jeudi 14 février 2008 par Nord-Sud

Le sociologue Mohamed Cherkaoui retrace dans un essai qui vient de paraître les contours sociaux de l'affaire du Sahara Occidental. Il montre le lien social qui unit la population sahraouie à cet espace musulman sunnite, arabo-bèrbère qu'est le Maroc.

Mohamed Cherkaoui offre un éclairage nouveau sur le problème du Sahara Occidental. Le directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (Cnrs) à Paris propose une explication sociologique du problème de cette partie du Nord-Ouest du continent. L'essai que nous proposons ne vise pas à réécrire l'histoire des liens entre le Maroc et le Sahara Occidental. D'autres mieux armés que nous l'ont fait. Il a d'autres ambitions. Il inscrit le problème du Sahara dans son contexte régional et international et éclaire par-là même les stratégies des maîtres d'Alger. Leur volonté de puissance, cet hybris impérial qui les habite et dont ils sont devenus les prisonniers malheureux, les rend aveugles aux nouvelles réalités de leur pays, de la région et du monde. Faut-il, par ailleurs, constamment leur rappeler que, pour le peuple algérien, le Sahara n'a jamais été un problème ? Qu'ils sortent de leur enclave pour écouter la vox populi , écrit-il dans son introduction. A travers son dernier livre de 206 pages intitulé Le Sahara, liens sociaux et enjeux géostratégiques qui vient de paraître aux éditions The Bardwell Press, Oxford, le sociologue montre que le problème posé par le Sahara s'articule autour d'au moins trois axes principaux. Le premier, comme il l'explique, se rapporte à la légitimité historique et juridique. Selon lui, les historiens de la colonisation française et espagnole de l'Afrique du Nord ont démontré à travers plusieurs écrits de grande rigueur scientifique que d'immenses territoires marocains ont été progressivement annexés par la force à l'Algérie française, que les populations ont été contraintes à l'exode. Il fait remarquer comment les dirigeants algériens ont fait du Sahara l'un des enjeux principaux de leur politique étrangère depuis l'indépendance de leur pays. Abordant le deuxième axe, l'auteur estime que le problème du Sahara demeure incompréhensible si l'on se refuse à prendre en considération le contentieux territorial entre le Maroc et l'Algérie qu'il appelle "l'hybris impérial des maîtres d'Alger". Enfin, le problème est sociologique. L'auteur montre le lien social entre les Sahraouis et le reste de la population marocaine. Il situe la solution de l'autonomie des régions sahariennes dans le cadre du vaste chantier de réformes sans précédent que le Maroc a entreprises depuis dix ans et qui ouvrent de nouvelles perspectives politiques. Cette étude sociologique s'interroge surtout sur l'intégration politique, économique et sociale des populations sahraouies. Elle est si fondamentale, aux yeux de l'auteur, qu'il lui consacre la deuxième partie de l'essai. Mohamed Cherkaoui montre comment les populations sahraouies sont intégrées. Sans le Sahara l'histoire du Maroc est incompréhensible, sans le Maroc le Sahara n'est que désert , tranche-t-il. Le sociologue admet que la sentence peut paraître emphatique mais elle traduit pourtant selon lui ce que les historiens et les anthropologues ont parfaitement mis en lumière. L'auteur a conduit une enquête sur le meilleur indicateur de l'intégration sociale dans les provinces sahariennes et en a conclu que cet indicateur n'est autre que l'échange matrimonial. Une analyse des registres adouliens où figurent les contrats de mariage du début des années 1960 à 2006 a permis de vérifier l'hypothèse selon laquelle, au Sahara, où l'endogamie est la règle, le mariage exogame entre les Sahraouis et le reste de la population marocaine aurait crû progressivement. Les résultats de cette enquête ont établi que depuis les années 1960 à nos jours, le taux d'endogamie est passé de plus de 97 % à moins de 55 %. La quasi-totalité des mariages hétérochtones ont eu lieu entre les Sahraouis et les Marocains qui vivent dans d'autres régions du Maroc qu'au Sahara : dans cette population, le taux de mariage hétérogame atteindraient, semble-t-il, des records, ajoute-t-il.

Mohamed Cherkaoui note que toute tentative de séparer les familles entre deux entités politiques serait dès lors socialement, politiquement et moralement attentatoire à la liberté des individus et à leur volonté de vivre ensemble.

Bakayoko Youssouf

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