lundi 25 février 2008 par Fraternité Matin

L'Office national d'identification a dépêché une quinzaine d'équipes pour observer l'opération d'enregistrement des sans-papiers. Selon Sihindou Coulibaly, secrétaire général de la préfecture du département de Séguéla (en l'absence du préfet, parti sur le terrain), ce sont au total 8816 jugements supplétifs qui ont été délivrés dans le département. Du moins au 22 février dernier, date à laquelle nous l'avons rencontré à Séguéla. Il précise que les audiences foraines ont commencé depuis le 8 octobre dernier dans le département. Elles se sont achevées dans les sous-préfectures de Séguéla, Diawala, Massala et Djibrosso. Et elles sont en cours à Morondo et Worofla. M. Coulibaly affirme que les sous-préfectures de Sifié et Kani recevront les équipes des audiences foraines début mars. Il note avec satisfaction l'engouement avec lequel les populations ont accueilli l'opération d'une part, et la volonté affichée des sous-préfets à la réussir, d'autre part. Toutefois, signale le secrétaire général de la préfecture, aucun des huit sous-préfets du département ne dispose d'un véhicule. Ainsi, il fait remarquer que cela constitue un véritable handicap pour les administrateurs qui doivent suivre l'opération dans leurs différentes circonscriptions. Aussi souhaite-t-il que des dispositions adéquates soient prises le plus tôt possible à l'égard des sous-préfets, en termes de véhicules adaptés, pour qu'ils accomplissent mieux leurs tâches. L'autorité administrative craint que l'opération d'identification serait difficile à mener dans son département si les sous-préfets devaient la faire dans les mêmes conditions que les audiences foraines, c'est-à-dire sans véhicule. D'autant que, relève-t-il, la plupart des pistes sont difficilement carrossables, surtout avec de petites voitures. Un avis que partage le directeur de l'état civil et de l'identification à l'Office national d'identification (ONI). Il faut donner suffisamment de moyens au corps préfectoral pour mener l'opération, estime Séry Wayoro, que nous avons interrogé à Daloa, le 21 février. Certes, a argumenté M. Séry, le corps préfectoral n'est pas les juges, mais il est la cheville ouvrière de l'opération. S'il n'a pas de moyens pour les organiser, les superviser, les programmer et les suivre, je crois qu'il y a un problème. Et de regretter : Dans certaines localités, le sous-préfet n'a même pas de moyen de locomotion. Il n'en fallait pas plus pour que le directeur de l'état civil et de l'identification plaide : Je pense qu'il faut y remédier de façon immédiate. Séry Wayoro, qui avait déjà parcouru les départements de Sinfra et Issia, dans le cadre de la mission de supervision des audiences foraines initiées par les services de Benjamin Djobo Esso (et qui attendait de se rendre à Vavoua), dit toutefois avoir constaté que tout se passe bien. Pour lui, les résultats (des sites qu'il a visités. Ndlr) sont encourageants. Les chiffres sont presque conformes à ce que nous pensions à l'ONI. Cette visite fait penser à ce cadre de l'ONI qu'il n'est pas évident que le nombre de trois millions cinq cent mille personnes sans papiers annoncées en Côte d'Ivoire soit atteint. En outre, M. Séry soutient qu'il faudra examiner les cas où les audiences foraines ont pris fin conformément au mode opératoire, alors que des personnes sans papiers attendent toujours. Dans la sous-préfecture de Sinfra, c'est ce 25 février, que l'opération commence pour y prendre fin le 9 avril. En attendant, le sous-préfet, Mme Glao née N'Draman Bertine (que nous avons rencontrée le 21 février), affirme avoir fait le tour de sa circonscription, du 4 janvier au 8 février, pour mobiliser les populations. Dans ce cadre, le sous-préfet souligne qu'il a mis en place, depuis septembre, les Commissions