Le propriétaire de la fameuse limousine qui fait des vagues dans la capitale économique du pays a justifié, hier, dans les colonnes d'un quotidien de la place, les raisons qui l'ont poussé à s'offrir une telle voiture. A la lecture de cet article, on se rend compte d'une chose. Que le sieur Victor Ekra ne regrette aucunement rien de ce qu'il a fait. C'est à peine s'il est conscient que son acte présente le hideux faciès d'une injure aux Ivoiriens. Dont "près de 70% ne prennent pas un seul repas par jour" comme l'a si bien dit le numéro deux du régime, Mamadou Koulibaly. C'est donc dans un tel pays qui, de surcroît, vit une grave crise depuis bientôt six longues années, qu'un individu s'offre un bien périssable. Notamment un véhicule. Qui lui a coûté la bagatelle de 500 millions de F CFA. Dans le journal où Victor Ekra, grand ami de Laurent Gbagbo, a tenté de se dédouaner, ce dernier soutient qu'en 1968, il s'est offert la toute "première 404 avec téléphone à bord (..) et en 1972, avec feu Philippe Yacé, ils étaient les seuls à avoir une Thunderbird". Cela sous-entend que le propriétaire de la fameuse Mercedes Mayback n'a pas fini d'étonner ses compatriotes.
La vérité sur ses 100 hectares d'hévéa
Tout ce que tout Abidjan sait de cet homme âgé de plus de 50 ans, c'est que c'est un grand écumeur des boîtes de nuit et autres endroits chauds de la capitale. Tout ce qu'on sait aussi et surtout de lui, c'est qu'il est le fils de son père. Pour le reste, rien du tout. Personne ne lui a connu et ne lui connaît une activité professionnelle rémunérée. Il soutient dans les colonnes de "Notre Voie" d'hier dans lequel il a tenté de se blanchir qu'il est propriétaire de "plus de 100 hectares d'hévéa". La vérité sur ce "vaste hectare d'hévéa" est la suivante. Victor Ekra n'a pas bâti ce champ de ses propres mains. Il n'a pas non plus employé des man?uvres pour le faire. Ces 100 hectares de caoutchouc ont été rachetés par Victor Ekra à un homme d'affaires européen. Et cela ne fait même pas encore trois ans. En outre, 100 hectares de caoutchouc ne peuvent pas rapporter à son propriétaire autant d'argent de sorte à s'offrir une telle folie.
Tel père, mais pas tel fils. Avec Victor Ekra, la maxime "tel père tel fils" a perdu de sa noblesse. Car en réalité, Ekra fils n'a rien à voir avec Ekra père. Le second qui a servi Houphouët-Boigny durant de nombreuses années, n'a jamais été trempé dans de sales affaires. Il ne s'est pas non plus compromis dans de tels actes. Mathieu Ekra, c'est la discrétion faite homme. Il parlait quand il le faut et où il faut. Ce n'est donc pas sûr que ce soit son père qui lui a donné une éducation noble et digne de son rang, qui lui ait appris cette folie des grandeurs et cette mégalomanie. "Notre Voie" soutient aussi que Victor Ekra peut s'offrir un tel bijou car il gère les biens de son père. "(..) C'est que c'est Victor Ekra le fils aîné qui () gère les biens de son père. Il faut avouer que si les affaires de son père n'ont pas périclité depuis, c'est que Victor les gère bien. On peut même ajouter qu'il y a ajouté son grain de sel" poursuit le journal. Drôle de manière de gérer les biens de son père en prenant d'importantes sommes d'argent pour les engloutir dans des achats de véhicules pour la simple raison qu'on "aime les voitures". A cette allure, il faut craindre que les biens et autres affaires du Doyen Mathieu Ekra ne connaissent une chute vertigineuse. L'humilité, la force des vrais riches
Poursuivant dans sa défense, Victor Ekra soutient qu'il est un homme d'affaires prospère. Et "Notre Voie" de conclure que celui-ci peut disposer de son argent comme il l'entend. Un vrai raisonnement d'arrière-garde. Et c'est Laurent Gbagbo lui-même qui l'a dit : "L'argent n'aime pas le bruit". Les hommes riches, les vrais, qui ont bâti leurs richesses dans le travail comme les Bill Gates, Rockefeler et autres multi milliardaires, ne crient pas leur richesse sur tous les toits. Et bien que ce soit "leur propre argent", ils ont investi dans le social. Il y a par exemple la Fondation Jimmy Carter contre le Sida, le ver de Guinée. Tout comme il existe un fonds Bill Gates de plusieurs milliards de F CFA pour le développement du secteur informatique. Avec son "propre argent", Victor Ekra pouvait, à défaut de bâtir des entreprises, investir dans le social. Il y gagnerait et en sortirait grand et grandi. Victor Ekra n'est pas Mathieu Ekra
Que ne feraient pas les ''journaux bleus'' pour voler au secours de Victor Ekra, grand ami de Gbagbo? Ils sont prêts à tout. C'est pourquoi ils ont d'ailleurs trouvé un lien entre une affaire d'un fils qui "fait des folies" et son père. "Bédié s'attaque à la famille Mathieu Ekra" a écrit "Le Matin d'Abidjan" d'hier. Quel est le rapport entre un individu qui s'offre une voiture à 500 millions et le PDCI et son Président? En réalité aucun. Dans la mesure où le concerné lui-même a reconnu qu'il ne fait pas politique. "Je ne suis pas un politicien, j ai mes petites affaires et c'est mieux ainsi" a-t-il dit dans le journal du FPI. Le combat bien curieux de "Notre Voie"
Ainsi donc, c'est le journal du parti au pouvoir qui défend bec et ongles un individu qui, du reste, s'achète une limousine à 500 millions de F CFA. Que les temps changent ! Dans l'opposition, Laurent Gbagbo ne ratait aucune occasion pour dénoncer ceux qui s'offraient quelques petits privilèges. Il a fallu qu'il parvienne au pouvoir pour que son journal soutienne l'insoutenable. Au nom d'une amitié. Car il parait que Laurent Gbagbo et Victor Ekra sont de grands amis. "Nous nous connaissons depuis les années 1968" révèle Victor Ekra. Cette année-là déjà, "j'avais la première 404 avec téléphone à bord" soutient Victor Ekra lui-même. Sans préciser dans quoi roulait "son ami" Gbagbo. Le chef de l'Etat qui s'est toujours présenté comme "un enfant de famille pauvre" ne devrait pas s'accommoder de ce genre d'amitié. Et tolérer de telles pratiques. Car le rôle d'un Chef d'Etat, c'est de veiller sur son peuple et l'éduquer en forgeant l'opinion de celui-ci autour des valeurs morales comme l'humilité, la vérité, la sincérité, l'honnêteté et tous les bons "té" comme on le dit communément à Abidjan.
Paul Koudou