jeudi 14 février 2008 par Le Nouveau Réveil

Le Christ de Mama se rendit donc à la SIR que préside son oncle à ce qu'il paraît, et dit : " En vérité, en vérité je vous le dis. Quiconque se met en grève en temps de guerre est un criminel. " Et ses apôtres et disciples applaudirent. Ainsi donc, au pays du Christ de Mama, tout travailleur qui s'estime mal payé, qui souhaite travailler dans des conditions un peu décentes n'a plus qu'à la boucler. Sinon le Christ de Mama se fâchera. Tous les travailleurs de Côte d'Ivoire n'avaient qu'à être tous présidents de la république, ministres, députés, conseillers économiques et sociaux, jeunes patriotes ou simplement membres du clan. Eux, peuvent voir leurs salaires et revenus augmenter comme ils veulent. Surtout sans travailler. Depuis l'arrivée du premier ministre Banny, lorsque le GTI avait dit que le mandat des députés n'avaient pas à être prorogé, ce qui avait soulevé l'ire de Blé Goudé et autres jeunes patriotes, quelqu'un peut-il nous dire ce que nos députés ont fait comme travail? Cette année ils n'ont même pas voté le budget. Il n'empêche qu'ils se sont voté une augmentation plus que substantielle de leurs indemnités et autres avantages. Leurs complices du Conseil économique et social ont tout simplement fait passer leurs indemnités du simple au double. Quelqu'un peut-il nous dire ce que fait précisément un conseiller économique et social dans ce pays ? Ce n'est pas grave si vous ne le savez pas. Nous sommes sous le socialisme du Christ de Mama, dans lequel ceux qui en ont beaucoup doivent en avoir davantage, surtout s'ils ne créent aucune richesse, et ceux qui n'en ont pas doivent se contenter de ce qu'ils n'ont pas. Et c'est ainsi que sur ordre du Christ de Mama, le disciple Gon Coulibaly publia une épître indiquant que le très incompétent Tapé Doh et ses tout aussi incompétents comparses devaient rester toujours à la tête de la très juteuse filière du cacao. Les paysans qui croupissent dans la misère au fin fond des forêts n'avaient qu'à être présidents des structures de la filière. Il n'empêche cependant que Laurent Dona-Fologo, l'un des premiers apôtres du Christ de Mama a déclaré récemment lors d'un passage à Fraternité-matin : " J'ai toujours été contre certaines privatisations dont nous voyons aujourd'hui les conséquences. Comme cette confusion dans le secteur du café et du cacao alors que la Caisse de stabilisation permettait de défendre au contraire les paysans de café-cacao. Lorsqu'une structure va mal, il faut en changer les acteurs et non la détruire, ni même nécessairement la réformer. C'est ce courage qui a manqué. Et on a livré nos paysans au désordre que vous savez. " Attention, Laurent, si tu continues comme ça, tu risques l'excommunication. Tu avais déjà dit une fois qu'il y avait trop de pauvreté et de corruption dans le pays du Christ de Mama. A propos de corruption, l'ordre des avocats est allé rendre visite à l'apôtre Mamadou Koulibaly, qui serait lui aussi en voie d'excommunication pour lui dire ceci : " Tout le monde est d'accord pour dire que la justice est dans un état déplorable, dans ses agissements, dans ses infrastructures et dans son fonctionnementQuand vous regardez, aujourd'hui, les affaires qui secouent la république, vous voyez bien qu'on a recours à la justice, et quand certaines affaires se trouvent au niveau de la justice, plutôt que d'apaiser les consciences, bien au contraire, elles inquiètent, cela veut dire qu'il y a un déficit de confiance vis-à-vis de la justice. " C'est ce qu'a dit le bâtonnier Claude Maintenon. Toutes ces périphrases pour dire que la justice du Christ de Mama est pourrie jusqu'à la moelle et qu'aucun Ivoirien sensé ne compte sur elle pour sanctionner les auteurs des gros scandales qui ont secoué récemment notre république cacaoyère. Attention, Claude, tu connais le procureur Tchimou. Il est très sourcilleux sur cette question. Il a déjà envoyé le jeune Assalé Tiémoko Antoine, dont tu fus d'ailleurs le brillant avocat croupir en prison pour un an pour avoir dit à peu près la même chose.
Il y a quelques jours, un incendie a failli ravager la maison de la télévision. Honnêtement, vu ce qu'elle nous sert, cela n'aurait pas été une grande perte. Mais le généreux Christ de Mama a promis de construire une nouvelle maison de la télévision. Rappelons qu'il a déjà promis de construire un quatrième pont, sans passer par le troisième, deux nouvelles raffineries, trouvé des investisseurs pour transformer l'eau de mer en eau potable qui sera acheminée par pipeline jusqu'au nord, promis des routes et je ne sais plus combien d'écoles dans ce même nord. On le sait, les promesses de notre Christ n'engagent que ceux qui y croient. Souvenez-vous. A la suite de l'une des nombreuses grèves des enseignants, il avait promis de faire une réforme de l'éducation. Qui en a entendu parler encore ?
