dimanche 10 février 2008 par Le Repère

Contrairement à ce qu'il affiche partout, le Front populaire Ivoirien (FPI), parti de Laurent Gbagbo, au pouvoir, n'a pas du tout la santé. Il est malade. Très malade. Il souffre de la maladie du pouvoir qui use. Il a pris la grosse tête et chacun de ses hommes veut en faire à sa tête. A quelques mois des élections ( ?) ce n'est pas la rose dans la vie de ce parti minoritaire qui a pris le pouvoir par la force des choses. La guerre interne déchire le tissu FPI dans les régions où il a le plus d'élus.

Si à la tête du parti et de l'Etat (les deux ne font qu'un), l'heure est à la fête, la crise menace d'imploser la base. Dans plusieurs départements, le parti de Gbagbo est en pleine guerre des tranchées qui fera des victimes de taille. Des directeurs départementaux de campagne sont contestés, des élus sont vomis, des clans se livrent une bataille sans merci, des militants se guettent.

Toulépleu. La cohésion est le dernier des soucis des militants du parti au pouvoir. Il y a actuellement sur le terrain trois tendances qui ne sont pas prêts de se faire de cadeau. La guéguerre a commencé seulement quelques mois après l'élection de Gbagbo à la magistrature suprême dans des conditions calamiteuses. Aux législatives déjà, les militants n'ont pu s'entendre sur la désignation du candidat du FPI. Certes, Gbon Guy Bernard l'a emportée, mais son élection ne donne pas la satisfaction à tous. Aux municipales, le maire Yro Philippe Benoît aura à affronter son premier adjoint Gnonsian qui revendiquait aussi l'étendard du FPI. Yro l'emporte, mais cette élection creuse à jamais un fossé entre deux tendances. La crise connaîtra son paroxysme quand arrive l'élection départementale pour la désignation du président du Conseil général. Kahiba Béhé Félix est désigné par la direction du FPI, comme le candidat du parti. En face, Yro Philippe se présente en indépendant, arguant sa popularité sur le terrain. D'ailleurs, dans les villages et hameaux de Toulépleu, Béhé Félix est présenté comme le candidat d'Affi N'guessan, qui l'a désigné sans la moindre connaissance du terrain. Yro l'emporte et confirme qu'il n'y a que lui et les siens qui font véritablement l'affaire du FPI. Dans la guerre de positionnement, le fédéral FPI de Toulépleu, Doh Jacques avait même été débarqué. Il n'a dû son retour qu'à la médiation commanditée depuis le sommet du parti et de l'Etat. Mais les passions sont loin de s'estomper. Mieux, une troisième tendance, celle de Pol Dokoui, surnommé Tomplou, bouscule les pré carrés. A l'avènement de la guerre, Dokoui multiplie voyages et assistances à la base, au point où il a rallié nombre de militants des deux blocs initiaux. De fait, Dokoui et son camp deviennent des hommes à abattre. La guerre à trois têtes depuis fait rage et aucune tendance ne reconnaît la popularité de l'autre. Chacune se dit prête à aller se faire entendre à la base le moment venu. Pour la présidentielle à venir, la désignation du directeur départemental de campagne de Gbagbo est donc contestée de part et d'autre. Pour les législatives, le FPI ira en rangs dispersés avec déjà 4 candidats déclarés ou supposés. Pour la municipale, ce sont quelque 8 listes qui se préparent pour le compte du seul FPI. La création de plusieurs communes rurales n'y changera certainement rien. Le Conseil général reste de loin l'enjeu des rudes empoignades à venir.
Issia. Les ministres Bohoun Bouabré et Tagro Désiré ne sont certes pas en guerre, mais la réalité sur le terrain FPI n'est pas à la sérénité entre les deux têtes fortes du parti de Gbagbo. Comme il n'y a pas deux capitaines dans un bateau, à Issia, chacun fait feu de tous bois pour avoir les cartes en main. Mais, les deux ministres ne veulent pas le laisser savoir. "Pour ceux qui ne nous connaissent pas, je le dis maintenant, personne et rien d'autre ne peut opposer Désiré Tagro et moi. Nous n'avons pas le droit de décevoir toutes les populations de Saïoua et d'Issia. Nous ne sommes pas naïfs. Les gens trouvent leur bonheur dans l'exploitation des petits mots et la petite virgule de trop pour allumer le feu. Ce feu-là, il ne s'allumera jamais. Que les pêcheurs en eaux troubles restent tranquilles ; cette eau ne sera jamais troublée. S'il y a des problèmes entre Désiré Tagro et moi, nous sommes assez intelligents pour les régler ". C'est en ces mots que Bouhoun Bouabré a voulu lever l'équivoque et faire tomber les inquiétudes des uns et des autres. C'était le samedi dernier, à Gabia. On l'aura compris. Mais nul n'est dupe. Le ver est également dans le fruit FPI à Issia. C'est ce que le ministre du Plan et du Développement appelle "des petits mots et la petite virgule de trop". Il y a problème de leadership entre les deux barons. Du temps où Tagro n'était pas ministre, il passait presqu'inaperçu, mais ne voulait pas moins être un guide. Quand il a été nommé ministre, puis conseiller du Chef de l'Etat, puis à nouveau ministre, des voix se sont élevées dans des quartiers et Villages d'Issia, pour le brandir comme l'homme qu'il faut pour réveiller le FPI à Issia. Or, on ne réveille pas ce qui ne dort pas. Si le FPI dort, jusque-là à Issia, c'est donc la faute à Bohoun Bouabré qui était la figure de proue depuis. Ironie du sort, les deux ministres sont au coude à coude quand la nouvelle de l'échec de Bohoun Bouabré à la BCEAO est tombée. Du coup, son image prend une couche de peinture noire que le clan de Tagro exploite à merveille. Le Directeur de Campagne de Gbagbo à Issia est, de fait, en mauvaise posture, quand Tagro se met dans la peau de l'intrépide rassembleur. Bouabré a fait de la politique, mais la réalité est que les deux camps ne sont pas sur la même longueur d'ondes. La récente tournée triomphale de Djédjé Mady du PDCI-RDA n'est pas pour arranger les choses.
