mardi 18 décembre 2007 par Autre presse

Le courrier du Vietnam - Notre séjour en Côte d'Ivoire est passé rapidement. Les 7 journées des 39es Assises de la presse francophone ont procuré aux journalistes francophones de fortes impressions sur le pays des éléphants. La paix est à peine revenue, après 5 ans d'hostilités. Les Ivoiriens pansent petit à petit leurs blessures de guerre et sont déterminés à aller de l'avant.
Le vol AF702 d'Air France s'est posé en douceur sur l'aéroport international d'Abidjan par une chaude soirée d'Afrique. Avec l'aimable accueil du comité d'organisation du pays hôte, les journalistes venant de Paris ont vite rempli les formalités et regagné l'hôtel Ivoire au centre-ville. Les 39es Assises de la presse francophone seront l'occasion d'en savoir plus long sur un pays qui a fait couler beaucoup d'encre, il y a à peine 4 mois, par les hostilités qui le déchiraient et que les Ivoiriens, à l'initiative du président en poste Laurent Gbagbo, ont mises de côté pour reconstruire ensemble la paix.

Une vitrine de l'Afrique de l'Ouest
Située en Afrique de l'Ouest, d'une superficie de 322.463 km2 et d'une population de quelque 26 millions d'habitants, la Côte d'Ivoire est un pays de forêts et savanes, donnant sur l'Atlantique avec quelque 600 km de façade maritime. Elle est considérée comme un "modèle" pour la région de par les traits typiques de sa culture, "sa" francophonie, ses réalisations socio-économiques. Le pays est connu aussi pour son économie florissante, reposant sur l'agriculture qui contribue pour plus d'un tiers au PIB. Un tissu industriel important et diversifié fait d'elle un des pôles majeurs de développement en Afrique de l'Ouest. Après des années difficiles, l'économie ivoirienne connaît une croissance du PIB en dents de scie : aux environs de 2,4% en 2000, plus de 1,6% en 2004, 1,8% en 2005 pour chuter à 1,2% en 2006. En 2007, la croissance devrait rester positive à plus de 1,5%. Résultat obtenu grâce aux performances des secteurs émergeants (extraction pétrolière, téléphonie mobile, bonnes récoltes de cacao) et aux mesures pertinentes prises par le gouvernement pour atténuer l'incidence de la crise. Les plantations de café et de cacao, principales cultures d'exportation, sont concentrées à Yamoussoukro.

Les excursions organisées par le pays hôte ont conduit les journalistes d'Abidjan, la capitale économique, à Bouaké, siège de l'ex-rébellion, en passant par Yamoussoukro, la capitale politique du pays.

Abidjan n'était qu'une petite ville banale jusqu'en 1951, quand les Français ont percé le canal de Vridi, reliant ainsi le lagon d'Abidjan à l'océan Atlantique et faisant de cette ville un excellent site portuaire. Surnommée "le Paris de l'Afrique occidentale", c'est la cité la plus cosmopolite de la région, comptant de nombreux Français mais aussi des ressortissants des pays voisins. C'est aussi la ville la plus peuplée de l'Afrique de l'Ouest, avec quelque 4 millions d'habitants (en 2006), et une des métropoles les plus importantes de l'Afrique de l'Ouest.

La ville s'étend jusqu'à la mer avec ses quartiers cossus, ses gratte-ciel, son quartier résidentiel, son centre des affaires, sa zone industrielle. Aucune moto en vue. Des voitures se succèdent en files interminables, du matin au soir, sur les routes parcourant les basses collines, sur les ponts traversant la lagune, formant quelque fois des bouchons aux heures de pointe.

Une capitale politique de fait
Bien que la capitale politique de la Côte d'Ivoire ait été officiellement transférée à Yamoussoukro en 1983, Abidjan en est la capitale administrative de fait, abritant la Présidence, l'Assemblée nationale, tous les ministères et les principales administrations du pays, les sièges des ambassades et des organisations internationales.

Visites, à bord d'un bateau-bus, de la lagune qui s'étend sur 300 km depuis la frontière ghanéenne sur tout le long de sa côte orientale, du canal de Vridi qui relie cette dernière à l'Atlantique, de l'Eden City - une île au milieu de la lagune, et de la baie des milliardaires. Cette baie est une expérience entièrement ivoirienne. L'État loue les terrains à des gens fortunés qui, qui qu'ils soient, en font leur propriété privée avec appontements, villas, bateaux de plaisance, groupes électrogènes solaires, voire terrains d'hélico Ce sont eux qui font construire les infrastructures de la baie (eau potable, électricité, routes), pour le pays, espèrent les autorités locales. On dirait un paradis dans l'Afrique occidentale. Capitale économique, Abidjan draine la majorité des activités économiques du pays, avec le premier port de l'Afrique de l'Ouest où des navires battant pavillons de différents pays apportent équipements, conteneurs et d'où s'exportent les produits agricoles locaux.

