandant de venir avec les deux responsables de la communauté catholique et musulmane. Je passe sur les détails de cette rencontre. A la fin de cette rencontre, le Président Houphouët a remis à chacun d'eux une enveloppe substantielle comme participation personnelle à l`édification ces deux maisons de Dieu. La communauté Catholique dirigée par un curé français, très dynamique : le Père DERBIER Alain termina la première son église. Le père Derbier et la communauté catholique rejoindront la communauté musulmane pour achever la construction de la mosquée. Les deux édifices ont été inaugurés le même jour par une Messe de 9h à 12h 30mn à l'église suivie de la prière à la mosquée de 13h à 16h 30mn. Le Nonce Apostolique avait participé à ces deux cérémonies et le Pape nous avait félicités pour cette réalisation. Les trois fois où j'ai eu l'occasion de rencontrer le Pape Jean Paul II soit à Rome soit à Castel Gondolfo, il m'a chaque fois demandé les nouvelles des deux édifices et la cohabitation entre les deux communautés à Kouassi-Datékro. 16. I. I. : En tant que disciple du Président Houphouet-BOIGNY, il envisageait la construction de la plus grande mosquée de l'Afrique de l'Ouest, mais la mort est survenue ? S. E. ESSY AMARA : Vous savez que la vie, c'est DIEU qui la donne et c'est Lui qui la reprend. A Yamoussoukro, Il avait également le projet de construction du plus grand hôpital de l'Afrique de l'Ouest pour permettre aux Africains de se soigner sur place au lieu d'aller à l'extérieur. Mais, le projet de construction de la mosquée était très important pour lui, c'est une ?uvre à laquelle il tenait beaucoup. Cependant, la Banque Mondiale avec qui nous étions sous ajustement structurel, posait des difficultés. 17. I. I. : Pour terminer, quels sont vos conseils à l'endroit de la communauté musulmane ? S. E. ESSY AMARA : . J'invite les musulmans à prendre leur destin en main, et à prendre au sérieux leur formation. Surtout de nous unir en transcendant nos petites divisions. J`ai beaucoup voyagé pour savoir que la communauté musulmane dans les pays musulmans est très divisée. Nous n`échappons pas à cette division au sein de notre communauté avec la question de leadership, de rivalité entre associations etc. Nous affirmons toujours notre fraternité dans notre religion et nous devons, si nous sommes sincères pouvoir transcender toutes les mesquineries d`ici-bas pour rechercher la cohésion et l`harmonie au sein de la communauté et la rendre ainsi plus forte pour peser sur le cours des événements qui façonnent la vie de notre société. Une société qui a besoin de plus de justice, d`équité et de charité. Ce sont des facteurs de paix et de stabilité indispensables au musulman pour se consacrer dans la quiétude à vivre sa foi religieuse. Le vrai défi à relever pour notre communauté n'est pas la question du leadership même si celle-ci est importante pour lui imprimer une bonne direction. L`un des vrais défi, par exemple qui vaille vraiment la mobilisation de toutes nos énergies, est celui de pouvoir obtenir de nos autorités, l'utilisation de la langue Arabe dans nos écoles, nos collèges, nos lycées et nos universités et cela au même titre que l'Anglais, l'Espagnol et l'Allemand. Beaucoup de jeunes ivoiriens ont étudié dans les meilleures universités du monde Arabe et maîtrisent parfaitement tous les aspects de cette langue. Il y aura donc pour tous ces jeunes un débouché dans les différentes activités de la vie religieuse, sociale et économique de notre pays. D`autant plus que les pays arabes aujourd`hui représentent des marchés et débouchés importants pour le monde entier. Enfin, avec l'Islam, nous avons besoin d'une spiritualité qui apaise, responsabilise et refuse le repli, le désespoir, l'indifférence et la solitude. Une spiritualité qui apprend surtout aux fidèles le vivre ensemble dans le respect de la diversité. Elle doit se pratiquer dans le cadre des statuts que la République a établis pour les religions. L'Islam, porteur d'une grande spiritualité ne peut alors que conduire à la consolidation de la paix sociale et à la cohésion nationale. 18 .I. I. : Que pensez-vous de l`hebdomadaire ISLAM INFO ? S. E. ESSY AMARA : Je l'apprécie beaucoup et je vous encourage à persévérer parce que je sais que ce n'est pas du tout facile. Cet hebdomadaire permet aux musulmans d`apprendre et de se former. Vous avez un rôle important à jouer au sein de notre communauté. D`abord un rôle didactique en expliquant simplement aux jeunes et aux musulmans les enseignements du Coran et la sunnah du Prophète Muhammad (SAW). Nous avons presque tous appris par coeur le Coran sans en comprendre trop le sens profond. Avec Islam Info et Radio Al Bayane, nous disposons d'outils précieux pour vulgariser les enseignements du Coran, dans l`éducation de nos enfants afin qu`ils comprennent mieux le sens de ce qu`ils apprennent dans le Coran, avec les préceptes de notre religion. Je sais que les conditions de votre travail ne sont pas faciles, mais, je reste convaincu que c`est la foi qui vous anime le plus dans vos activités et que, tous ensemble, nous pourrons vous aider à transcender les problèmes qui sont les vôtres en ce moment. Interview réalisée par KONE AISSATA avec la collaboration de DIABATE Amadou

