vendredi 29 février 2008 par Notre Voie

Désigné, le jeudi 17 janvier 2008, nouveau gouverneur de la BCEAO par la 12ème conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) réunie à Ouagadougou, M. Philippe Henry Dacoury-Tabley a pris officiellement fonction, le 8 février dernier. Dès qu'il a posé ses valises à Dakar, siège de la BCEAO, en tant que gouverneur de la banque centrale, Henry Dacoury-Tabley a enclenché une série de mesures visant à imprimer sa marque dans une atmosphère minée par son prédécesseur Charles Konan Banny mais également par l'intérimaire Justin Baro. Une atmosphère qui constitue, soutiennent des sources crédibles, une véritable menace pour le mandat du nouveau gouverneur. Pour avoir fait toutes ses armes à la banque centrale ouest-africaine où il est entré en 1976, Henry Dacoury-Tabley était visiblement conscient qu'il lui fallait très vite prendre le taureau par les cornes s'il ne veut pas se faire broyer. D'autant plus que la réforme du fonctionnement de la banque apparaît comme un enjeu majeur. Avec pour obstacle non négligeable, les clans que se sont bâtis ses prédécesseurs, le gouverneur ivoirien Charles Konan Banny (1994-2005) et le gouverneur intérimaire, le burkinabé Justin Baro (2005-2008). Des clans constitués de cadres nommés à tous les postes stratégiques de la BCEAO et qui sont restés fidèles comme "des compagnons de baal", les uns à Banny et les autres à Baro. Première mesure prise par le nouveau gouverneur : la dissolution, le 11 février 2008, des organes de décision de la banque centrale. A savoir le comité exécutif et le gouvernement de la banque. En lieu et place de ces structures, Henry Dacoury-Tabley a créé un comité de direction et un cabinet. "Il a agi conformément aux statuts de la BCEAO qui disent, à travers leur article 46, que le gouverneur est chargé de l'organisation des services de la banque. Et puis, avant Dacoury-Tabley, ses prédécesseurs MM. Alassane Ouattara et Konan Banny, avaient fait la même chose en créant un cabinet", affirme une source crédible qui a requis l'anonymat. Pour diriger son cabinet, le nouveau gouverneur nomme un directeur, en la personne de Christian Koffi. Ancien directeur général du Trésor de Côte d'Ivoire sous Kablan Duncan, alors ministre de l'Economie et des Finances, Christian Koffi jouit d'une renommée d'homme de droiture. A travers ce cabinet transitoire, Henry Dacoury-Tabley voudrait, au dire de la source, mettre fin à la gestion opaque et à la mise à l'écart des talents au sein de la banque. "Des directeurs centraux ne jouiront plus de pouvoirs illimités à cause de leur proximité idéologique ou autre au gouverneur, comme on le voyait par le passé". Dacoury-Tabley a décidé aussi de jouer la carte de la promotion des jeunes cadres de la banque, même si on lui reproche d'avoir dérogé à son option en nommant M. Christian Koffi, un sexagénaire, au poste de directeur de cabinet.

Malaise à Abidjan...

A la BCEAO-Abidjan, les premiers pas du gouverneur Henry Philippe Dacoury-Tabley suscitent de l'espoir. "Parce que tout le monde veut rompre avec l'ordre ancien de gestion", précise une source. Cependant, un malaise couve. Il serait entretenu par le directeur national Kablan Yao Sahi, un des tenants du clan Banny et candidat indépendant malheureux au poste de gouverneur de la BCEAO. "Depuis qu'il a été désillusionné à Ouagadougou à l'occasion du sommet de l'UEMOA qui a vu la désignation de l'actuel gouverneur, Kablan Sahi ne travaille pratiquement plus. Il vient rarement au boulot. Il a quasiment développé un comportement de rébellion. C'est le directeur principal de l'agence BCEAO d'Abidjan qui se tape tout le travail", lance la source. Avant d'ajouter que la désillusion de M. Kablan Sahi s'est accrue lorsqu'il a constaté que le nouveau gouverneur ne l'a pas coopté dans son cabinet. Pis, M. Henry Philippe Dacoury-Tabley serait pour le respect des textes concernant le départ à la retraite à l'âge de 55 ans. Or, Kablan Yao Sahi, qui est né le 20 janvier 1953, a eu, le 20 janvier dernier, ses 55 ans. Il est donc bon pour la retraite. "Selon les textes de la BCEAO, il a jusqu'au 31 décembre 2008 pour faire valoir ses droits à la retraite", conclut notre source. Mais, le directeur national de la BCEAO ne serait pas trop enthousiaste à aller maintenant à la retraite. Il fait partie des membres des clans Banny et Baro qui s'activent pour que le projet de la retraite à 60 ans concocté par Justin Baro, alors qu'il était gouverneur intérimaire, soit adopté. Face à la moue qu'affiche le nouveau gouverneur, Henry Philippe Dakoury-Tabley sur cette question, les clans Banny et Baro, grands bénéficiaires du projet, veulent tenter un passage en force. A Abidjan, le clan Banny tenu, dit-on, par Kablan Yao Sahi et ses deux proches collaborateurs, susciterait progressivement un climat délétère. L'objectif étant, à la longue, d'attiser la colère des agents contre le gouverneur. "Ils ont mis subitement sous l'éteignoir, les différents avantages sociaux que les agents avaient. Alors qu'une commission a siégé et approuvé l'octroi de crédit à environ 70 travailleurs, ils refusent de signer les documents pour que les fonds soient décaissés. Evidemment, les travailleurs sont en colère et le climat n'est pas bon", révèle un agent.

... et à Dakar

Tout comme à Abidjan, les hommes de Banny et de Baro qui exercent au siège à Dakar grognent contre l'attitude du gouverneur Henry Dacoury-Tabley à propos du projet de la retraite à 60 ans. "La communication téléphonique étant gratuite entre les différentes représentations de la BCEAO à travers l'espace UEMOA, ils sont constamment en contact avec leurs amis d'Abidjan pour entretenir le malaise", affirme un agent. Qui précise, par ailleurs, que ce sont des membres des clans Banny et Baro exerçant au siège de la BCEAO à Dakar qui ont actionné la récente campagne de presse contre le nouveau gouverneur dans les médias sénégalais. L'objectif de toutes ces actions étant de mettre à mal la gouvernance de M. Dacoury-Tabley, même si tout le monde à la banque centrale veut actuellement séduire le nouveau gouverneur, y compris l'ex-intérimaire Justin Baro qui l'aurait appelé pour lui dire qu'il se tient à sa disposition. "Si le cabinet que le gouverneur Dacoury-Tabley a mis sur pied est opérationnel, il aura tout gagné face à ses adversaires internes. Dans le cas contraire, ce sera une catastrophe", conclut une source crédible.



Didier Dépry didierdepri@yahoo.fr

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023