Se déplacer ne pose pas de problème à Abidjan. Pas de moto-taxi. Mais on a des bus et des bateau-bus pour la lagune, les "gbakas", mini-cars, qui relient entre eux plusieurs quartiers de la ville. Il y a également les "woro woro", ces taxis collectifs, reconnaissables à leur couleur rouge orangé, qui roulent sur des lignes fixes au prix forfaitaire, aussi bien à l'intérieur des communes qu'entre les communes.

Après une courte escale à Assinie Mafla (en langue agni : où vas-tu me voir, je suis caché), une petite ville balnéaire à 80 km d'Abidjan, les journalistes mettent le cap sur le Centre de conditionnement d'ananas de la Coopérative fruitière de la Comoé, à Samo, 75 km à l'est d'Abidjan. Séance de dégustation et des cartons d'ananas emportés comme présent.

Après Samo, c'est la ville de Grand-Bassam, première capitale de la Côte d'Ivoire de 1827 à 1900, qui accueille les journalistes. Tour des bâtiments coloniaux, construits de 1893 à 1911, dont certains sont habités, des ateliers artisanaux traditionnels C'est un véritable musée à ciel ouvert, chargé d'histoires et de souvenirs qui forment un passé glorieux, valorisé par son inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Une capitale politique en chantier
À 263 km au nord d'Abidjan, c'est Yamoussoukro, devenue capitale administrative et politique de la Côte d'Ivoire en mars 1983, après Grand-Bassam (1893-1900), Bingerville (1900-1933) et Abidjan.

Il faut 4 heures de voiture, sous bonne escorte, pour y arriver, la route, assez déserte, étant en mauvais état. D'autant plus qu'elle est parsemée de barrages de contrôle. Sécurité oblige. De temps en temps, on croise des convois des forces onusiennes de maintien de la paix venant d'en face, des casemates filent sur les 2 côtés de la route. Escortée par la police diplomatique (forces de la police nationale, chargées de la protection), notre convoi passe vite les barrages en se faufilant à travers les chicanes.

Un des plus grands lieux de culte chrétien, la basilique Notre-Dame de la Paix, dotée de 8.000 m2 de vitraux, le barrage de Kossou, diverses écoles de l'Institut national polytechnique, des quartiers commerciaux animés, un aéroport international capable d'accueillir le Concorde. Des rues très larges dotées d'éclairage public, même dans les parties non encore habitées.

La ville est un grand chantier, le président ivoirien Laurent Gbagbo ayant décidé de rendre effectif le projet de faire de Yamoussoukro la capitale politique. Un plan d'aménagement global et ambitieux est présenté aux visiteurs : de grands quartiers résidentiels, d'importantes infrastructures routières, des hôtels somptueux, les futurs sièges du Parlement (Chambre basse et Sénat), le futur Palais présidentiel. Les travaux sont en cours.

À la rencontre des ex-rebelles
La véritable découverte, c'est Bouaké, appelée communément capitale du Centre, à 365 km au nord d'Abidjan. Une petite pose à mi-chemin, à Kondé- Yakoro, pour que les voyageurs se soulagent, se nourrissent et se rafraîchissent. Visite des tisserands, prestations culturelles avec le masque Goly qui séduit les visiteurs étrangers, dégustation de boissons locales. Puis on repart. La route asphaltée serpente entre les collines, monte, descend, toujours engloutie dans des broussailles à hauteur d'homme. Des palmeraies et des cocoteraies se succèdent. De temps à autre des villages, des femmes portant sur leur tête des paniers de manioc, pains, fruits Typiquement africain.

Du 19 septembre 2002 au 30 juillet 2007, date de la réunification de la Côte d'Ivoire, et de la tentative de coup d'État avorté, Bouaké est devenue le bastion des Forces nouvelles qui occupent la moitié Nord du pays. Le dernier barrage de la police gouvernementale franchi, la police d'escorte s'arrête à une demi-heure de route de Bouaké. Pour une raison que chacun est libre de s'imaginer. Nous continuons la route. Seuls. Encore des barrages et des barrages des ex-rebelles. Enfin, nous nous trouvons dans le siège de l'ex-rébellion. Aucune impression d'insécurité malgré la présence massive de militaires, policiers. Accueil chaleureux par le ministre du Tourisme et de l'Artisanat, Sodiki Konaté, porte-parole des Forces nouvelles. Le responsable s'est déclaré "très heureux et honoré de recevoir à Bouaké tout le gratin de la presse internationale de l'espace francophone". Cela constitue un "fort signal dans le processus de sortie de crise" en Côte d'Ivoire, a-t-il relevé.

