Douce Côte d'Ivoire, cher pays des gogos et des escrocs de tout poil, cher pays béni de Dieu, seconde patrie du Christ. Que ne te fera-t-on pas avaler ?
Hier c'était une magnifique société du nom de Magnificat SA qui promettait de construire des centaines de milliers de logements en un temps record, des casernes militaires, des amphithéâtres, des résidences qui transformeraient nos bidonvilles en de riantes cités à faire pâlir de jalousie tous les riches qui vivent dans des quartiers bourgeois et très chers, des usines qui devaient embaucher des centaines de milliers de personnes du côté de Moossou, chez la première dame. Devant tant de promesses mirifiques, notre Assemblée nationale dirigée par le très compétent et brillant économiste Mamadou Koulibaly n'avait pas hésité à accorder à cette magnifique société des exemptions d'impôts, de droits de douanes et pleins d'autres avantages. Vous vous en souvenez ? C'est M. Fologo, notre vaillant président du Conseil économique et social, le " père du sursaut national " qui s'était chargé de nous vendre ce rêve magnifique qui était piloté par un certain Dambiré. Fologo nous disait, au retour d'une mission en Italie, qu'il avait vu les investisseurs, les contrats et tout, et que ce devait être le second miracle ivoirien, celui du président Gbagbo, qui allait nous projeter dans l'ère industrielle. Ca devait s'appeler, si ma mémoire est bonne, " The future of Africa ". Qui en a encore entendu parler ? C'était en 2005 et c'était une affaire qui devait commencer dans les mois qui suivaient. Si les Ivoiriens étaient des gens responsables, ils auraient demandé des explications à M. Fologo. Il est quand même le président de notre Conseil économique et social. Et a priori, il est un homme sérieux. M. Fologo, où en est ce magnifique projet que vous nous avez présenté et qui nous a tant fait rêver ? C'est vous que quelqu'un a pris pour un idiot ou est-ce nous que vous avez pris pour des poires ? Messieurs et mesdames les députés, vous qui avez voté les exemptions de droits de douane, rendez-nous compte de l'avancement de ce projet. C'est votre devoir de nous en rendre compte et c'est notre droit de le savoir. Vous êtes nos élus.
Vous vous souvenez aussi qu'on nous avait également présenté un projet d'usine aux Etats-Unis, qui devait traiter notre cacao et rendre très riches nos paysans ? Beaucoup de nos frères avaient rêvé pouvoir obtenir des visas américains pour aller travailler dans notre usine des Etats Unis. Qu'est-elle devenue ? Il paraît qu'au moins cent milliards de nos francs ont disparu dans cette affaire et jusqu'à présent, non seulement la fameuse usine n'a embauché personne, en plus elle n'a pas produit le moindre carré de chocolat. Le chef de l'Etat a demandé au procureur d'enquêter dessus. Monsieur le procureur, où en êtes-vous ? C'est notre droit de savoir où en est cette enquête. Il s'agit quand même de l'argent de nos parents !
On nous avait aussi parlé de la zone franche des nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui devait s'ouvrir, toujours à Moossou, chez la première dame, d'une entreprise indienne qui nous livre déjà des bus et qui devait investir beaucoup de milliards de dollars dans des mines de fer au mont Nimba. Ah que c'est beau de rêver !
Mais comme nous sommes de grands naïfs à qui on peut tout faire avaler, surtout lorsqu'on dit que les élections sont proches, voici qu'on nous présente un autre projet encore plus mirifique que les précédents. Il s'agit de construire, d'abord, une usine pétrochimique à San Pedro d'un coût de 500 milliards de nos francs, qui produira 100 mille barils par jours (de quoi ? L'article de Fraternité Matin où j'ai pêché l'info ne le précise pas. Je suppose que c'est du pétrole raffiné ou traité. Mais signalons que notre production de pétrole est de 50 000 barils par jour selon notre chef bien aimé. Ce n'est pas grave. On peut faire venir du pétrole d'ailleurs.) Et cette belle usine qui sera construite sur 200 hectares emploiera 20 000 personnes. Nos jeunes patriotes si brillants savent maintenant où se caser. Ils vont peut-être nous laisser les autres boulots comme policiers, gendarmes, douaniers ou agents du trésor.
