lundi 18 février 2008 par Le Matin d'Abidjan

Le chef d'état major adjoint des Forces nouvelles se prononce sur les sujets qui ont marqué l'actualité politique nationale ces derniers temps.

Quel bilan faites-vous du processus de paix après la signature des accords complémentaires de Ouaga ?
Je fais un bilan positif parce que l'accord de Ouaga a apaisé la situation en Côte d'Ivoire. On ne sent plus une atmosphère lourde du temps des autres accords. Je trouve que cet accord est capital pour la Côte d'Ivoire. Et, sans l'accord de Ouaga il y a beaucoup de choses qu'on aurait pas faites. Vous voyez aujourd'hui, la libre circulation est possible, la ligne de front a été dégagée. La libre circulation m'impressionne beaucoup parce qu'avant, il était difficile de dire à quelqu'un de se rendre dans le Nord. Il avait peur, de même quand tu demandais à quelqu'un du Sud d'aller au Nord, il te prenait pour son ennemi. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Quand tu dis à un Ivoirien d'aller à Bouaké, il se presse parce qu'il sait qu'il n'y a plus de tracasseries.

L'accord a fixé des dates. Nous sommes à cinq mois de l'élection présidentielle. Pensez-vous que les choses avancent ?
A Ouaga, il a été dit que les élections vont être reportées à deux ou trois mois parce que le cahier de charges de la société SAGEM n'est pas encore parfait. C'est vrai, on veut aller vite, mais je pense qu'on doit le faire lentement et sûrement. La Côte d'Ivoire n'est pas un petit pays, aller aux élections aussi subitement c'est préparer un autre chaos. Il faut donc qu'on prenne notre temps à préparer des élections libres et transparentes que personne ne pourra contester. On a fixé des dates, voilà que tout est bloqué par manque de financement. Voyez par exemple chez nous (zone Centre Nord et Ouest) on a un problème de logistique. Où mettre les ex-combattants démobilisés ? Le service civique n'est pas encore ouvert. Comment insérer les éléments ? Voilà autant de problèmes. Je dis souvent à ceux qui nous critiquent qu'il faut qu'ils nous aident d'abord avant de nous critiquer. S'ils nous donnent de l'argent que nous ne l'avons pas utilisé pour ce à quoi il était destiné, en ce moment ils peuvent nous critiquer. Mais sans faire cela, critiquer la Côte d'Ivoire est gauche. Nous demandons à la communauté internationale de nous aider à sortir de cette crise. Il faut qu'elle nous donne les moyens pour la réinsertion des nos éléments dans la vie civile.

Comment expliquez-vous que les sites de regroupement des Fn ne soient pas encore prêts, alors que l'opération du regroupement a été lancée à Tiebissou et Djébonoua ?
Je ne saurai dire grand chose sur les sites. Je pense que ce sont les moyens qui manquent ; parce qu'à Ouagadougou l'on avait décidé de la réhabilitation des sites. Mais s'ils ne le sont pas aujourd'hui, on ne peut accuser personne. Il faut que le gouvernement prenne des dispositions pour que ces sites soient réhabilités pour la bonne marche de l'accord de Ouaga.

Vous n'allez pas nous dire que vous avez joué la comédie lors de la cérémonie de lancement du regroupement à Tiébissou et à Djébonoua ?
Non, ce n'est pas de la comédie. Les mauvaises langues diront ce qu'elles veulent. A preuve, le général Mangou a fini une tournée, il a fait entrer tous ses hommes en caserne. Ce n'est pas le cas pour nous, il faut encore refaire d'autres camps, aménager d'autres endroits pour accueillir les éléments. C'est ce problème qui se pose actuellement. Mais je pense que les choses vont rentrer dans l'ordre puisque le général (Soumaïla Bakayoko, chef d'Etat-major des FAFN) est venu discuter avec le Premier ministre après la réunion des généraux.

Le ministre de la Défense disait que les problèmes de logistique et de finances évoqués par les Fn ont été discutés au préalable avant la signature des accords
Je ne veux pas attaquer qui que ce soit. C'est vrai on avait parlé de tout cela. Mais si les sites ne sont pas prêts on ne va pas accuser les Forces nouvelles. Ce ne sont pas les Forces nouvelles qui refusent de s'exécuter, ce sont les moyens qui devaient suivre qui manquent. Dans ces conditions que voulez-vous que les forces nouvelles fassent comment ? C'est vrai, on veut aller au désarmement, ou regroupement mais tant qu'il n'y a pas de moyens on ne peut rien faire. Il ne faut pas qu'on fasse des discours pour endormir les gens. Si on a décidé d'aller au regroupement, il faut qu'il y ait les moyens pour bien entretenir les jeunes dans les casernes. Ainsi, on les empêche de revenir sur les corridors. Car, si on ne leur donne pas la prime promise, ils seront obligés de revenir sur les corridors.

