vendredi 29 février 2008 par Le Matin d'Abidjan

Hier, c'est face aux députés sud-africains que Sarkozy décide de lancer la bombe : le prochain démantèlement du contesté 43è BIMA.

''Armée française, allez vous-en !'' Le v?u sans cesse ressassé par la reggae-star Alpha Blondy est devenu réalité. La carte militaire française en Afrique devrait connaître un sérieux chamboulement dans un proche avenir. C'est la grande nouvelle que Nicolas Sarkozy apporte à son homologue d'Afrique du Sud qu'il visite depuis avant-hier, pour deux jours. Il doit être heureux Thabo Mbeki, chantre de la remise à plat des rapports franco-africains. Lui qui, ce jeudi, a eu la primeur de l'annonce de la fermeture de certaines bases militaires françaises sur le continent noir. Le coup de pied dans la fourmilière concerne aussi les relations politiques entre l'Elysée et les Palais africains. En toile de fond, la remise en cause du pacte colonial que les Ivoiriens n'ont de cesse de dénoncer. Notamment, les partisans de Laurent Gbagbo, n'en finissent pas de dénoncer non seulement l'historique 43è Bataillon d'infanterie de marine (BIMA). A Djibouti, au Sénégal et au Gabon, le projet consiste à un remodelage des troupes. Ce n'est pas le cas de la Côte d'Ivoire et du Tchad qui ont un statut un peu particulier, et que la nouvelle stratégie diplomatique de Sqarkozy va emporter. Plus clairement, affirme le Figaro dans son édition d'hier, la cause est entendue pour les militaires français stationnés à Abidjan Port-Bouët. Côté retraits purs et simples, l'affaire de la Côte d'Ivoire semble entendue. Il vient d'ailleurs d'être décidé de changer le statut de nos forces présentes à Abidjan : elles passent d'implantation permanente à celui d'opération extérieure , rapporte le quotidien français. La France doit être présente de façon différente en Afrique. Tous les chefs d'Etat concernés sont informés , a confié Nicolas Sarkozy à quelques heures de l'annonce officielle de ce pan de son projet de rupture au Parlement sud-africain . Thabo Mbeki qui, avec Laurent Gbagbo, combat l'implantation des bases militaires concernées, s'est pour sa part réjoui de l'initiative du successeur de Jacques Chirac. Cela fait partie de la suite du processus de décolonisation en Afrique , s'est-il félicité. C'est avant la présidentielle française que le candidat Sarkozy a fait le serment de rompre avec les habitudes françafricaines. Il a pris alors le pari de tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés qui ont de tout temps régi la France et des pays africains.

''Jugeons Sarkozy aux actes''
Aujourd'hui encore, il donne les rasions de cette vision. Je pense que les temps ont changé et que la France n'a pas à jouer le rôle de gendarme en Afrique. C'est le rôle de l'Union africaine et des organisations régionales africaines. C'est dans ce but que j'ai décidé de revoir le cadre de cette présence militaire et ses objectifs , se justifie le locataire de l'Elysée. La déclaration présidentielle, révèle Le Monde, a surpris plus d'un à l'état major de l'armée française. Il n'empêche, des sources diplomatiques estiment la situation est irréversible. Les 900 hommes du 43è BIMA vont bientôt plier les tentes. Avec la renégociation de ces accords militaires, le Sénégal va demeurer la seule porte d'entrée maritime pour Paris. Dakar est pressentie pour suppléer Abidjan. De quoi satisfaire les Ivoiriens qui n'ont pas de mots assez durs pour fustiger les décideurs français sur le sujet. Il en va notoirement ainsi de Mamadou Koulibaly. Le chef du Parlement de Côte d'Ivoire dénonce depuis l'éclatement de la rébellion l'attitude de la France et ses soldats. En 2005, le président de l'Assemblée nationale a même publié un livre, ''Les servitudes du pacte colonial'', pour mettre à nu le pacte colonial qui lie Paris à certaines capitales africaines. Ce livre révèle comment les accords de défense sont en réalité des accords commerciaux, obligeant les Etats d'Afrique francophone à conserver des bases militaires françaises sur leur sol, avec des soldats prêts à intervenir pour chasser les dirigeants récalcitrants, afin de les remplacer par des individus plus dociles , éclaire Koulibaly, motivant la publication de l'ouvrage. Ceci dit, le chantier de Sarkozy laisse un soupçon de pessimisme dans certains cercles. Ces personnalités et associations, pas rabat-joie pour un sou, veulent voir le président français passer aux actes. Les premiers pas de Nicolas Sarkozy en Afrique sont de fraîche mémoire. Alors qu'il annonçait tambour battant la mort de la Françafrique, il réserve l'une de ses toutes premières visites sur le continent à Omar Bongo Odimba, pilier du système françafricain. D'autres signaux de la continuité ont fait sortir de leur gong des voix autorisées. Tel Jean-Marie Bockel, membre du gouvernement Fillon. Le secrétaire d'Etat à la Coopération s'agaçait récemment de ce que la rupture annoncée tarde à venir. Nous jugerons sur pièces, tempèrent les Saints Thomas.

Guillaume N'Guettia

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