Anecdotes dans la vie de El Hadj ESSY AMARA

Le Ministre Amara est un observateur méticuleux. Dans les scènes de la vie quotidienne, rien ne lui échappe. Il observe non seulement les faits et gestes, mais il essaie d'en comprendre les dessins cachés et toute la symbolique divine.
En voici quelques exemples.

1- ESSY AMARA, LE PAPE ET LE ROI

Pour respecter la tradition, le Président élu de l`Assemblée Générale de l'O.N.U. est invité par le Vatican. Amara Essy, est ainsi reçu un vendredi au Vatican, avec tous les honneurs dus à son rang de Président de l'Assemblée Générale des Nations Unies.
Après l'entrevue protocolaire, le Pape demande à Amara quand retourne-t-il à New-York? Celui-ci répond qu'il ne part pas immédiatement à New-York, mais qu'il se rend directement à la Mecque le lendemain. Auparavant, il informe le Saint Père qu'il fera la prière de vendredi à la Mosquée de Rome. Le Pape fait un signe de la tête à son protocole à qui il demande de recevoir à nouveau Essy Amara après la prière de vendredi. Amara est un peu surpris parce que pour avoir un rendez-vous avec le Pape, il faut s'y prendre très tôt. Bien entendu il accepte de revenir. A son retour, le Pape lui demande son impression sur la Mosquée de Rome. Amara Essy exprime son admiration pour la splendeur et la beauté de l'édifice. Le Saint Père demande alors s'il peut lui confier une mission. Cette mission consistait à une requête relative à l'obtention d'un lieu de prière pour les chrétiens en Arabie. Bien entendu, Amara est étonné, mais il accepte. Ainsi, au cours de sa rencontre avec le Roi Fahad, Amara transmet le message verbal. Le Roi dit que cette demande sera confiée aux ulémas pour analyse et réponse. Ensuite, le Roi lui pose la question suivante : la Mosquée dans laquelle vous avez prié est-elle située au Vatican ou à Rome? Amara bien entendu, répond que c'est plutôt à Rome. Tout naturellement le Roi continue sur d'autres sujets tandis que Le Ministre Amara a eu la satisfaction d'avoir accompli une mission importante en tant que Président de l'Assemblée Générale des Nations Unies, entre la Mecque et le Vatican.