locales villageoises (CLV). Dans le département de Sinfra, les sous-préfectures de Koëntinfla, Bazré et Konefla ont déjà reçu les équipes des audiences foraines. Tandis que dans la sous-préfecture de Boguédia (département d'Issia), l'opération est terminée. Commencées le 27 décembre 2007, commente le sous-préfet, Tiégbé Bonaventure, elles se sont soldées par 2817 requêtes enregistrées, 2686 jugements supplétifs distribués et 131 demandes rejetées. Des résultats que le sous-préfet trouve surprenants. L'administrateur avoue: nous ne pensions pas avoir un nombre aussi élevé de citoyens non déclarés à l'état civil, ici. M. Tiégbé regrette que l'opération se soit déroulée sans sécurisation par le CCI. Toutefois, il se félicite qu'elle se soit bien déroulée. Le sous-préfet d'Issia, N'Guessan Dueinguet Kouakou Pascal, signale, lui, que l'opération a commencé dans sa circonscription le 15 décembre dernier et s'y achèvera le 15 avril. 90 sites ont été identifiés pour recevoir les opérateurs. Au 21 février où nous nous sommes entretenu avec le sous-préfet, seuls 45 sites les avaient reçus. Les résultats de cette opération à mi- parcours, selon N'Guessan, indiquent que 2513 demandes ont été enregistrées, 2352 ont eu satisfaction contre 161 rejetées. Pour l'heure, salue-t-il, l'opération se déroule bien. Même si certains acteurs sont confrontés à des problèmes de déplacement. Mais, relève-t-il aussitôt, grâce à la compréhension des magistrats, ils ont été transportés. Le sous-préfet de Zoukougbeu relève de son côté, le problème de déplacement du corps préfectoral. Selon lui, il a souvent été contraint de louer, à ses propres frais, une Kia pour suivre l'équipe des audiences foraines. Pour autant Achille Djébi Djé atteste que l'opération se déroule bien dans sa circonscription. Commencée le 20 décembre, elle y prendra fin le 14 mars. Mais, précise M. Djébi, après la date butoir, une semaine de ratissage sera accordée aux retardataires. En attendant, 1451 requérants ont été enregistrés dans sa circonscription administrative et sept sites attendent encore d'être visités. Option : Les oubliés de l'opération
Le président du tribunal, le procureur de la République, le greffier, les maires et les sous-préfets, un médecin pour déterminer l'âge physiologique des requérants, deux rédacteurs, deux agents de l'état-civil, des forces de l'ordre désignées par le Centre de commandement intégré (CCI). Le mode opératoire qui régit les audiences foraines est bien clair. Les sous-préfets font partie intégrante des acteurs de l'opération en cours. Ils en sont les superviseurs. Ce sont eux qui, avant l'arrivée des magistrats et des autres membres de l'opération, parcourent leurs circonscriptions respectives pour mobiliser les populations. Ce sont eux qui préparent le terrain qu'ils connaissent mieux que quiconque. Mais contre toute attente, la tournée que nous avons effectuée dans les sous-préfectures de Kokumbo, Yamoussoukro, Sinfra, Boguédia, Issia, Zoukougbeu et Worofla, nous a donné de constater que les sous-préfets sont en passe d'être les oubliés des audiences foraines, importante étape du processus de paix et de réconciliation. Des administrateurs sans le moindre véhicule de déplacement. Des administrateurs à moto, en Kia (ces véhicules généralement affectés au transport des produits agricoles tels le café et le cacao) qu'ils louent. Simplement parce qu'ils n'ont pas de véhicule de commandement. Les sous-préfets qui représentent le Chef de l'Etat dans leur circonscription et qui doivent relayer aux populations les décisions du gouvernement, sans moyen de déplacement ! Mais que peut une autorité administrative, quelles que soient sa volonté et sa conscience professionnelle, si elle ne peut se rendre chez ces populations, si elle ne peut parler à ses administrés?
