mardi 15 janvier 2008 par Nord-Sud

Commandant-adjoint du centre d'information du GPP situé à Yopougon-Sable, Gobé Douan Adèle a accepté de nous expliquer comment elle arrive à diriger les miliciens placés sous son autorité.

?Comment s'est faite votre intégration dans le Gpp ?

De façon naturelle j'avais un faible pour l'armée. Vu qu'il y avait une opportunité à saisir et que défendre la patrie était une cause noble, je me suis engagée. Cela fait aujourd'hui 5 ans que je suis dans le mouvement.

?Avez-vous combattu durant la guerre ?

Bien sûr. J'étais au front à Bangolo ensuite nous avons progressé jusqu'à Fengolo. Avec l'accalmie, j'ai regagné la base arrière comme tout le monde. Aujourd'hui je suis membre du premier Rpc (Régiment para commando) du GPP.

?Commandant-adjoint du camp, comment faites -vous pour imposer vos ordres aux hommes ?

Le respect, il faut le savoir, est mutuel. La discipline est de rigueur dans notre camp. Quiconque a accepté de défendre la République à nos cotés est obligé de se soumettre aux ordres. Dès l'instant où l'ordre est donné par la hiérarchie, le sexe de la personne qui la donne importe peu. Tout le monde se soumet. Je suis respectée ici.

?Comment arrivez-vous à vous imposer dans ce milieu qui n'est pas celui des enfants de ch?ur ?

Une femme à la tête d'un pareil mouvement, cela impose le respect. Etant moi-même une mère, j'arrive à gérer les humeurs et à avoir une oreille attentive aux problème des éléments.

?Comment conciliez-vous cette activité militaire et votre vie de mère ?

Mon fils a 14 ans. Son père vit en Europe. De temps à autre, il me faisait parvenir de l'argent. Mais quand il a appris que j'étais membre de ce mouvement, il a coupé la ration alimentaire. Aujourd'hui, je me défends seule. Je fais ce que je peux pour subvenir à mes besoins et à ceux de mon fils. Hormis mon ex-copain, dans ma famille, il y a des mécontents mais je n'en fais pas une affaire grave. Il y a certains membres de la famille qui me supportent ; mais d'autres n'acceptent pas, jusqu'à ce jour que me je sois engagée dans cette affaire. Tout compte fait, j'ai opéré un choix et je l'assume pleinement. Ce qui importe aujourd'hui pour moi, c'est mon avenir.

?Comment vivez-vous concrètement?

J'ai quitté la maison familiale depuis près de cinq ans. Ma mère est décédée dans la guerre. C'est ce qui m'a motivée à intégrer le métier des armes. Avant la guerre, j'étais commerçante d'huile de palme. J'achetais l'huile à Man et je la revendais à Abidjan. Aujourd'hui, j'ai abandonné ce boulot. Donc je vis maintenant avec mes frères d'armes dans le camp. Nous attendons que le service civique soit lancé.

?Quelles sont vos attentes pour le service civique ?

Mon souhait actuel, c'est de rester dans le métier des armes, intégrer la nouvelle armée.

?Et si on vous donnait des moyens financiers pour continuer votre ancienne activité qui est le commerce ?

Le commerce ne m'arrange plus. Cette activité ne m'attire plus depuis que j'ai découvert le métier des armes qui me passionne énormément. Intérieurement, mon v?u le plus cher est d'être militaire. A travers mon oncle qui était militaire, depuis le bas âge, j'ai aimé ce corps. Toute petite j'avais choisi la justice et l'armée. Finalement, l'armée s'est imposée?

?Quel est votre niveau d'étude ?

J'ai atteint le niveau de la classe de troisième mais je n'ai pas été admise au Bepc.

?Comment parvenez-vous à vivre dans ce camp du GPP sans eau, ni électricité ?

Cela démontre notre sens du sacrifice. Nous vivons de cette façon, dans le dénuement total, depuis plusieurs années. Nous avons tous espoir qu'un jour, ce traitement de misère pendra fin pour le bonheur de tous les éléments. De temps à autre, nous allons pleurnicher devant les autorités qui nous aident à nourrir nos hommes. Le jour où il y a de la nourriture, on se restaure quand il n'y a rien, on dort le ventre creux. Concernant le ??vap'' (Ndlr : la nourriture dans le jargon milicien), c'est très difficile. En attendant le service civique qui arrive il faut que les autorités nous aident à nous nourrir convenablement. Souvent nous nous demandons, au camp du Sable, si l'autorité sait même que nous existons. Les conditions de vie sont impitoyables.

?Combien de repas prenez-vous par jour ?

Est-ce que nous mangeons même ? C'est de cette façon qu'il faut poser la question. Pour ne pas mourir de faim, j'envoie souvent mes éléments aider les maçons en vue de gagner quelques sous pour le ??vap''. J'ai installé quelques cabines téléphoniques. Les retombées servent à la nourriture. Mais nous savons qu'il y a des gens qui vont prendre de l'argent chez les autorités en notre nom. Il faut qu'elles soient vigilantes pour éviter les imposteurs qui n'ont plus aucun lien avec le mouvement. La réalité se trouve dans les camps. Nos vrais chefs ce sont les Yoko Yoko, Jimmy Willy, commandant Chang et autres. Aucun d'eux, n'a une voiture.

?D'aucuns estiment que quand il n'y a pas de nourriture vous vous adonnez aux braquages.

Braquage ? C'est trop fort. Nous allons souvent dans les marchés pour quémander de l'aide quand ça ne va pas du tout. Depuis que je suis dans le commandement de ce mouvement, je n'ai pas encore été confrontée à un cas direct de braquage d'un de mes éléments. On ne m'a pas encore saisie.

?Pourquoi ne regagnez-vous pas vos domiciles pour vivre convenablement en attendant le lancement du service civique ?

Nous avons des domiciles que nous pouvons rejoindre. Mais en étant dispersés, on ne sait pas quand viendra le douahou . C'est-à-dire le bonheur que doit procurer le service civique. De crainte d'être oubliés, nous préférons vivre de cette façon et attendre qu'on vienne nous délivrer.

Interview réalisée par Traoré M. Ahmed

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