Dabou. La guerre est ouverte entre le directeur de Campagne de Gbagbo, Paul Wood et Serge Agnero, un bouillant militant qui n'a pas hésité à créer un courant au FPI. Voici ce que, sous la plume du confrère Fabrice Tété, un journaliste du FPI écrit : " Le jeudi 17 janvier dernier, l'Union des socialistes FPI (Us-FPI) de Serge Agnéro a démis M. Paul Wood Agnéro de ses fonctions de directeur départemental de campagne du candidat Laurent Gbagbo à Dabou. Il est reproché au DDC de Dabou son absence sur le terrain et son incompétence. Cette énième sortie de Serge Agnéro contre le DDC est motivée par le silence qu'observe la direction du parti au pouvoir ", soutient M. Paul Wood Agnéro, DDC de Laurent Gbagbo. " Le DDC de Dabou s'interroge sur le mutisme observé par la direction du parti sur les actes séditieux et de rébellion posés par cette secte dangereuse?. Malgré les incessants défis à l'autorité de l'Us-FPI, les dirigeants donnent l'impression, par leur silence passif et inquiétant d'être complices de l'auto-flagellation du parti, pensant à tort qu'il s'agit d'une lutte de positionnement à Dabou. Il n'y aurait plus de règles, de repères et d'éthique politique au FPI ? Le risque est trop grand de laisser chacun faire ce qu'il veut dans un parti politique au nom d'un idéal démocratique ", dénonce Paul Wood. Qui a animé une conférence de presse à Orbaff le samedi dernier afin de faire la lumière sur cette affaire. Mais la question qui revient sur toutes les lèvres, est de savoir si son détracteur a compétence de démettre un DDC nommé par le président de son parti comme tous les autres ? Non, répond M. Niangoran Florentin, délégué à l'évaluation et à l'encadrement des fédérations Lagune 2. Au nom de la direction du FPI qu'il a représentée, il précise que : " Paul Wood n'est pas destitué, il demeure toujours le DDC du candidat Laurent Gbagbo. Nous ne sommes pas muets par rapport à ce qui se passe à Dabou. Il va falloir prendre des décisions. D'ici le mardi, le président du FPI et le comité de contrôle vont réagir pour régler ce problème. Je tiens à dire à Paul Wood que le parti le soutient ", révèle M. Niangoran. Qui souligne par ailleurs que l'Us-FPI de Serge Agnéro n'est pas un courant du parti d'Affi N'Guessan. Pour sa part, le Pr Gnagne Maurice, directeur de la communication et de la stratégie électorale à la DDC, a soutenu que ce qui arrive à Dabou est dû au manque de formation politique et idéologique au sein de leur parti. Il revient à la direction du FPI de faire respecter ses textes et décisions, conseille-t-il. La DDC a parcouru tous les villages, sans tambour, ni trompette, a souvent répété Paul Wood Agnéro. Depuis 2005 jusqu'à aujourd'hui, les directeurs communaux et locaux de campagne continuent d'être installés. Plus de 1500 personnes font partie de comités chargés de sensibiliser les populations des quartiers et villages. Toute la stratégie électorale et post-électorale est déjà définie, indique le DDC. Le 16 février prochain, il est prévu une importante rencontre avec tous les chefs du Leboutou afin de peaufiner la stratégie de recrutement de militants et de sympathisants. La deuxième phase de la campagne concerne la supervision des audiences foraines, l'investiture des équipes de campagne installées dans les villages, la régularisation administrative des électeurs potentiels, l'opération d'inscription des électeurs sur les listings électoraux et l'accélération de la campagne de proximité dans les quartiers et villages. "Sans tambour, ni trompette, nous travaillons efficacement pour le parti. Parce que la campagne électorale, ce n'est pas du folklore, c'est un travail minutieux et intellectuel", indique Paul Wood Agnéro. Le DDC a par ailleurs précisé que toutes les tentatives de réconciliation ont été vaines par la faute de son détracteur qui a toujours fait preuve de mauvaise foi. Aussi, le DDC accuse particulièrement le président du conseil général de Dabou, M. Esso Adou, de s'être mal pris pour concilier les positions. " Le comité de contrôle du parti doit venir évaluer nos actions sur le terrain en vue de se faire une idée du travail de fourmis que la DDC abat ", invite Paul Wood. Sans commentaire. Sauf que loin d'avoir réglé le problème, l'attitude de la direction envenime les choses. Dans ce cas, le clash est inévitable.

Eddy PEHE

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