2- Ambassade ivoirienne en Arabie Saoudite

Bien avant l'ouverture d'une ambassade en Arabie Saoudite, comme vous le savez sans doute, le Président Houphouët avait permis à la communauté musulmane de disposer à Djeddah d'une logistique minimum pour faciliter le pèlerinage. Le commissaire du Gouvernement disposait d`un bataillon de personnes ayant une compétence pluridisciplinaire (Médecin, prédicateur, etc) qui se déplaçaient (cars, ambulances et voitures) pour encadrer le pèlerinage. L'organisation de la communauté musulmane en plusieurs associations et la multiplication des vols charter pour le pèlerinage rendaient nécessaire notre présence en Arabie Saoudite. Il fallait créer un Consulat à Djeddah et ouvrir une Ambassade à Riyad pour être accrédité dans les cinq États du Conseil de Coopération des États du Golfe (Arabie Saoudite, Koweit, Bar hein, Abou Dhabi et Qatar). Une première étude avait permis d'évaluer le coût assez élevé de cette opération. Le pèlerinage ne dure qu'un mois ou un mois et demi au plus. Il fallait un minimum de moyens pour rentabiliser cet investissement dans un pays où le coût de la vie est très élevé. Le projet d'ouverture de l'Ambassade à Riyad fut donc inscrit au BSIE (Budget Spécial d'Investissement et d'Equipement). Comme c'était la pratique le projet devait être soumis au Parlement pour son adoption avec le Budget Général de fonctionnement. C'est dans ce contexte qu'une délégation du Front Populaire Ivoirien (FPI) avait sillonné le Nord de la Côte d'Ivoire. La question de l'ouverture de l'ambassade avait été soulevée par les populations musulmanes et le FPI avait promis de faire pression sur le gouvernement sur cette question précise. Ainsi, à sa demande, j'ai reçu à mon cabinet une délégation du FPI conduite à l'époque par le professeur Abdramane Sangaré. Ce dernier demande au nom du FPI l'ouverture d'une ambassade en Arabie Saoudite pour soulager les souffrances des pèlerins Ivoiriens pendant la période du Hadj. Je leur ai dit : Vous enfoncez une porte déjà ouverte car on n'attendait que le vote du budget par le Parlement pour ouvrir l'ambassade. En effet, l'ambassadeur idéal avait déjà été identifié en la personne de M Abou DOUMBIA, bon musulman, financier ; pour occuper cette haute fonction avec la double mission : organisation du pèlerinage et ouverture de relations économiques et financières entre les deux pays. Comme l'Arabie Saoudite n'envisageait pas d'ouverture de son ambassade en Côte d`Ivoire à l'époque, il fallait développer parallèlement les relations économiques et financières afin de réduire le niveau d'investissement assez élevé que nous aurions à effectuer dans ce pays. J'avais reçu l'agrément de l'Ambassadeur Abou DOUMBIA avant le vote de la Loi des Finances. Il avait donc rejoint son poste sans budget pour préparer l'arrivée des pèlerins dans les deux mois suivants. C'est donc après l'adoption du Budget Spécial d`Investissement et d`Equipement par le Parlement que j'ai fait une communication en Conseil des Ministres pour approuver le budget de l'ambassade à Riyad (Avril 1999). Mais il va de soi que le succès de l'organisation d'un pèlerinage à la Mecque ne dépend nullement d'un Consulat ou d`une ambassade à Riyad dont l'apport n'est que complémentaire par rapport au travail interne des responsables de la communauté musulmane. Le Consulat et l'Ambassade n'ont pour soucis que d'?uvrer pour le pèlerin ivoirien et non pas pour le pèlerin de telle ou telle association. La rivalité entre les associations musulmanes ivoiriennes pendant le pèlerinage avait eu dans le passé des conséquences malsaines inadmissibles pour des responsables religieux en Terre Sainte. Je crois qu'il faut moraliser un peu l'organisation du pèlerinage et lui donner tout son vrai sens, vivre sa foi en respectant ce cinquième pilier de l'Islam.

3- Le milliardaire, le Gruman 2 et la reconnaissance envers Allah

Djily M'Baye était un homme fortuné et un grand ami du Président Houphouët-Boigny dont il admirait particulièrement l`un des collaborateurs, en occurrence, le Ministre Amara ESSY. Ainsi, Djibi Mbaye s`adresse un jour au téléphone en ces termes à l`ambassadeur Amara ESSY: Je viens d`acheter un avion, un Gruman 2. Tu sais que ton patron possède le G3, donc je ne pouvais pas faire mieux que lui par respect et reconnaissance dans la mesure où, après Allah, je dois à Houphouet Boigny ce que je suis aujourd`hui. L`avion doit en principe terminer son inspection et les essais aujourd`hui, puis il sera livré demain. J'ai demandé la permission au Président Houphouët-Boigny pour que tu ailles chercher l'avion à Savanah dans l'Etat de Georgie aux USA. Je voudrais que le premier vol de l'avion soit dirigé vers la Mecque et la première nuit à Médine, la ville du Prophète. Après donc la conversation téléphonique, Amara s`envole pour les USA, réceptionne l`aéronef et se dirige vers l'Arabie Saoudite. Entre temps M. Djily M'Baye avait déjà informé l'Imam Sudeis de la Mecque ainsi que son collègue de Médine. Ainsi l`imam de la ville Sainte est venu à l`aéroport de Djéddah avec 20 jerricanes plein d`eau de Zam-Zam pour asperger l`intérieur et l`extérieur de l`aéronef. A la fin du baptême, le Ministre Amara met le cap sur Médine où également le grand imam de la ville devait procéder au même rituel.
Aussitôt la mission accomplie, Amara met cap sur Abidjan où Djily M'Baye se trouve déjà afin de présenter l`avion à son ami Houphouët-Boigny. Peu de temps avant l'aéroport d'Abidjan, l'équipage reçoit un message lui indiquant de se diriger directement vers Yamoussoukro où le Président Houphouët-Boigny et son ami attendent déjà. Après l`atterrissage du Gruman 2, le Président Houphouët-Boigny et Djily M'Baye montent à bord de l`aéronef. Djily M'Baye déclare solennellement au Président Houphouët-Boigny: Voici votre avion Monsieur le Président. Aussitôt, le Président Houphouet répond: Merci mon ami. Mais ce cadeau, je te l`offre en tant qu`ami et homme de confiance et de reconnaissance.
L`histoire du Gruman 2 a fortifié le respect du Ministre Amara pour l`amitié et la reconnaissance.

