jeudi 14 février 2008 par Nord-Sud

L'administration postale fait face à une concurrence féroce perpétrée par les transporteurs. En attendant la tempête, la Direction générale privilégie les négociations.

Pour l'activité du courrier, La Poste bénéficie du monopole. La réglementation en vigueur est formelle et sans concession. Mais sur le terrain, cette exclusivité accordée à l'administration postale est prise à défaut par les compagnies de transport. Dans les gares routières, les compagnies opèrent de plus en plus dans le domaine du transfert de fonds et surtout du courrier. Le coup est dur pour les postiers qui voient leur marché s'émietter au fil du temps alors que pour les transporteurs cela est devenu une niche à entretenir. C'est une activité à forte valeur ajoutée, reconnaît Issa Camara, chauffeur de Massa (minicar) sur la ligne Abidjan-Daloa. Les usagers, eux, ne s'embarrassent pas de toutes ces considérations et mettent en avant les commodités offertes par les prestataires.

Autant dire qu'ils sont uniquement guidés par la qualité du service. Pour Elvis Kakou, étudiant en sciences économiques à l'université de Cocody, les crises cycliques à La Poste ont érodé son crédit auprès de la clientèle. Avec les querelles et les changements successifs, il y a trop de risques de déperdition. La Poste n'inspire plus confiance, explique Kakou qui ajoute que les garanties de sécurité sont quasiment nulles. Il y a de nombreux courriers qui disparaissent en chemin à La Poste. Difficile de travailler avec une telle administration, enfonce Séraphin Konan cadre de banque à Abidjan. Il y a un an, au plus fort de la crise entre l'ancien Directeur général et son conseil d'administration, en effet, le mandat qu'il a fait à son fils, élève à Yamoussoukro n'est pas arrivé à destination. L'argent devait servir à éponger une partie de la scolarité. Malheureusement, pour n'avoir pas respecté les échéances, le jeune élève avait été congédié par la direction de l'établissement. Cette exclusion temporaire aura eu beaucoup de conséquences sur les résultats scolaires de l'enfant. Mais le plus écoeurant, dit-il, c'est que toutes les tentatives pour récupérer ses fonds sont restées sans suite. Le receveur avait décliné toute responsabilité dans la disparition du mandat, imputant la faute à l'équipe qui l'avait précédé. Selon plusieurs agents de La Poste, la période de crise a éloigné une bonne partie des clients. Ce conflit a eu pour conséquence le sabotage des bureaux par certains agents de La Poste. Plusieurs courriers, mandats et colis ont disparu sans que les clients ne sachent leur destination. L'administration postale a évalué ses pertes à plusieurs milliards de Fcfa. Les clients ne veulent plus revivre la même situation. Nous avons fait près de trois mois sans service. On ne doit pas s'étonner que les gens partent voir ailleurs. La nature a horreur du vide, se désole Hermann Kouamé agent de transmission à Abidjan. Outre cette conjoncture, certains clients dénoncent les lenteurs dans l'acheminement des mandats et des courriers. La Poste s'en défend et brandit son service de mandat-express comme un symbole de célérité. Un argument pieux dans la mesure où les préjugés défavorables n'ont pas beaucoup évolué. Désiré Konan Kan, agent comptable au Trésor, lui, estime que les compagnies de transport offrent plus de sécurité.

Il est rare, argumente-t-il, que des cas de disparitions de colis soient signalés à la gare. Nous n'avons jamais eu de cas de disparition. Mais si cela arrivait, nous avons prévu un système de remboursement et de dédommagement, précise Massandjé Fofana responsable du service courrier à la compagnie Badégnan, située à la nouvelle gare d'Adjamé. Le gérant de la société, Kassoum Moritié entend développer ce segment d'activités. C'est rentable et nous allons accroître nos performances, fait-il remarquer, soulignant que le courrier et le transfert de fonds sont devenus des activités libéralisées. Le monopole de La Poste n'a plus sa raison d'être. D'ailleurs, si elle en avait la compétence et la capacité, les clients ne nous feraient pas autant confiance, renchérit-il.

Mais pour l'administration postale, cette manière de faire relève du libertinage et ne saurait prospérer davantage. Nous sommes confrontés à une concurrence déloyale parce que le secteur postal est réglementé par une loi qui date de 1976, dit-il, tout en reconnaissant que cette loi n'est plus adaptée à notre époque. En fait une loi obsolète. A notre niveau également, il faut que nous comprenions qu'aujourd'hui notre clientèle veut un type de service qui tient compte de la rapidité et de la qualité, confie le Directeur général de La Poste, Jean-Michel Déignan, à la presse. Nous devons d'abord nous appuyer sur cette loi pour faire comprendre à tous ces opérateurs qui exercent dans notre secteur qu'il y a un monopole qui est donné à La Poste dont il ne faut pas abuser, a-t-il poursuivi.

Toutefois, M. Déignan qui affirme ne pas vouloir de confrontation voudrait privilégier la sensibilisation. Selon lui, les dysfonctionnements sont dus à l'absence d'une autorité de régulation dans le domaine. D'où la nécessité d'instaurer un système de partenariat. Nous entendons sensibiliser et intégrer tous ces opérateurs dans une forme de partenariat en lançant, par exemple, le principe d'agrément. Nous voulons donner un agrément de La Poste pour exercer un certain nombre d'activités. Nous proposons donc un partenariat gagnant-gagnant pour qu'en attendant l'adoption du nouveau code postal qui est prêt, nous puissions avoir une activité saine, propose Jean Michel Déignan dans un entretien à Fraternité Matin. Il y a un certain nombre de responsabilités dans cette activité de La Poste qu'il est bon que nous réglions ensemble, nous de La Poste principalement, mais également avec l'appui des opérateurs qui interviennent dans le secteur, dit-il.


Lanciné Bakayoko

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