L'opération des audiences foraines a certainement déjà nécessité de grosses sorties d'argent des caisses de l'Etat de Côte d'Ivoire du reste, déjà éprouvées. Mais elle ne doit pas connaître de demi-mesure pour le but qu'elle vise. C'est pourquoi, il faut encore faire d'autres efforts. En donnant à chaque compartiment, les moyens minimums de jouer pleinement sa partition. La réussite de l'opération d'identification des populations et celle du recensement des électeurs y passent certainement. De même, le gouvernement ferait mieux de prendre des dispositions pour que les acteurs observateurs des audiences foraines, notamment les membres des Commissions locales de supervision de l'identification (CLSI), ceux des Commissions locales villageoises (CLV) ainsi que ceux de la Commission électorale indépendante (CEI) perçoivent effectivement leurs primes et autres indemnités. Commune de Worofla, ultime étape de l'opération
La sous-préfecture de Worofla est à une cinquantaine de kilomètres de Séguéla, son chef-lieu de préfecture. Ici, selon le sous-préfet Gbey Gué Antoine, l'opération des audiences foraines a effectivement démarré le 9 janvier. Pour mieux la réussir, le sous-préfet et l'équipe des audiences foraines ont défini 24 sites dont 16 dans la sous-préfecture et 8 dans la commune. Puis, ils ont décidé de commencer les audiences par les sites de la sous-préfecture pour les terminer dans la commune. Ainsi, le président du tribunal, Adama Sagnon, le procureur de la République, Boiqui Kouadjo, le greffier, Me Kouamé Guy Narcisse, le médecin, Dr N'Cho Akiépi Baudelaire, et les membres de la Commission locale de la supervision de l'identification (CLSI) ont sillonné les 24 sites de Worofla sous-préfecture, du 9 janvier au 12 février. Une opération qui a permis au tribunal de recevoir 1294 requêtes, dont 1177 ont été accordées et 117 rejetées, explique Gbey Gué Antoine. Selon l'administrateur, les rejets ont été pour la plupart justifiées par l'âge des requérants qui avaient moins de 13 ans. A cette étape de l'opération, se félicite le tribunal par la voix du procureur Boiquoi Kouadjo, aucun incident n'a été déploré. Le magistrat fait constater que leur sécurité est assurée par des éléments du Centre de commandement intégré (CCI). Cependant, le sous-préfet qui salue le bon déroulement de l'opération et la mobilisation de ses administrés autour de ces audiences foraines, note qu'il l'a organisée difficilement. Il avoue avoir sillonné les villages de la sous-préfecture, sur des pistes difficilement carrossables, soit en ambulance, soit sur une moto. A l'heure actuelle, le président Adama Sagnon et son équipe sont dans la commune de Worofla. Nous avons voulu terminer par la commune pour que les populations intéressées qui n'ont pu se faire enrôler dans les villages aient encore la chance de le faire ici. Après cette étape, c'est fini, soutient le sous-préfet. C'est donc dans ce cadre que nous avons trouvé l'équipe des audiences foraines, le 22 février dernier, au bureau de la sous-préfecture qui ploie sous le coup des affres de la guerre. Ici, les inscripteurs et les agents de l'état civil sont assis sous des arbres. Le médecin, N'Cho Akiépi Baudelaire, lui, est dans un bureau de fortune. Le tribunal se tient dans la salle de conférences de la sous-préfecture. A notre arrivée, une quinzaine de requérantes sont assises sur un banc. Ces femmes, pour la plupart jeunes, ont été déjà reçues par les inscripteurs et le médecin. Elles attendent de passer devant la cour. Dans la salle, trois hommes d'un âge avancé, Diomandé Méko, Bamba Méko et Bamba Issiaka, servent de témoins à toutes les requérantes. Sont également présents, les membres de la CLSI: Sanogo Karim, 2e vice-président, Fofana Messogbo, Koné Soumaïla, Sanogo Mamadou et Mlle Konaté Naténin. Le maire de Worofla, Bamba Messemba, assiste à l'audience. Mais aucun membre de la commission locale de la Commission électorale, indépendante (CEI), ni de la Commission locale de village (CLV), n'est présent. L'audience dans la commune, confiera plus tard le sous-préfet Gbey Gué Antoine, doit prendre fin le 5 mars prochain. L'équipe mettra alors le cap sur la sous-préfecture de Sifié.