Je suppose que cette usine sera une raffinerie. Il n'y a pas longtemps, on avait posé la première pierre d'une nouvelle raffinerie. Cela nous en fera donc trois. Bravo Monsieur le président et merci pour toutes ces raffineries. Si vous avez bonne mémoire, dans la foulée de la pose de la première pierre de cette seconde raffinerie, notre chef bien aimé nous avait promis un quatrième pont. Rappelons à toute fin utile qu'on n'a pas posé la première pierre du troisième pont. Et le premier pont est dans un tel mauvais état qu'on risque de le fermer bientôt pour pouvoir le réparer. Mais ce n'est pas grave. L'essentiel est de promettre. Et qu'il y ait des idiots pour y croire. Mais on ne s'arrête pas en si bon chemin. Cette belle usine de San Pedro produira aussi du biodiesel (je ne sais pas ce que c'est, mais ce n'est pas important. L'important est de vous faire rêver), fera l'exploration, l'extraction et la production de trois blocs pétroliers. Et puis on construira aussi cent (oui, cent) usines de production d'énergie alternative à partir de vent marin. C'est quelle énergie ça ? Ce n'est pas grave si vous ne savez pas. L'important est que vous avaliez tout ce qu'on vous dit. Le tout pour mille milliards de francs CFA. On en est déjà à 1500 milliards de francs. Pratiquement le budget de notre pays. On nous précise que tout cela sera très soucieux de la protection de notre environnement. Merci chef. En matière d'écologie, on sera bientôt imbattable et on embauchera le ministre français Jean Louis Borloo pour lui expliquer ce que c'est que l'économie d'énergie. Mais ce n'est pas tout, braves gens. Puisqu'il s'agit de vous prendre pour des gogos, on ne va pas s'arrêter en si bon chemin. Normalement, les élections, c'est dans six mois. Donc, on va aussi construire une usine de désalinisation de l'eau de mer, et des pipelines pour transporter cette eau de mer sans sel vers le nord du pays et les pays environnants. Le nord de notre pays a quel problème d'eau pour qu'on achemine de l'eau de mer jusque là-bas ? Ce n'est pas grave. L'important est que vous croyiez que des investisseurs internationaux font confiance en M. Gbagbo qui est le très grand président que tout le monde connaît, et sont prêts à investir beaucoup de milliards chez nous. Sinon, normalement, notre pays est traversé du nord au sud par beaucoup de grands fleuves, et notre problème est plutôt la construction de canaux d'irrigation et des châteaux d'eau pour mieux utiliser cette eau qui se trouve dans nos fleuves au profit de nos populations et de notre agriculture. Jusqu'à nouvel ordre, ce sont les pays qui sont dans le désert, comme la Libye, les Emirats arabes ou l'Arabie saoudite qui ont besoin de traiter l'eau de mer pour pouvoir la boire. Attendez, car ce n'est pas tout. M. Gbagbo est plus grand que vous ne le croyez. Ces mêmes investisseurs vont aussi créer une flotte aérienne internationale, incluant un réseau de jets privés. Pour transporter qui, et d'où à où ? Peut-être Gbagbo et Soro, de Mama à Ferkéssédougou. Voici donc ce que nous promettent de grands investisseurs internationaux venus de très loin dans notre beau pays coupé en deux, où la corruption a atteint des niveaux jamais égalés, où personne ne croit en la justice, ni en la police, mais qui a quand même un très grand président qui est un vrai génie quand il s'agit d'attirer les escrocs. Si après cela vous ne votez pas pour lui en juin prochain, c'est que vous êtes des ingrats. En lisant de telle informations on finit par se demander si ce sont nos chefs que certains prennent pour des idiots, ou si c'est nous que nos chefs prennent pour des pigeons.
Venance Konan.
Email :venancekonan@yahoo.froui