Les ex-rebelles ont pris les armes en 2002. Après les différents accords, la guerre repart de plus belle. Un programme de sortie de crise inter-ivoirienne en 5 points, proposé par le président Gbagbo, en a fait sauter le verrou. Gouvernement et rebelles renouent le dialogue direct, accoucheur de paix, et enterrent définitivement la hache de guerre. Le mur de la méfiance s'écroule depuis. Le secrétaire général des rebelles, Guillaume Soro, devient Premier ministre. Des responsables des Forces nouvelles entrent dans le gouvernement. Les forces de défense et de sécurité fusionnent pour n'en former qu'une seule. Une solution entièrement africaine à la crise ivoirienne, mettant fin à une "frontière intérieure consacrant la partition du pays en deux" selon les termes du président ivoirien Gbagbo. Il a demandé de supprimer la zone de confiance ou zone tampon instaurée par les forces internationales, allant d'Est en Ouest du pays, laquelle pose "plus de problèmes qu'elle n'apporte de solutions" et constitue "un obstacle à la libre circulation des personnes et des biens" et "au retour des déplacés".

Les médias en développement
Bouaké est toujours un véritable carrefour commercial, une étape incontournable du chemin de fer (Abidjan-Ouagadougou) et de la route internationale menant au Burkina Faso et au Mali. Avec ses 1,2 million d'habitants, c'est la troisième ville du pays, après Abidjan et Yamoussoukro, 2 districts autonomes créés en 2000. Elle est connue pour son carnaval, son marché de gros et ses industries (tabac, textile, sacs de jute).

Les médias sont perçus par les autorités ivoiriennes comme un puissant instrument d'unité nationale et de développement économique. Avec des moyens d'information modernes : journaux, radio, télévision, agences de presse, etc., la Côte d'Ivoire est l'un des pays d'Afrique les mieux équipés en ce domaine. La langue des médias écrit est le français, mais il existe 2 magazines satiriques (Y a fohi et Gbich!) qui sont écrits en nouchi, la variété locale du français ivoirien.

Dans les médias électroniques, une quinzaine de langues ivoiriennes sur une soixantaine sont utilisées à la radio, à raison de 2 périodes d'information de 20 minutes par semaine et par langue. La télévision diffuse seulement en français, sauf dans le cas des informations régionales quotidiennes, qui sont présentées en une douzaine de langues. La Radio-Télévision ivoirienne (RTI) adopte, depuis plusieurs années, des programmes d'information radio et télévisés en langues nationales auxquelles s'ajoute le moré, langue des Mossi, dont une communauté de 3 millions de personnes vit en Côte d'Ivoire. Présentement, la TRI consacre 15 minutes par semaine à chacune d'un ensemble de 23 langues ivoiriennes.

Le 4e pays francophone du monde
Le français est la langue officielle en Côte d'Ivoire. Les principales langues africaines sont le baoulé et l'agni au Sud, le malinké et le senoufo au Nord ; le dioula est largement utilisé dans les rapports marchands.

À l'exception de 2 projets d'introduction des langues ivoiriennes dans l'enseignement primaire, dans 11 écoles du pays, toutes les écoles ivoiriennes fonctionnent uniquement en français. De toute évidence, les dirigeants politiques semblent avoir la ferme intention de faire du français le véhicule national par excellence de la Côte d'Ivoire. Les moyens mis en oeuvre, notamment dans les domaines de l'enseignement et des médias, ne laissent aucun doute à ce sujet.

À tous les niveaux d'enseignement, c'est l'usage exclusif du français qui prévaut. Au primaire, les élèves doivent obligatoirement parler fran-çais sous peine d'amende, même pendant les périodes de récréation. Au terme de leurs 6 années d'études primaires, les enfants ivoiriens auraient une maîtrise suffisante du français pour pouvoir exprimer leurs idées sans trop de difficultés. Au secondaire, on introduit l'anglais comme langue seconde obligatoire; en deuxième cycle, les élèves doivent apprendre une autre langue étrangère au choix : l'espagnol ou l'allemand. De plus, l'État met en application, depuis 1971, un ambitieux programme de télévision éducative destinée aux élèves du primaire et du secondaire. L'expérience de la télévision éducative semble jusqu'ici très concluante en ce qui concerne la maîtrise du français : les leçons de français sont encore plus efficaces qu'avec les méthodes traditionnelles.

Si le maintien du français en Côte d'Ivoire ne semble pas être vraiment remis en question, la politique actuelle de non-intervention à l'égard des langues ivoiriennes a fait néanmoins l'objet de contestations. On a déploré, dans certains milieux intellectuels, le sort peu enviable réservé aux langues nationales. On peut donc s'attendre à une revalorisation des langues ivoiriennes dans un proche avenir. On ne pourra plus les ignorer, même si 40% de la population est déjà francisée, ce qui fait de la Côte d'Ivoire le 4e pays francophone du monde.

Huong Ly/CVN

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