Est-ce qu'on a fait l'état des lieux, de combien a-t-on besoin pour décanter la situation ?
Vraiment je ne saurai vous donner un chiffre exact. Vous savez que je ne suis pas économiste, je n'ai pas participé aux réunions des économistes sur ce dossier. Mais, je préfère que vous vous adressiez aux généraux Bakayoko Soumaïla et Mangou Philippe.

La question des grades est-elle résolue ? Qui va où, qui retourne à la vie civile ?
Ce débat est clos depuis longtemps. Il ne faut pas retourner le couteau dans la plaie. Il n'y a pas de problème, nous avons nos grades de commandant. Il n'y a pas de problème. Jusqu'à preuve du contraire on ne nous a pas dit de les enlever. Moi, je vous le dis, aucun commandant de zone n'a envie de retourner dans la nouvelle armée. C'est pour vous dire que je ne vois pas pourquoi nos grades peuvent poser des problèmes. Nous n'allons pas décider de commander le premier bataillon d'Akouédo ou un bataillon à Daloa. Ce n'est pas notre intention. Aujourd'hui, comme je l'ai toujours dit, notre avenir se trouve dans l'accord de Ouaga, entre les mains du Premier ministre et du Président Laurent Gbagbo.

Si les commandants de zones n'entrent pas dans la nouvelle armée où iront-ils ?
Notre avenir est entre les mains des Présidents Laurent Gbagbo, Blaise Compaoré et le Premier ministre Soro Guillaume. Ce sont eux qui vont décider de notre destination.

D'aucuns disent que vous serez Attaché militaire
(Sourire) Bon, nous ne sommes pas encore informés. On attend

Et si on vous faisait la proposition ?
Mais si cela peut ramener la paix dans le pays, on est prêt à partir.

Vous êtes donc prêts à tout accepter au nom de la paix ?
Il ne faut pas tout accepter comme ça (rires). Il ne faut pas accepter par exemple qu'on vous envoie à l'abattoir pour la paix. Mais il faut quand même un petit filet de sécurité pour nous parce que nous avons des familles. Aujourd'hui, je ne vois ce qui peut boquer cette paix. Ce sera idiot de notre part d'aller exiger des conditions déraisonnables. Vu la situation du pays, je vois mal un commandant de zone poser des actes qui peuvent empêcher l'accord de Ouaga. Nous suivons notre premier ministre, nous l'avons suivi jusqu'à présent. Je ne vois pas pourquoi on peut poser des conditions qui peuvent le déranger.

Les préfets ont été réinstallés dans toutes les régions sauf à Bouaké. Qu'est-ce qui ne va à Bouaké ?
L'opérateur économique qui avait le marché a accusé du retard. Nous lui avons donné un délai jusqu'au 25 février. Si jusqu'au 25 février le Préfet n'entre pas en possession de son bureau et de sa résidence on donne le marché à quelqu'un d'autre.

Selon des informations, le marché a été passé bien avant la cérémonie de la flamme de la paix, pourquoi c'est maintenant que le Ministre Konaté Sidiki fait une inspection ? C'est à croire qu'il n'y a pas eu de suivi ?
L'opérateur économique nous disait qu'il allait faire le travail mais qu'il attendait qu'on lui fasse une avance. C'est ce qui explique le retard. Dès le 25 février si rien n'est prêt on donne le marché à quelqu'un d'autre.

La fin de l'année a été marquée par l'affaire IB. Que s'est-il passé en réalité ?
Voilà un va-nu-pieds, un Sergent qui veut être président de la Côte d'Ivoire. Il faut que chacun connaisse sa place, on ne peut pas prendre un menuisier pour être un docteur. On ne peut pas prendre un docteur et faire de lui un maçon. Moi, je suis un militaire. Ma place, c'est la sécurité de mon pays, des hommes. Mais avec un sergent-chef inconscient qui n'a aucun bagage intellectuel, la Côte d'Ivoire va vivre un cauchemar. Les cinq années de guerre sont mieux que ce monsieur-là au pouvoir. Voyez-vous, dans sa vidéo il dit : mettez Bouaké à feu et à sang . Mais il va venir commander qui ? Il est inconcevable qu'un Ivoirien veuille mettre son pays à feu et à sang. Il faut que les Etats béninois et ghanéen, s'ils aiment la Côte d'Ivoire, livrent ce monsieur. Sur 3A Télésud, j'ai dit qu'IB préparait quelque chose. J'ai même averti les organisations des droits de l'homme. Qui veulent qu'on s'asseye pour qu'on vienne nous égorger. Nous n'allons jamais accepter ça. Je suis prêt à donner ma poitrine, à défendre mon pays comme il se doit, contre tous ceux qui vont s'élever contre l'accord de Ouaga.