Focus : Ratissage à Yamoussoukro . Depuis le 11 février dernier, l'opération des audiences foraines, dans la circonscription de Yamoussoukro, selon son sous-préfet, est entrée dans une phase de ratissage. Youssouf Traoré (que nous avons rencontré le 20 février) explique que pour la première fois, les audiences foraines se sont déroulées du 11 octobre au 6 décembre 2007. Ce tour de passage, révèle l'autorité administrative, s'est soldée par 6 971 requêtes, dont 6746 ont été satisfaites, et 225 rejetées. Mais après ce passage, note le sous-préfet, le constat a été que les équipes ont pu passer dans certains villages. C'est pourquoi depuis le 11 février, les magistrats sont retournés dans ces villages et quartiers de Yamoussoukro pour une dernière opération de rattrapage, explique M. Traoré. Ainsi, Goulé N'Guessankro (le 11 février), Gourominankro (le 12 février), Dioulakro (les 13, 14, 15 et 18 février), Badala Odienné (le 19 février), Zatta (le 20 février) et Gogokro (le 21 février) ont été revisités. L'objectif, se réjouit le sous-préfet, est de donner une seconde chance aux personnes intéressées qui ont raté le train au premier tour. Une opération de rattrapage qui ne manque pas de porter ses fruits. Ainsi, au matin du 20 février, selon les indications de l'administrateur, 1200 requérants ont été enregistrés dans le cadre de ce deuxième tour. Une réunion bilan des audiences foraines à la préfecture et présidée par le préfet de Yamoussoukro, Nassa Dakoury, a révélé que finalement, cette opération a enregistré au total 13 844 demandes de jugement supplétif dont 13 291 ont été accordées et 553 rejetées. Youssouf Traoré soutient que la grosse difficulté à laquelle il est confronté lors des audiences foraines, a été celle de la locomotion. De fait, il regrette le manque de véhicule de fonction, qui l'a souvent obligé à en louer, à ses propres frais, pour pouvoir jouer sa partition. L'autre difficulté que le sous-préfet a pu noter durant l'opération, confie-t-il, ce sont des personnes qui sont nées ailleurs et qui veulent se faire déclarer dans la circonscription de Yamoussoukro. En outre, il y a celles qui ont perdu leurs papiers et qui pensent qu'avec les audiences foraines, elles peuvent les refaire. Mais, se félicite M. Traoré, grâce à la vigilance des magistrats et à la perspicacité des témoins, ces personnes ont été décelées et écartées. En tout état de cause, Youssouf Traoré se dit très satisfait de l'opération des audiences foraines dans sa circonscription.
Repères
Piste. La piste qui relie la commune de Séguéla (chef-lieu de préfecture) à la commune de Worofla (chef-lieu de sous-préfecture) est on ne peut plus impraticable. Pour parcourir cette piste, longue seulement de 48 kilomètres, il nous a fallu... deux heures d'horloge, à bord d'un véhicule de type 4x4. Or, des habitants de Worofla nous ont confié qu'elle est plus carrossable que celles qui relient la commune aux autres villages de la sous-préfecture. Allez imaginer l'état de ces pistes. Collaboration. Des membres de la Commission locale de supervision de l'identification (CLSI) de Yamoussoukro ont indiqué que, par manque de moyens (ils ne perçoivent pas encore leurs perdiems), ils ont eu recours à l'ONUCI pour les transporter. Tandis que ceux de Worofla ont révélé avoir été souvent transportés par les magistrats dans leurs véhicules. Un bel exemple de collaboration.
Pascal Soro


Envoyé spécial à Yamoussou, Issia, Sinfra, Boguédia, Zoukougbeu et Séguéla

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023