4- Le père d`Amara, le Saint Homme et l`indélicat

Le père du Ministre était fonctionnaire à la Poste au temps colonial. Après avoir exercé dans plusieurs villes, il a été affecté à Bouaké. Dans les prérogatives de ses fonctions, il devait s`occuper de la caisse. Malheureusement pour lui, très souvent, les comptes n`étaient pas exacts puisqu`il y avait toujours un déficit. En effet, un indélicat avait réussi à se procurer le double de la clef des bureaux. En homme de foi, il s`en était remis au Tout Puissant Allah.
Après une énième opération de l`indélicat, presque la moitié de la recette avait disparu alors que le surlendemain, une inspection était annoncée. Que faire cette fois-ci, car les autres fois, le père du Ministre puisait dans ses fonds propres pour combler le manque à gagner. Mais cette fois, la somme était très importante. Pour se sortir de ce pétrin, le père d`Amara est allé se confier au grand imam de Bouaké. L`imam SYLLA Anzoumana, réputé pour son savoir du Saint Coran, son humilité et sa sainteté. D`ailleurs, son fils Amara n`était-il pas l`un des nombreux élèves du saint-homme?
L`imam Anzoumana, après avoir attentivement écouté le père d`Amara, lui a donné rendez-vous le lendemain matin après la prière de l`aube (fadjr). Le père d`Amara a respecté le rendez-vous avec beaucoup d`anxiété puisque le jour de l`inspection était proche et il n`avait toujours pas retrouvé la somme soustraite de la caisse, encore moins l`indélicat qui s`adonnait à cette pratique. Il ne lui restait plus que 24h. Dès que le père d`Amara s`est approché de l`imam pour avoir la réponse de son intercession nocturne, le saint-homme lui a simplement dit: C`est fini. Demain, tout sera fini incha`Allah . Le jeune Amara et son père avaient bien entendu toujours confiance au saint-homme. Mais ils ne savaient pas exactement ce qu`il entendait par c`est fini et qu`est-ce qui est fini. Est-ce l`inspection qui n`aurait pas lieu? Ou sont-ce les vols qui n`auraient plus lieu? Ou encore est-ce le voleur qui serait mis aux arrêts? Bref, autant de questions qui se bousculaient dans sa tête. C`est sans concentration réelle qu`il a écouté les bénédictions finales du saint-homme.
Après une longue nuit sans s`être vraiment reposé, le père d`Amara s`est réveillé le lendemain avec quelques appréhensions sur l`issue du problème. Le père est allé au travail et Amara à l`école. A l`approche de son lieu de travail, le père d`Amara entend des bruits vers son bureau et aperçoit des mouvements de personnes. Ces collègues venaient ainsi de mettre la main sur l`indélicat qui volait les recettes dans son bureau. Lorsque ce dernier a été interrogé par le Commissaire Tiécoura, il a tout avoué et a restitué toutes les sommes volées deux jours plus tôt. Depuis ce jour, le jeune Amara ESSY a voué un respect à ce Saint Homme à qui il rendait visite chaque fois qu'il se rendait à Bouaké.

5- Le Roi FAHAD d`Arabie et le Chapelet d`Amara

Au cours des préparatifs d`une rencontre avec le Roi FAHAD d`Arabie Saoudite, le Ministre Amara ESSY a acheté un Chapelet destiné à être béni par ce dernier, car le Roi FAHAD d`Arabie est officiellement le Gardien des Lieux Saints de l`Islam. Dès leur rencontre, le Roi s`excuse pour le fait que pour des problèmes de santé, il ne pourra pas se lever pour le saluer. Immédiatement, Amara lui explique que son père a le même problème de santé et il a presque cent ans. Le Roi FAHAD est vivement intéressé par cette information. La sympathie s`installe aussitôt entre les deux personnalités. A la fin de l`audience, le Ministre Amara ESSY tend son chapelet au souverain afin qu`il le bénisse. Le Roi en est vivement heureux. Il prend immédiatement le chapelet avec le commentaire suivant: Je suis très content pour ce beau cadeau et je prierai avec ce chapelet tout en vous faisant des bénédictions . L`interprète tente alors de rectifier pour préciser la pensée du Ministre Amara ESSY. Mais ce dernier fait un signe au protocole pour dire qu`effectivement, c`était un cadeau destiné au Roi et que sa volonté soit faite.

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023