Pour ce qui est du désarmement, l'apôtre Amani N'guessan a dit l'autre jour qu'il y a des difficultés et qu'il ne faut donc pas avancer des dates. Pour ceux qui ont de la mémoire, ce désarmement avait été annoncé avec beaucoup de bruit pour le 22 décembre dernier. Eh bien, l'apôtre Amani dit qu'il ne faut pas faire de fétichisme de date. Les rebelles avaient bien dit qu'ils ne désarmeront pas avant les élections. Qu'est-ce que vous n'avez pas compris ? Et cela ne semble pas trop déranger le Christ de Mama. Et pourquoi cela devrait-il d'ailleurs le déranger ? Soro n'est-il pas devenu un de ses plus fidèles apôtres et Wattao, un héros national ? Madame Diakité, une amie lectrice qui m'a appelé il y a quelques jours a été très choquée par ce qu'elle a vue récemment à Bouaké. D'abord il faut payer entre cinq et quinze mille francs, selon votre talent à négocier, pour pouvoir entrer à Bouaké (il faut bien que Wattao et Siriki Konaté aient de quoi entretenir leurs parcs automobiles et faire la fête), mais surtout, elle a vu un jeune homme, bien bâti, qui devait avoir 25 ans, qui vendait des mouchoirs et autres babioles se précipiter sur les restes de son repas dans un maquis. J'ai été moi aussi récemment à Bouaké et le nombre de mendiants, de tous âges et de tous sexes que l'on y rencontre est impressionnant. Mais le Christ de Mama l'a dit : il ne peut pas suivre deux écureuils en même temps. Tant pis donc pour ce jeune homme. Il n'avait qu'à être rebelle. Ainsi il aurait pu avoir une chance d'être ministre ou directeur de quelque chose et ne pas faire partie des 70% d'ivoiriens qui ne font qu'un seul repas par jour.
Terminons sur cette parole forte du Christ de Mama à l'adresse de ce rebelle de Samba Diarra, le jour où l'on rendait hommage à Memel Fotê : " un intellectuel ne soutient pas une rébellion " a-t-il dit. Que fait-il alors, Maître ? Doit-il soutenir les dictatures sanguinaires et prédatrices comme celle que l'on voit en Côte d'Ivoire ? Nous sommes troublés. N'avais-tu pas toi-même dit, Seigneur, qu'il était du devoir de chaque homme de combattre la dictature et l'iniquité ? N'avais-tu pas toi-même salué la chute par coup d'Etat de Konan Bédié que tu traitais de dictateur ? Ne rendait-on pas justement hommage à Memel Fotê parce qu'il avait combattu le colonialisme et Houphouët-Boigny que tu traitais aussi de dictateur ? Qu'étaient les Lénine, Trotski, Mao, Fidel Castro, Che Guevara et autres révolutionnaires auprès desquels tes camarades et toi avez appris votre embryon de socialisme et surtout l'art de la subversion, sinon des rebelles qui avaient réussi à renverser l'ordre établi dans leurs pays ? L'autre Christ, celui de Nazareth n'avait-il pas été crucifié parce qu'on l'accusait de vouloir renverser l'ordre établi qu'il trouvait corrompu et inique ? Pardonne-moi Seigneur, mais je préfère faire miennes ces paroles du frère le professeur Koné Abou Bakary sidick, lui, disciple de l'autre Christ, qui a écrit qu'" un intellectuel qui ne cherche pas la transformation qualitative de son pays au prix de sa liberté ou même de sa vie est un intellectuel infirme et maudit, selon qu'il est écrit " malheur à quiconque maintient la vérité captive. " La vérité que nous sommes obligés de libérer, Seigneur Christ de Mama, est que ton régime est une dictature qui a totalement perverti notre société et qui l'affame. Et, tout comme Memel Fotê avait combattu en son temps pour l'avènement d'une société où la justice régnerait, notre devoir d'intellectuel d'aujourd'hui est de combattre un tel régime, par les armes dont nous disposons, c'est-à-dire nos intelligences, nos voix et nos plumes. Il y va de la survie de ce pays qui nous appartient à tous. Seigneur Christ de Mama, tes disciples nous ont chanté que, tout comme Jésus-Christ de Nazareth multiplia les pains, toi tu as multiplié le budget de l'Etat jusqu'à le porter à plus de 2000 milliards de francs. Empruntons encore au frère le professeur Koné Abou Bakary Sidick cette interrogation : " A quoi sert la multiplication des pains devant des affamés si les disciples devaient emporter ou prendre pour eux tous les pains ? "
En vérité, en vérité je vous le dis, le seul devoir qui reste aux Ivoiriens, s'ils s'aiment, et leur unique chance de salut, est de chasser ce pouvoir totalitaire, sanguinaire, inique et prévaricateur.

Venance Konan écrivain, journaliste. Email :venancekonan@yahoo.fr

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