On a l'impression qu'IB dérange au point où quand il y a quelque chose qui se passe en zone CNO, les Fn le montrent du doigt. IB trouble-t-il votre sommeil ?
IB ne trouble pas mon sommeil, c'est parce qu'il envoie des gens à l'abattoir. Je savais qu'il allait agir, mais je suis resté à Bouaké pour attendre. Et agir comme il se doit. C'est pour dire que c'est des jeunes gens qu'il va faire tuer pour rien. Le 27 décembre 2007, quand ils ont attaqué, qui est mort dans nos rangs ? Personne ! Mais il y a eu combien de morts dans leur camp ? C'est cela qu'il faut comprendre. Aujourd'hui nous n'avons plus envie de faire couler du sang. Il faudrait qu'il comprenne que la Côte d'Ivoire n'est plus au stade des kalaches. IB n'est pas un bon stratège militaire. Car, le bon stratège militaire c'est celui qui sait quand, et si, la population est favorable à un coup. Or, aujourd'hui la population ivoirienne en a marre des coups de feu. Il faut que le frère IB comprenne qu'il ne peut plus obtenir ce qu'il veut. Le sergent qu'il est doit venir pour qu'ensemble on assure la sécurité de notre pays. Le comble, il dit avoir été manipulé. Comment peut-on prétendre gouverner un pays et dire qu'on est manipulé ?

Cette affaire de coup d'Etat manqué, de la vidéo faite par IB laisse un peu perplexe certains observateurs.
Il a fait un film pour revendiquer, comme il sait le faire, la paternité du coup. Il a réclamé la paternité du 24 décembre 1999 pourtant on sait qu'il n'est pas sorti dans la nuit du 23. Ce n'est que le 25 décembre qu'il est sorti et on sait qui nous a dit de le mettre devant pour aller aux négociations. Le 19 septembre 2002, il n'a rien organisé. Il a voulu réclamer à nouveau la paternité du 19 septembre, c'est un lâche qui attend les occasions pour sauter là-dessus. Si demain quelqu'un revendiquait le coup d'Etat de février, il dirait : voilà le film qu'on a fait avant . Mais c'est un amateur, parce qu'un professionnel ne ferait jamais cela. C'est la preuve qu'il n'a rien compris.

Parlant toujours de IB, n'est-il pas légitime de vouloir être président de son pays ?
Je suis d'accord avec vous. Mais en mon âme et conscience quand on réfléchit, on se demande si on a un bagage intellectuel qui nous permet d'être le président d'un pays. Est-ce que mes relations me permettent d'être président de ce pays. Mais on ne se lève pas un matin comme ça pour dire qu'on veut diriger un pays.

Juste après les évènements de Bouaké, on a lu ceci sur le site des Fn : Et si les forces nouvelles avaient déposé les armes ? Est-ce que ça veut dire que les Fn resteront en armes tant que IB sera en exil ?
Il ne faudrait pas qu'on voit IB contre les Fn seulement. Le problème IB se pose à toute la Côte d'Ivoire. Le 27 décembre en dehors de Bouaké, ils avaient prévu d'attaquer Abidjan. Il ne faut pas qu'on dise que les Fn ne veulent pas désarmer à cause d'IB, non. IB c'est notre dernier souci. Faisons en sorte qu'on se tienne les bras pour donner la paix à la Côte d'Ivoire. Et si des individus comme IB veulent semer du désordre, il faudrait qu'on se lève comme un seul homme pour leur barrer la route.

Est-ce que vous allez désarmer tant qu'IB menace les forces nouvelles ?
L'accord de Ouaga ne dépend plus de nous. Le facilitateur dans l'accord de Ouaga doit barrer la route à IB. Sinon, IB risque de perturber son travail. La Côte d'Ivoire même doit se lever pour dire non à ce monsieur. Nous n'allons pas rester là pour que quelqu'un vienne nous tuer. Simplement parce qu'on a décidé d'aller à la paix. Ce sera gauche.

Les organisations de droit de l'homme disent que les Fn ont la gâchette facile, à la moindre menace d'IB
Que les organisations de droits de l'homme disent à IB d'arrêter d'envoyer les enfants d'autrui à l'abattoir. On les interpelle toujours à ce sujet mais ils ne font rien. Ils sont toujours prêts à protéger ces criminels. Eux qui s'occupent les Droits de l'homme, que diront-ils si on allait les tuer ? Quand on arrête leurs voitures, n'est-ce pas eux qui posent plaintes partout ? Pourquoi est-ce qu'ils ne disent pas de laisser partir les braqueurs de véhicules ONU ? On a eu ce cas à Bouaké, où ils ont parlé de leur droit lorsqu'on a arrêté des gens qui avaient braqué leurs voitures. Ces gens-là, nous n'avons pas confiance à eux.

Dernièrement, au congrès du RDR le président de ce parti, M. Alassane Dramane Ouattara, a lancé un appel aux forces nouvelles. Il leur demande de rejoindre le RDR. Comment réagissez-vous à cet appel ?
Jusqu'à présent on disait que les Fn étaient la branche armée du RDR. Il (Ouattara) ne le reconnaissait pas. Aujourd'hui il nous appelle, il nous tend la main. Mais nous, nous avons un rôle à jouer dans ce processus. Nous sommes des arbitres, nous ne sommes pas un parti politique. Notre problème, c'est d'organiser des élections justes et transparentes en Côte d'Ivoire. Comprenez donc que si nous basculons dans un parti, ce sera gauche, nous ne serons plus des arbitres. Peut-être que c'est après les élections que chacun pourra choisir son parti. Car les Forces nouvelles ne regorgent pas que de militants du RDR, il y a des militants du FPI, du PDCI, il y a un peu de tout aux Forces nouvelles.

Votre idée n'est pas partagée par le numéro deux des Fn qui dit que dans les Fn, il y a des politiques et des militaires. Et qu'avec le principe de liberté, l'appel de Ouattara sera l'occasion pour chacun d'exprimer sa liberté.
Qu'il nous dise qui aux Forces nouvelles on a attaché sa langue pour ne pas qu'il parle. On a attaché la langue de personne. Nous, on se reconnaît en Soro Kigbafori Guillaume. C'est lui qui est notre chef. On ne va permettre à des gens de venir d'ailleurs nous raconter des sottises. Nous ne sommes pas prêts pour cela. Guillaume Soro a géré la plus grande FESCI dans le temps où il y avait des crânes brûlés partout. Il a pu gérer les Forces nouvelles dans les débuts où chaque jour on nous disait qu'il y avait des morts par-ci par-là. Si ce monsieur a pu gérer tout cela jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de coups de fusil dans nos zones, il ne faudrait pas qu'on vienne nous dire qu'il est incapable. Nous n'accepterons plus ça. Monsieur Dacoury (Louis André Dacoury Tabley, secrétaire général adjoint des FN) ne sait pas comment nous avons créé notre mouvement. Nous lui avons fait appel, s'il sait qu'il ne peut plus faire quelque chose pour nous, il n'a qu'à démissionner. C'est tout ! Ce n'est pas la peine de venir dire que l'appel du RDR sera l'occasion pour chacun de parler ou l'occasion pour M. Alassane de régler les problèmes au sein des Forces nouvelles. M. Soro Kigbafori est majeur, responsable. S'il a pu nous diriger depuis le 19 septembre, personne ne peut dire de lui qu'il est incapable. Ce sont eux-mêmes qui sont incapables, s'ils ont des problèmes qu'ils nous le disent. Sinon, nous ne savons pas quel problème il y a au sein des Fn.

Avez-vous approché M. Dacoury pour discuter ?
Nous ne l'avons pas appelé, nous avons notre grand chef qui est le secrétaire général et en même temps premier ministre. C'est lui qui doit nous donner des instructions. Nous n'avons pas d'instructions à recevoir de quelqu'un d'autre. La sortie de Dacoury a été gauche.

En quoi est-elle gauche ?
Quand il nous dit que ce sera l'occasion pour le premier ministre Alassane Dramane Ouattara de régler les problèmes au sein des Forces nouvelles, c'est dire qu'il y a des problèmes au sein des Forces nouvelles. J'ai dit que j'allais répondre au moment opportun. Mais je n'ai pas de réponse à lui donner. Je le répète aujourd'hui, je le répéterai demain, les Fn ne sont pas un parti politique. Nous n'avons pas pris les armes pour aboutir à un parti politique. Je demande à M. Dacoury de laisser notre mouvement tel qu'il est. On n'est pas parti politique, on ne sera pas un parti politique. Après les élections chacun peut aller où il veut. Si le Premier ministre décide de créer un parti politique, c'est lui le chef. Lui seul sait pourquoi il aura décidé ainsi.

L'appel de M. Ouattara fera t-il l'objet d'une réunion ?
On attend, notre chef n'a encore rien dit. Peut-être qu'on aura une grande réunion quand on va rentrer à Bouaké

Commandant, votre mot de fin au terme de cet entretien ?
Mon souhait est qu'on soit tous derrière l'accord de Ouaga pour apporter la paix. Si les partis politiques veulent vraiment aller aux élections, il faudrait qu'ils aident le Président Laurent Gbagbo et le premier ministre Soro Guillaume à aller à la paix. Après cela, chacun pourra se présenter à la présidentielle.

Recueillis par
Bidi Ignace

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